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Déficit céréalier dans la région du Nord : La culture de contre-saison pour remplir les greniers

Publié le mardi 20 mars 2012 à 01h07min

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La campagne agricole 2011-2012 au Burkina Faso n’a pas été à la hauteur des attentes des paysans. Sur le territoire national, 146 communes de 10 régions sont déclarées déficitaires, parmi lesquelles figure celle du Nord. Face à cette situation alarmante, le gouvernement a lancé la campagne sèche, en vue de juguler le déficit céréalier. Reconnue depuis longtemps comme une zone de pratique de la culture maraîchère, la région du Nord pourrait pallier momentanément la crise alimentaire.

Le contenu des greniers des cultivateurs ne tardera pas à se vider cette année, la campagne agricole 2011-2012 au Burkina Faso étant déficitaire. Cependant, le Burkina, pays moins arrosé, ne tarit pas de méthodes et de techniques pour faire face à ces situations. La culture de contre-saison, souvent appelée culture hors hivernage pourrait constituer un palliatif. Ainsi, dans la région du Nord, les populations s’activent, tant bien que mal, à cette activité. Grâce au barrage de Toécé, communément appelé ‘’Barrage Oumarou Kanazoé’’, dans la province du Passoré nombreux sont ceux qui s’adonnent à la culture maraîchère, avec la production de diverses spéculations dont la principale est la tomate. Hamidou Sankara est producteur et vice-président de la Coopérative de Ouonon, dans le Passoré.

L’air serein, ce sexagénaire note que l’année dernière, beaucoup de cultivateurs n’ont pas récolté le moindre épi de céréales et estime qu’à travers la vente de leurs produits maraîchers une épine sera enlevée du pied. Il confie avoir récolté 14 sacs de céréales, l’année 2010-2011 contre 21 en 2011-2012. N’ayant pas encore commencé la récolte des cultures hors hivernage, M. Sankara reste confiant. « Pour la campagne 2010-2011, chaque producteur a engrangé respectivement 100 000 FCFA dans la vente de la tomate et 300 000 FCFA dans celle de l’oignon. Pour l’année en cours, nous attendons de voir, mais nous espérons que la vente sera à la hauteur de nos attentes », rassure-t-il.

La coopérative a vu le jour en 2009, grâce au soutien de l’association Solidarité et entraide mutuelle au Sahel (SEMUS). Avec une superficie de 25 ha, seulement 15 ha sont exploités par une centaine de producteurs. L’objectif de ce soutien, selon le président de l’association, Mahamadi Sawadogo, est d’aider les populations démunies à améliorer leurs conditions de vie. « L’association SEMUS est à sa deuxième année d’appui, au plan financier et encadrement de proximité. Elle attend la 3è année pour l’évaluation, car c’est une coopérative qui doit se prendre en charge dans les années à venir et c’est dans cette optique qu’elle sensibilise les producteurs sur le terrain, à la recherche du marché avant production », explique M. Sawadogo.

Si au niveau de la coopérative, l’espoir est permis, ceux qui disposent d’exploitations individuelles semblent s’inquiéter de l’issue de la campagne sèche. Jean-Marie Zida, producteur individuel dit avoir vendu de l’oignon et de la tomate l’année écoulée, et a empoché une somme de 200 000 FCFA. « Pour la campagne en cours, ce sera un peu difficile, parce que j’ai mis l’accent sur la production d’oignon croyant faire de bonnes affaires, mais le hic est que l’oignon qui se vendait l’année passée à 20 000FCFA le sac de 100 kg à pareil moment, est vendu présentement à 8 500FCFA. Je n’ai pas encore commencé, ni la récolte de l’oignon ni celle de la tomate, mais je ne suis pas optimiste », déplore M. Zida.

Le rôle premier de l’agriculture est d’assurer la sécurité alimentaire et de constituer une source de revenus à ceux qui la pratiquent. En dépit des caprices de la pluviométrie, les responsables de l’Agriculture et de l’Hydraulique restent optimistes quant aux spéculations dont regorge la localité pendant la période hors hivernage. Le Directeur provincial de l’agriculture (DPA) du Passoré, Alammissi Sawadogo se dit confiant : « Pour la campagne 2010-2011, 224 ha de superficie de tomate ont été emblavés et cette année, nous sommes à 225 ha ». Le Directeur régional de l’Agriculture (DRA) du Nord, Auguste Tapsoba, a pour sa part, indiqué qu’en 2010-2011, les barrages ont déversé et les spéculations tels l’oignon, la pomme de terre, le chou et la tomate ont été intenses en production avec une réalisation de 120%.

