LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Mieux vaut une tête bien faite qu’une tête bien pleine.” Montaigne

Au-delà de la présidence du CDP

Publié le mercredi 18 janvier 2012 à 14h05min

PARTAGER :                          

Assurément ce début d’année 2012 est vraiment singulier. Après l’affaire GUIRO qui a polarisé toutes les attentions, alimenté les chroniques et apporté de l’eau aux moulins de nombre d’acteurs politiques et d’analystes, les extirpant de la torpeur des fêtes de fin d’année, voilà que le CDP, plus précisément son Président, décide d’en rajouter une couche avec une déclaration pour le moins inattendue.

Tout naturellement au grand bonheur de tout ce beau monde qui n’en demandait d’ailleurs pas autant, obligé qu’il était de rechercher déjà autre chose pour continuer à s’en donner à cœur joie. Il faut dire que sans pour autant faire « pschitt », l’affaire GUIRO n’a pas réussi à devenir l’affaire d’Etat qu’il voulait, se limitant à une simple affaire administrative, d’ailleurs correctement prise en charge par les administrations dont elle relève, après le coup de semonce énergique du Président du Faso.

Or ce n’est pas faute d’avoir tout fait pour, certains acteurs se défoulant jusqu’à l’hystérie et débitant des impudences à la hauteur de leur mauvaise foi. En effet, ils sont nombreux à n’y être pas allés du dos de la cuillère, multipliant les injures grossières et les analyses abracadabrantes à telle enseigne qu’on se demandait si tant d’excitation et de fébrilité n’étaient pas beaucoup plus le fait de leur dépit devant la pertinence des réponses apportées que l’affaire elle-même. Ainsi, et aussi curieux, que cela puisse paraître, ceux-là mêmes qui ne jurent que par l’indépendance de la justice et la séparation des pouvoirs, qui accusent le pouvoir à tout propos de s’immiscer dans les affaires de la justice se sont surpris à exiger du gouvernement qu’il se prononce alors que la justice est saisie et de surcroit a parlé.

Honnêtement et sérieusement, que voulaient-ils que le gouvernement dise de plus que le Premier Ministre n’ait déjà dit sur le sujet à l’annonce des faits ou le Procureur Général et le Procureur du Faso au cours de leur conférence de presse commune ? C’est vrai que certains sont devenus spécialistes de la recherche de poux sur des crânes frais rasés, mais tout de même ! Le plus pitoyable c’est que ce ne sont pas que des politiques ou des internautes qui se laissent aller à de telles légèretés.

Soit dit en passant et à l’intention des internautes qui ne font que dans l’injure gratuite et les menaces de petits matamores, nous opposons bien plus qu’un silence méprisant ; de la pitié. S’ils savaient ce que nous avons risqué dans l’histoire de ce pays pour qu’ils puissent faire ce qu’ils font, ils sauraient combien ils sont ridicules et se cantonneraient au seul exercice qu’ils maîtrisent, les injures, au lieu de tenter de nous intimider. Les pauvres !

Pour revenir à la polémique née des propos du président du CDP, il faut dire que lesdits propos, relatifs à son retrait de la direction du parti à l’occasion de son Congrès de mars prochain, ont réellement surpris même s’ils s’en trouvent pour affirmer après coup, qu’ils le sentaient venir. Ils n’hésitent même pas à employer des formules voulues savantes mais qui montrent en réalité qu’ils n’ont rien compris. En dehors de cela, la question en pose beaucoup d’autres qu’elle ne donne de réponses même si elle fournit des clés de décryptage du prochain congrès et de l’orientation de la vie politique. On ne le sait que trop bien, en politique, il n’y a pas d’actes gratuits, même si bien souvent les analyses et les interprétations vont largement au-delà des faits pour intégrer les souhaits inavoués de leurs auteurs.

Dans un pays de savane comme le nôtre où tout est réputé connu de tous, l’exercice ressemble trop souvent à du charlatanisme et à des procès d’intentions. On comprend dès lors pourquoi certains y voient la preuve de tensions au sein du CDP, d’autres des stratégies de positionnement pour 2015, si ce n’est un appel du pied à « l’alternance » au sommet de l’Etat.

Chacun y va de sa ritournelle en occultant ostensiblement les raisons invoquées par l’auteur du propos pour expliquer sa décision. Mais est-il seulement possible que Roch Marc Christian KABORE veuille quitter la présidence du CDP pour uniquement favoriser son rajeunissement et permettre à d’autres cadres du parti de faire leurs preuves ? Il faut croire que NON pour nos savants analystes.
Et pourtant !

S’il est un parti qui cultive en son sein les mutations de fond comme de forme, c’est bien celui qui est au pouvoir avec le renouvellement régulier de ses organes et l’élargissement continu de sa base sociale. Depuis une décennie, en dehors de son président, sa direction politique n’a jamais été la même d’un congrès à un autre. C’est dire que ce n’est pas à ce parti qu’on pourrait apprendre ce que certains appellent abusivement « alternance » et qu’ils feignent de découvrir. Voilà pourquoi le plus intéressant dans cette affaire, c’est de chercher à comprendre les motivations profondes de cette décision et ses implications en la mettant en perspective. Un exercice autrement plus complexe que les lieux communs et les supputations et suppositions qu’on nous fourgue sous forme de prétendues analyses.
Ce qui vient d’emblée à l’esprit, c’est que 2012 sera une année éminemment politique. Avec les élections couplées législatives et municipales à venir, la mise en œuvre des réformes consensuelles du CCRP, la poursuite des réflexions sur les propositions de réformes non consensuelles, particulièrement sur l’article 37 et le recours au référendum proposé par certains…, les acteurs politiques auront fort à faire. Ils seront sur plus d’un front et ceux-ci seront aussi « corsés » les uns que les autres. Ça ne sera pas de la sinécure. Même pour ceux qui choisiront de se tourner les pouces et de pondre de temps à autre des déclarations.

Dans un tel contexte, il ne sera pas de trop d’avoir des personnes exclusivement concentrées sur des sujets précis et entièrement consacrées à les faire avancer. De même qu’il ne sera pas non plus de trop d’éviter les confusions de genres qui pourraient, à tort ou à raison polluer inutilement le débat et en rajouter aux récriminations des adversaires politiques. Autant de raisons et bien d’autres encore qui peuvent valablement justifier que le CDP ait décidé un redéploiement de ses cadres. Il ne s’agit donc pas de céder à un phénomène de mode ou de s’exercer à de petits calculs politiciens, mais de se donner plus de moyens pour peser plus efficacement sur le jeu politique national.
Ceux qui ergotent aujourd’hui et font les intelligents actuellement au lieu de préparer l’avenir pourraient bien se mordre la langue et les doigts demain. Ceux qui ne voient pas les mutations qui pointent à l’horizon et ne s’y préparent donc pas, n’auront que leurs yeux pour pleurer. Qu’ils ne disent pas qu’on ne leur avait rien dit !

Cheick Ahmed
ilingani2000@yahoo.fr

L’Opinion

PARTAGER :                              

Vos réactions (9)

 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique