FESTIMA 2012 : Dédougou célèbre le masque africain
Dédougou, chef-lieu de la région de la Boucle du Mouhoun célèbre le masque africain. Le festival international des masques et des arts (FESTIMA) a ouvert ses portes le 28 février 2012. Masques de fibre, d’écorce, de pailles, de tissu, de feuilles, bref toutes les facettes de la culture du masque seront revisitées dans la cité du Bankuy une semaine durant. A travers parades, danses, musique et mets traditionnels, une quarantaine de sociétés de masques venus de six pays de l’Afrique de l’Ouest vont présenter la richesse de cet art. Organisée par l’association pour la sauvegarde des masques (ASAMA), la 11e édition se tient sous le thème : « améliorer la production et la diffusion des connaissances sur le masque africain ».
Les résultats d’une recherche menée en 2010 dans quatre pays de l’Afrique de l’Ouest (Bénin, Burkina, Côte d’Ivoire et Mali) ont démontré que le masque ou sa culture était peu connu. Pire, l’étude révèle que les masques sont en voie de disparition avec les vols et autres bradages d’objets de masques. Ainsi, cette étude a permis de recenser un patrimoine culturel de 303 sociétés de masques dans ces quatre pays, sociétés qu’il convient de protéger et de soutenir afin de pérenniser la survie de cet art face aux mutations que connait le monde.
C’est d’ailleurs les résultats de cette étude qui ont motivé le choix du thème de la présente édition du FESTIMA : « améliorer la production et la diffusion des connaissances sur le masque africain ». Mais, « il faut améliorer d’abord les connaissances sur le masque africain avant d’en améliorer la production car le masque africain est essentiellement une représentation culturelle », soutient le maire de Dédougou, Gnami Valentin Konaté, dans son mot de bienvenue aux festivaliers.
C’est d’ailleurs ce à quoi s’attèle l’ASAMA depuis sa création. Elle a initié le FESTIMA depuis 1996, qui a certes connu des moments de flottement du fait de manques de moyens financiers. Mais, elle tient bien à son « truc ». L’évènement est désormais une biennale qui draine des foules.
Le Bénin, le Nigéria, le Mali, le Togo et la Côte d’Ivoire se joigne au Burkina pour célébrer le masque africain à Dédougou. Avec la quarantaine de sociétés de masques présentes cette année, les organisateurs attendent environ 100 000 visiteurs. Pour susciter la participation de tous, le principe de la gratuité n’a plus droit de cité. Une contribution 100f à 1000f est exigée pour assister aux prestations des différentes troupes de masques qui vont parader. « Le FESTIMA, c’est cette vitalité que créent les masques de feuilles, de fibres, d’écorce, de pailles et de tissu, issus de différentes sensibilités culturelles du Burkina Faso, de l’Afrique et d’ailleurs », souligne le commissaire général du festival, Servace Marise Dabou.
Pendant six jours, la culture du masque sera revisitée dans toute sa diversité (feuilles, fibre, tissu, pailles, écorce) à travers des parades, des danses, de la musique, des expositions et des débats.
Ce, à la faveur de la foire artisanale qui regroupe des artisans venus d’horizons divers de l’Afrique. Le FESTIMA 2012, c’est aussi la promotion de l’art culinaire traditionnel. Les participants pourront déguster différents mets phares burkinabè, maliens, togolais, béninois…
L’édition 2012 du FESTIMA est parrainée par l’évêque émérite Mgr Anselme Titiama Sanon. Que vient chercher un homme d’Eglise dans une histoire de masque ? Se demandent sans doute beaucoup de personnes. Mais « la réponse la plus simple est que je suis né dans une famille du masque où j’ai reçu une éducation selon la tradition ancestrale avant d’être baptisé chrétien », répond-il. Se tournant vers les organisateurs, il dira « votre initiative louable fait et fera du masque un intermédiaire sur le chemin du dialogue entre les êtres vivants visibles et ceux du monde des vivants non visibles ainsi que de la rencontre avec les autres cultures ».
« Mangez, buvez, soûlez-vous »
Pour la première fois depuis sa création, un ministre de la culture burkinabè honore de sa présence physique une cérémonie officielle du FESTIMA. « Le thème de cette édition traduit l’expression d’un besoin des africains d’avoir une connaissance plus approfondie sur les différents types de masques, leur rôle, leurs fonctions sociales, politiques et culturelles mais aussi et surtout les moyens les plus efficaces pour leur sauvegarde et leur promotion à l’échelle internationale », reconnait Baba Hama. Après la partie officielle, Baba Hama (Peulh d’ethnie) dira à ses esclaves Bwaba « dansez, mangez, buvez, et surtout soûlez-vous ». Il répondait ainsi à ceux qui, auparavant, l’ont traité de « petit peulh, esclave…). La parenté à plaisanterie aura eu toute sa place au cours de cette cérémonie.
Au fil des ans, la réputation de la manifestation dépasse les frontières du Burkina Faso et les biennales attirent de plus en plus les sociétés de masques et les amis du masque de presque tous les continents. Mais, derrière ce succès et les richesses que présente cette fête, se cachent de réelles menaces qui pèsent sur les sociétés traditionnelles de masques. Une menace générale touchant toutes les formes d’expressions. A cette menace, s’ajoute des problèmes environnementaux avec la rareté des essences utilisées dans la pratique des masques.
Suite à ces problèmes, l’ASAMA s’est restructurée depuis décembre 2011 pour devenir une organisation culturelle internationale non gouvernementale à vocation panafricaine indépendante au service de la sauvegarde des traditions de masques en Afrique. Elle aide à « la restauration des tenues, à la réhabilitation de maisons de masques, à l’organisation de sorties traditionnelles, à la réhabilitation et à l’entretien de bois sacré, à la formation en conservation du patrimoine existant, à la recherche de masques qui feront l’objet de vol, etc », selon Tankien Dayo, le secrétaire exécutif de l’association.
Dès le 27 février, une conférence publique a permis de se pencher sur les difficultés que connait la culture du masque et esquissé quelques pistes de solutions afin de la préserver. Le festival des masques prend fin le 04 mars 2012. Ainsi donc, pendant une semaine, les visiteurs vivront au rythme de la culture Bwaba, qui se frottera à celles des autres pays participants.
Moussa Diallo
Lefaso.net