Selon lui, parmi toutes les filières, l’oignon est la seule appuyée par le Programme d’appui aux filières agrosylvo-pastorales (PAFASP) dont Ouahigouya abrite l’antenne régionale. Elle a connu un boom significatif et reste la principale filière dans la région par rapport aux autres spéculations. En 2011, 3768,4 ha ont été emblavés pour cette spéculation avec une production de 109 283,6 tonnes. En 2012, une production de 41 925 tonnes d’oignon est attendue. La culture maraîchère a atteint des résultats appréciables, l’année écoulée. Pour les superficies cultivées, 7 936 ha ont été enregistrés avec une production de plus de 200 mille tonnes, toutes spéculations confondues.

« L’année passée, il y a eu deux productions mais à l’heure actuelle, les producteurs peinent à couvrir la première production. Les barrages sont presque secs. Nous n’aurons que 50% de la production de l’an dernier et la situation pouvait être catastrophique, si l’Etat et ses partenaires n’avaient pas subventionné les producteurs en semences maraîchères et en produits phytosanitaires », a reconnu M. Tapsoba. La baisse rapide du niveau de l’eau dans les barrages a amené les producteurs à anticiper sur la production. Beaucoup se sont investis dans cette culture afin de pouvoir reconstituer leurs stocks céréaliers. Pour une superficie de 4 084 ha emblavés pour toutes les spéculations pour l’année en cours, il est prévu une production de plus de 90 mille tonnes.

Au regard de ce chiffre plus ou moins encourageant et à la question de savoir si les producteurs pourront remplir leurs greniers en céréales à travers la vente de leurs produits maraîchers, le DRA du Nord, Auguste Tapsoba, répond : « Qu’il y ait une année excédentaire en céréales ou déficitaire, les producteurs de la région du Nord n’ont jamais croisé les bras. Ils se sont toujours mis dans les cultures hors saison. Avec la situation actuelle, nous pouvons dire que les cultures de contre-saison sont d’une part, une des solutions qui permettent de combler le déficit céréalier dans les localités disposant des points d’eau. Mais d’autre part, elles vont améliorer l’alimentation des populations à travers la transformation de ces produits’’, ajoute-t-il. Ces cultures pourront couvrir les besoins des populations pendant combien de temps ? La question reste posée. Dans des communes où le spectre de la crise alimentaire a commencé à s’installer, l’Etat, selon M. Tapsoba, a pris des mesures en les ravitaillant en céréales, à travers le stock de la Société nationale de gestion des stocks de sécurité (SONAGESS).

Le maraîchage, un filon

Les producteurs unis en groupements ou en associations autour d’un site diversifient leurs productions. Mahamadi Kindo est un producteur au périmètre aménagé de Goinré. En plus des légumes qu’il produit, il associe la culture des légumineuses, à savoir le haricot vert. Cette culture émergeante dans la région du Nord est prometteuse et gagne à nouveau du terrain, de façon exponentielle comme cela l’a été à l’époque des grandes unions telle l’Union des coopératives du Bam (UCOBAM) dans les années 1980-1990. La culture du maïs est moindre. A entendre les producteurs, il est souvent associé pour protéger certaines cultures qui ne résistent pas à la chaleur (poivron, piment, chou…). Sur ce périmètre de 50 ha cohabitent 227 exploitants. Chacun dispose au moins de 0,25 ha de portion de terre. Mais le haricot vert occupe seulement 7 ha. Selon M. Kindo, la récolte est faite tous les trois jours et 1 ha donne environ 100 à 200 cartons de haricot vert (un carton pèse 5 kg). « A chaque récolte, nous pouvons vendre une cinquantaine de cartons à raison de 1 000 FCFA, le carton.

