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IBRAHIM COULIBALY DIT IB : Mort pour avoir défié la République

Publié le vendredi 29 avril 2011 à 01h37min

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Ibrahim Coulibaly dit IB a finalement été tué. A la grande satisfaction de ses adversaires. Mais quelle désolation pour les populations d’Abobo-gare, quartier du Nord d’Abidjan. Une fin bien triste pour l’intrépide sergent qui s’était autoproclamé général. Des circonstances précises de la mort de celui qui fut l’un des artisans de la victoire sur les forces pro-Gbagbo, on en sait peu. Il reste qu’une page est tournée dans la tumultueuse histoire de la Côte d’Ivoire qui se reconstruit peu à peu, et en dépit de tout.

La mort de IB est à déplorer d’autant que, selon certaines informations, lui et ses hommes entendaient bien se rendre. Aurait-on cru à un bluff de leur part ? Des gens auraient-ils profité pour leur régler les comptes au nom d’un passé fait d’aventures et de putschs ? Nul n’ignore en effet que IB s’était fait trop d’ennemis sur son itinéraire qui rappelle un peu trop celui de Bob Denard le mercenaire. Sauf que lui, IB, s’était rendu populaire en défendant bien souvent des causes justes. Mais progressivement, l’homme s’était trop mis en marge de la République. Trop de contentieux avec tout le monde ou presque. En soi, la mort de IB était prévisible, l’homme n’ayant jamais donné la preuve d’une intelligence politique. En tout cas, il n’a pas su le démontrer. Tout au plus était-il un stratège militaire, ce que pouvaient redouter ses adversaires.

Mais, il semble bien avoir fait une mauvaise analyse de la situation. Il avait oublié que même sans preuve, d’aucuns lui reprochaient toujours la tentative d’assassinat sur la personne de Guillaume Soro, il y a quelques années. Sans oublier tous ces coups d’Etat réussis ou avortés perpétrés de par le passé. En outre, en s’autoproclamant général, et en se taillant un fief territorial, il avait superbement ignoré les règles de la République. Avec autant d’ennemis, il aurait dû faire plus attention, prendre ses précautions, et non jouer inutilement au héros ! Dans la vie civile comme dans la vie militaire, tout est question de rapport de forces.

IB savait pertinemment qu’il s’était fait de nombreux ennemis et qu’il ne pouvait rien, face à toute une armée nationale. N’étant pas en position de force, IB aurait dû ne pas sous-estimer la capacité des autres à lui nuire. Sans doute avait-il surestimé ses forces, et sous-estimé la capacité de ses adversaires ?

La témérité de IB, sa naïveté et peut-être sa méconnaissance des règles de la république l’auront perdu. De ce point de vue, il est le premier responsable de sa propre mort. De fait, IB représentait une menace aux yeux de beaucoup de gens en raison de son penchant putschiste. Hélas, un homme de sa valeur aurait pu profiter à la République. Dommage pour un soldat de sa trempe. Après sa victoire à Abobo et à Anyama, il aurait dû chercher à rencontrer immédiatement ADO, se rapprocher davantage de lui, et demander au besoin sa médiation dans le conflit qui l’opposait à Guillaume Soro. Il a préféré chercher à faire monter les enchères. Son entêtement avait donc fini par l’isoler des siens.

Et il en a payé le prix. Cette mort va-t-elle hypothéquer les efforts en vue de la cohésion au sein des forces armées nationales et de celle sociale ? Apparemment non, l’individu s’étant lui-même fait trop d’ennemis tout au long de son parcours. Ses éléments risquent-ils de se rebeller ? Pourraient-ils faire front commun avec leurs ennemis d’hier : les milices pro-Gbagbo ? Rien n’est moins sûr !

Il apparaît en effet qu’un tel retournement de situation ne mènerait nulle part. Surtout que les ralliements se multiplient autour de ADO. Il y a aussi que les Ivoiriens ressentent beaucoup de fatigue après ces longues années de braise. La plupart d’entre eux ont une folle envie de se refaire une santé morale, de tourner dos à un certain passé et de reprendre les activités avec plus de sérénité. Pourrait-on reprocher à ADO d’avoir laissé les mains trop libres à son Premier ministre dans le traitement de ce dossier ? Le chef de l’Etat savait en effet quelles animosités existaient entre Guillaume Soro et IB. Mais sa première tentative s’était soldée par un échec, le défunt ayant pris sur lui de s’abstenir de répondre au rendez-vous accordé par ADO en prétextant une grippe.

Dès lors, on pourrait difficilement s’en prendre à ADO, lui, qui avait, sans cesse, invité les gens armés à se défaire de leur arsenal, et à se conformer aux lois en vigueur et aux directives nouvelles ! Le rendez-vous manqué aura donc creusé le fossé entre les deux hommes, ce qui aura donc été fatal à IB. La mort prématurée et regrettable de IB est une preuve supplémentaire qu’il n’y a vraiment point de salut en dehors de la République ! Après avoir activement et efficacement pris part à la victoire, IB s’est lui-même fourvoyé. Il s’est lui-même mis en porte-à-faux avec la discipline républicaine qui s’impose aujourd’hui à tous. Mais reconnaissance doit malgré tout lui être accordée. Sa bravoure, son sens du combat, sa décision salutaire de mettre les forces pro-Gbagbo en déroute, doivent être reconnues et célébrées.

IB est mort pour avoir trop exigé du nouveau pouvoir. Dans le contexte de la Côte d’Ivoire d’aujourd’hui, l’on ne doit pas chercher à s’imposer au chef de l’Etat élu démocratiquement. La légalité étant incarnée par ADO, ceux qui, jusque-là, avaient continué à lui résister, devront se résoudre à céder. Au risque de subir la sanction infligée à IB qui aura construit sa réputation sur le socle de la violence.

"Le Pays"

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