Préparer avec de la viande n’est plus envisageable dans les ménages moyens de Kongoussi. Depuis quelques mois, la viande du petit comme du gros ruminant qui pouvait s’acheter à partir de 200 F CFA ne relève plus que du passé. Le prix du morceau de viande est subitement passé de 200 F CFA à 500 F CFA au marché central de Kongoussi. L’information a même été rendue officielle à travers un communiqué signé des bouchers de la ville et diffusé sur les chaines des radios locales.

Depuis lors, nombreuses sont les familles qui ont modifié leurs habitudes alimentaires en passant de la viande au poisson. Pour mieux comprendre cette nouvelle mesure, nous nous sommes rendu au marché central de Kongoussi le 3 février dernier, à la rencontre des bouchers. Selon leur chef, Abdoul Karim Boly, les responsabilités sont partagées. De son avis, la chèvre qui se vendait à 10 000 F CFA auparavant est passée à 20 000 F CFA et même plus sans motif réel. Les moutons, quant à eux, sont devenus les plus chers du marché. Les bœufs sont en rupture totale. Nous gagnons tout au plus 3 bœufs par semaine, a-t-il laissé entendre.

"C’est au regard de cette situation et compte tenu des multiples pertes que subissent les bouchers au quotidien que nous avons décidé de ne plus vendre la viande à moins de 500 F CFA", a-t-il conclut. Aussi, les bouchers de Kongoussi dénoncent-ils le délaissement de leur activité par les autorités communales et nationales. Pour eux, si leur association qui regroupe plus de 50 professionnels bénéficiait de subventions ou de prêts, les bouchers de Kongoussi pourraient aussi s’approvisionner dans le Soum où le bétail est moins cher par rapport à la province du Bam.

Aussi, faut-il noter que la demande en viande chaque jour dépasse l’offre. Au moment ou nous étions en entretien avec les bouchers, les restaurateurs de la ville se bousculaient à l’abattoir, à la recherche de viande. Le seul bœuf qui a été abattu ce jour-là pour toute la commune a été rapidement réservé par deux ou trois personnes. Mme Lydie Sawadogo, patronne du restaurant Mont Blanc a elle seule, réservé 70 000F CFA de viande, de crainte de ne pas en trouver les jours à venir.

Mais elle se plaint tout de même du prix exorbitant. Elle a de ce fait lancé un appel aux autorités de la filière afin qu’une solution soit trouvée. Autrement dit, les restaurateurs seront dans l’obligation d’augmenter le prix du plat ou diminuer la quantité. Au restaurant du Rond-point, la patronne, Mme Clémentine Sawadogo , nous fait savoir qu’elle a arrêté la soupe de viande dans son restaurant depuis longtemps. Cela est dû à la hausse du prix de la viande. A l’en croire, son restaurant absorbe actuellement plus de 300 000 F CFA de viande par mois. Cependant, elle dénonce la mauvaise organisation des bouchers à Kongoussi.

Dans les “restaurants par terre“, beaucoup ont opté pour le poisson comme cette ménagère qui a requis l’anonymat et s’est prononcée en ces termes : “ si ton mari te donne 750 F CFA pour les condiments et tu t’hasardes à payer de la viande à 500 F CFA, qu’est ce que tu vas acheter avec les 250 F CFA restant pour préparer la sauce ? Seuls les riches peuvent se permettre de préparer au quotidien avec de la viande". Les éleveurs pour leur part, reconnaissent que le prix des animaux est très élevé. Mais soutiennent que la plupart des animaux de la province sont exportés vers le Nigeria et vers certains pays voisins.

Selon eux, avec de telles offres, il est difficile pour un éleveur de vendre son animal sur le marché local. A titre d’exemple, un commerçant soutient qu’un mouton qui se vend à 50 000 F CFA à Kongoussi est vendu à près de 100 000 F CFA en Côte d’ivoire et un peu plus au Nigeria, avec souvent des frais de transport inférieurs à 20 000 F CFA par tête. Effectivement chaque jour de marché, des camions 10 tonnes viennent charger les animaux de qualité au marché de Kongoussi en direction de Ouagadougou et de l’étranger. Seulement, nous sommes tenté de nous demander s’il n’y a pas lieu de réorganiser la filière bétail/viande pour que les populations puissent effectivement consommer leur production et surtout à moindre coût ?

Asmado RABO (Collaborateur)

Le Pays