Avec une somme de 50 000 FCFA par récolte, nous ne pouvons que nous estimer heureux. Mais cette année, nous sommes à une trentaine de cartons, compte tenu de la situation alarmante en eau, alors qu’il faut que nous renforcions nos greniers », relève t-il.
Pour la campagne 2012, une production de 208 tonnes de haricot vert est attendue dans la région du Nord contre 252 tonnes, l’année écoulée.

Au Nord, les cultures maraîchères constituent des cultures de rente et procurent des aliments et des revenus relativement meilleurs aux populations rurales. Tout comme M. Kindo, Salam Tao, président du groupement ‘’Toumlasida’’, est un producteur modèle utilisant plusieurs spéculations (tomate, chou, oignon, semence d’oignon, pomme de terre..) sur le site aménagé de Golonga dans le Lorum. Etant dans cette activité depuis plus de 27 ans, M. Tao dit produire en quantité, la pomme de terre. Habituellement, une superficie de 7 ha est exploitée pour cette spéculation. Cette année, le manque d’eau et la non disponibilité des semences améliorées de cette spéculation, ont été un handicap. Seulement 2 ha ont été exploités avec une production de 5 000 kg dont la valeur est de 1 250 000 FCFA déjà acquis.

D’ici à la fin de la campagne, ce producteur compte engranger, toutes spéculations confondues, un montant d’environ 6 400 000 FCFA, comparativement à celle de l’année écoulée, quand il n’a eu que 5 605 000 FCFA. « Je n’ai récolté que 20 sacs de 100 kg de céréales pour la campagne de 2011-2012. Pour celle précédente, elle a été satisfaisante avec environ 93,5 sacs. Avec le montant attendu, si toutefois il n’y aura pas de mévente, je pourrais remplir mon grenier’’, se convainc M. Tao.

La production du tubercule jaune est elle aussi en pleine expansion dans la province du Lorum. Les producteurs ont su faire de la fête de la pomme de terre une tribune de renommée dans la région. Cette fête a donné à la localité, une grande visibilité. Sur une superficie de 85,5 ha prévus pour la pomme de terre à la campagne de 2012 dans le Lorum, 21,5 ont été réalisés avec une production de 660 tonnes attendues contre 118,5 ha emblavés en 2011. Pour le directeur provincial de l’Agriculture de Lorum, Adama Seynou, l’initiative des journées promotionnelles a été un atout pour les producteurs et les superficies augmentent d’année en année pour une production de plus en plus accrue.

« De 10 ha dans les années antérieures, les superficies de la pomme de terre dans le Lorum passent de 20 à 30 ha avec une production de 25 à 30 tonnes à l’ha. Le chou est également une spéculation de la province et 1650 tonnes sont attendues’’, ajoute-t-il. Sur le périmètre de Golonga, les producteurs ont bénéficié de variétés de pomme de terre américaine (Calwhite, Red, Sifra, algeria…), adaptées aux sols, avec un cycle moyen de 80 à 85 jours. Ces variétés qui sont des tests d’introduction, selon M. Seynou, sont performantes. « Il nous faut attendre au moins trois ans pour que ces caractéristiques soient confirmées. Mais de prime à bord, nous pouvons déjà nous réjouir, car la production de ces variétés peut atteindre 40 tonnes à l’ha », fait remarquer le DPA de Lorum, Adama Seynou.

La production de la culture maraîchère se fait généralement en octobre, avec une pointe de récolte en février-mars. Cela entraîne une abondance pendant cette période de l’année, engendrant ainsi une commercialisation des produits à des prix peu rémunérateurs, voire des difficultés d’écoulement.

S’organiser pour mieux vendre

Plus de 80% des femmes de la région du Nord pratiquent la culture hors saison. Sur des lopins de terre acquis, elles tirent leur épingle du jeu, tout en excellant dans la production de l’ail, du haricot vert, de l’oignon, de la carotte… Mais la réussite ou l’échec d’une saison maraîchère s’observe davantage par la vente. Alimata Soré, productrice sur le périmètre aménagé de Ridimbo dans la province de Zondoma, dit être déçue de la présente campagne. Elle avoue avoir déjà vendu la production de tomate à des prix dérisoires. En effet, l’écoulement des produits maraîchers est un véritable casse-tête chinois pour la plupart des producteurs de la région du Nord. De Yako à Titao en passant par Gourcy et Ouahigouya, les producteurs ne veulent plus s’adonner à des activités qui ne leur rapportent que des ennuis.

