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Mise en place du Sénat Burkinabè : Le mois de mai s’annonce décisif

Publié le jeudi 2 mai 2013 à 21h31min

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Mise en place du Sénat Burkinabè : Le mois de mai s’annonce décisif

Avec la révision constitutionnelle de 2012, le Sénat demeure à ce jour le chaînon manquant de l’architecture institutionnelle au Burkina Faso. Et apparemment, ce mois de mai 2013 s’annonce capital dans la mise en place de cette chambre haute du Parlement Burkinabè dont le président remplace le Président du Faso en cas de vacance du pouvoir.

En tout cas, par ces temps qui courent, les acteurs de la question semblent mettre les bouchés doubles pour permettre la mise en œuvre du titre V de notre loi fondamentale qui dispose à son article 78 que « le Parlement comprend deux chambres : l’Assemblée nationale et le Sénat ».

Ainsi, pendant que les députés s’apprêtent à examiner à l’Assemblée nationale la loi organique portant organisation et fonctionnement du Parlement, c’est le ministre d’Etat chargé des Réformes politiques et des Relations avec le Parlement et des Institutions, Arsène Bongnessan Yé qui a fait le déplacement du Gabon. A Libreville comme à Ouaga (à l’Assemblée nationale), c’est le dossier création du Sénat burkinabè qui est au cœur des préoccupations.

Les députés à l’Assemblée nationale vont examiner le texte organique en deux temps. D’abord en commission et ce sera les 13 et 14 mai 2013, à en croire nos confrères du Courrier Confidentiel. Ensuite en plénière, prévue probablement pour le 21 mai 2013.

39 Sénateurs viendront des collectivités et 31 nommés par le PF

Selon le contenu du projet de loi organique qui sera prochainement mis en discussion à l’Hémicycle, le futur Sénat burkinabè devrait être composé au total de 91 membres répartis ainsi qu’il suit :
  39 représentants des collectivités territoriales à raison de 3 par région ;
  4 représentants des autorités coutumières et traditionnelles
  4 représentants des autorités religieuses ;
  4 représentants des syndicats de travailleurs ;
  4 représentants du patronat ;
  5 représentants de la diaspora burkinabè ;
  31 sénateurs nommés par le Président du Faso.

S’inspirer de l’expérience gabonaise du bicaméralisme

En se rendant au Gabon, où il a été reçu par son homologue, Madame Ida RETENO ASSONOUET, le ministre d’Etat Yé veut s’inspirer du modèle gabonais en matière de bicaméralisme.

L’idée de cette visite en terre gabonaise du Monsieur Réformes politiques du président Blaise Compaoré n’est pas insensée en soi, ne serait-ce que dans le cadre de la coopération Sud-Sud. Et les acteurs de la mise en place du Sénat burkinabè ont certainement quelque chose à apprendre de l’expérience du Gabon qui dès le milieu des années 90 s’est doté d’un Sénat.

En effet, la première initiative de la création d’une seconde chambre du Parlement dans le pays de Léon M’BA remonte à 1990, année où le Gabon renoua avec le multipartisme.

Mais, le projet de loi soumis à l’examen des députés de la huitième législature fut rejeté. De nombreux arguments furent avancés pour justifier l’inopportunité de l’instauration du bicamérisme dans le paysage institutionnel du pays.

Mais, en 1994, lors de la première session extraordinaire de l’Assemblée Nationale examinant le projet de loi portant révision de la Constitution du 26 mars 1991, le ministre gabonais de la Justice, Gardes des Sceaux de l’époque, Serge MBA BEKALE, réussissait à convaincre les parlementaires de l’opportunité de la révision. Laquelle révision, assurait-il, répondait à la nécessité d’adapter la Constitution en vigueur à l’évolution de la Vie politique nationale, de mobiliser davantage les énergies de la nation gabonaise face aux défis du moment et à venir. L’Assemblée Nationale adopta alors le 18 mars 1994 la révision de la Constitution qui consacra la création d’une seconde chambre du Parlement. Le Sénat gabonais va siéger pour la première fois, le 10 mars 1997.

Douze ans plus tard, le 8 juin 2009, c’est la présidente de l’Institution, Rose Francine Rogombé, qui est désignée par la Cour constitutionnelle pour assurer l’intérim à la présidence de la République, suite à la mort du président Omar Bongo. Après la tenue de l’élection présidentielle du 30 août 2009 qui a vu la victoire de Ali Bongo, fils du président défunt, Rose Francine Rogombé reprendra le 20 octobre 2009 son poste de présidente du Sénat.

Seize ans après son instauration, l’expérience bicamérale du Gabon se poursuit et inspire des pays comme le Burkina Faso.

45 ans pour être sénateur au Burkina

Comme le Sénat gabonais, le Sénat burkinabè comptera, sauf changements de dernière minute, 91 membres. Comme au Gabon, la seconde chambre du Burkina aura à son sein des représentants des collectivités territoriales et le président héritera de la lourde mission d’assurer la plus lourde charge de l’Etat en cas de vacance à la Présidence du Faso. Pour l’essentiel, les similitudes entre les deux systèmes bicaméraux s’arrêtent là. Pour le reste, le Faso créera ou copiera ailleurs pour concocter son Sénat. Ainsi, s’il faut au moins 40 ans pour être sénateur à Libreville, à Ouaga il faudra au moins 45 ans pour espérer siéger au Sénat, pendant que l’âge planché pour la candidature à la Présidence de la République est de 35 ans au moins.

« Le législateur a estimé que le sénat doit être composé de personnalités âgées et pétries d’expériences », a-t-on expliqué récemment lors de la présentation du bilan partiel de la mise en œuvre des réformes. Mais, où est passée la politique de la promotion de la jeunesse dans tout ça ?

Mise en garde du Chef de file de l’opposition

Bref, la mise en place du Sénat burkinabè ainsi amorcée ne se fait pas dans les meilleures conditions. Et ce n’est pas l’opposition politique qui dira le contraire.

En tous les cas, le nouveau chef de file de l’opposition politique, Zéphirin Diabré a été très clair ce 17 avril 2013 sur la question lors de sa prise de contact avec les responsables des formations politiques de l’opposition :
« Comme nous, les Burkinabè ne voient pas l’utilité d’une seconde chambre au sein de notre Parlement. Qu’est-ce qu’un Sénat va faire que ne puisse pas déjà faire l’Assemblée nationale existante. Pourquoi par ces temps de vie chère et dure pour la majorité des Burkinabè dépenser les deniers publics, juste pour le souci d’offrir des sinécures à des amis politiques en pré-retraite ? Des groupes parlementaires de l’opposition, heureusement, se sont déjà saisi de la question et je suis persuadé qu’ils sauront apporter à la majorité la réplique qui convient. Mais, toute l’opposition doit être en alerte sur le sujet, et surtout nous devons mener l’action de terrain qui nous permettra de gagner l’importante bataille de l’opinion », a-t-il martelé.

Mais, il n’y a pas que les opposants politiques qui ont des réserves par rapport au dossier Sénat. Des organisations de la société civile comme le Centre pour la Gouvernance Démocratique (CGD) suivent également le dossier de près. L’organisation tient ce 3 mai à Ouagadougou un panel sur le projet de loi organique portant organisation et fonctionnement du Parlement.

Grégoire B. BAZIE

Lefaso.net

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