Les Ghanéens, principaux importateurs de la tomate de la région du Nord, achètent parfois la caisse de 120 kg à 8 000 FCFA, alors qu’en temps normal, cette même caisse est vendue à 50 000F CFA voire 60 000 F CFA. « Avec la mévente, c’est le producteur qui connaît d’énormes pertes, alors qu’il se base sur les revenus de ses produits pour subvenir aux besoins de sa famille. Pire encore, le manque d’eau nous inquiète par rapport aux rendements que nous attendons », lance Yassia Sourgou, un producteur de tomate à Gourcy.
Cette année, nombreux sont ceux qui se sont tournés vers la culture de l’oignon, car affirment-ils, « l’oignon peut se conserver pendant plusieurs mois, alors que la tomate est une culture périssable, surtout si nous ne trouvons pas à temps, des preneurs.

L’année précédente, il y a eu une mévente de la tomate. C’est la raison pour laquelle nous avons été un peu réticents ». La culture de la tomate est pratiquée dans presque toutes les quatre provinces de la région du Nord. En plus des motopompes et des puits traditionnels dont disposent les producteurs, ils innovent avec d’autres techniques dont l’essai de la production de cette spéculation par le système du goutte-à-goutte. « Avec le goutte-à-goutte, le producteur n’a plus besoin de l’arrosoir pour arroser ses plants. Il gagne en temps et en eau. Un seul désherbage suffit, avec un rendement acceptable de 28 tonnes à l’hectare », explique le responsable de la petite irrigation de la direction régionale de l’Agriculture et de l’Hydraulique, Jean Pierre Valian.

Le directeur régional de l’Agriculture du Nord, Auguste Tapsoba, affirme que des agents de l’agriculture accompagnent les producteurs sur le terrain, en les formant à toutes les techniques itinéraires, mais certains ne les maîtrisent pas. Pour le chef de Zone d’appui technique (ZAT), Haoua Taho du Yatenga, les producteurs sont sensibilisés à l’utilisation de la fumure organique, au détriment de celle minérale car selon elle, la fumure organique a des avantages incommensurables Ce n’est d’ailleurs pas le responsable à l’organisation de la Coopérative de Goinré, Boukary Kindo qui dira le contraire : « L’urée et les engrais vendus sur les marchés ne sont pas de bonne qualité et ne sont pas à la portée de tous. Par contre avec la fumure organique, tous ceux qui l’utilisent applaudissent après récoltes, car le rendement est acceptable », avoue-t-il.

Les responsables de l’Agriculture œuvrent à renforcer les capacités des producteurs, en les aidant à créer des économies locales, à travers leurs productions et à des circuits de commercialisation plus maîtrisés.
« Certains de nos producteurs ont suivi des formations au Ghana, pays importateur de la tomate. Notre objectif est que nos producteurs cultivent le professionnalisme dans leurs productions. Le but n’est pas de produire pour produire, mais produire en quantité et en qualité pour conquérir le marché national et sous-régional », insiste M. Tapsoba.

Pour relever les défis d’écoulement des produits céréaliers, l’Etat, selon le Directeur provincial de l’Agriculture (DPA) du Passoré, Alammissi Sawadogo, est en train de s’atteler à la construction d’un comptoir d’achat à Yako et à celle d’une usine de transformation des produits maraîchers à Loumbila, dans la région du Plateau central. « La réalisation de ces infrastructures soulagera le producteur. C’est pour cette raison que d’autres sont déjà en union ou en organisation faîtière La tenue du Salon de la tomate du Passoré (STP) chaque année, est aussi un acquis », rassure M. Sawadogo.

La culture de contre-saison dans la région du Nord est un véritable moyen de lutte contre la pauvreté. Il revient donc aux producteurs de s’organiser pour mieux planifier leurs productions, mieux produire, afin de mettre à la disposition des consommateurs, des produits de qualité et compétitifs. Des actions d’accompagnement sont menées par le gouvernement, à travers des projets et programmes et des partenaires et celles-ci pourraient placer le Burkina Faso sur le chemin du développement humain durable.

Afsétou SAWADOGO

Sidwaya

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