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Les 2 chantiers du quinquennat : “L’émergence” et l’article 37

Publié le lundi 20 décembre 2010 à 00h57min

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C’est en principe aujourd’hui 20 décembre 2010 que le Conseil constitutionnel doit recevoir le serment de Blaise Compaoré, officiellement élu le 21 novembre dernier avec 80,15% des suffrages face à 6 adversaires, qui ont fait ce qu’ils ont pu avec les moyens dont ils disposaient. Par ce serment, qui a une acception d’origine religieuse, le réélu fait la promesse qu’il sera sincère dans son comportement de président, jure et prend à témoin le peuple qu’il remplira bien ses devoirs régaliens ; il s’agit donc d’un engagement ferme.

C’est en principe aujourd’hui 20 décembre 2010 que le Conseil constitutionnel doit recevoir le serment de Blaise Compaoré, officiellement élu le 21 novembre dernier avec 80,15% des suffrages face à 6 adversaires, qui ont fait ce qu’ils ont pu avec les moyens dont ils disposaient. Par ce serment, qui a une acception d’origine religieuse, le réélu fait la promesse qu’il sera sincère dans son comportement de président, jure et prend à témoin le peuple qu’il remplira bien ses devoirs régaliens ; il s’agit donc d’un engagement ferme.

Blaise Compaoré reprend donc les clefs de Kosyam ou plutôt il les garde pour un 4e bail de 5 ans. Au moment où il se réinstallera, il va réitérer sa promesse de campagne consignée dans son programme politique : faire du Burkina Faso un pays émergent.

Sans posséder des binocles de politologue ni d’économiste, il faut savoir d’abord d’où part le Burkina Faso pour prétendre à cette émergence. Pour le moment, il y a loin de la coupe aux lèvres . Est-ce qu’il y a des raisons d’espérer y parvenir ? Sans verser dans le pessimisme noir, on peut raisonnablement en douter, au regard de la situation socio-économique de l’ex-Haute-Volta.

Comparaison n’est pas raison, mais regardons un peu les “Dragons” de l’Asie ou les pays du BRIC (Brésil, Russie, Inde, Chine) ou encore le Ghana voisin, qui va bientôt être classé pays émergent. Toutes ces Nations ont des réalités politique, économique et sociale qui n’ont aucune commune mesure avec celles du Faso. Bien sûr que ces pays sont partis de quelque part, mais entre ce quelque part et celui de notre pays, il y a un écart abyssal.

En réalité, c’est moins le point de départ que les étapes qu’il faut franchir qui rendent dubitative notre prétention à l’émergence. Autrement dit, il y a des conditions à remplir pour arriver là : éradiquer la pauvreté, relever les défis de la santé, de l’éducation, et disposer d’un certain montant de réserves en devises...

Qu’on s’entende bien, ce n’est pas qu’on ne reconnaisse pas que le Burkina Faso a effectué des avancées notables, loin s’en faut, en deux décennies, notre pays a fait un bond prodigieux dans tous les domaines ; mais qu’il y a une vérité irréfragable qui est celle-ci : l’émergence d’un pays ne se décrète pas ! Lorsqu’elle est là, tout le monde la constate. On peut, à la limite, concéder au nouvel élu qu’il posera les bases de l’émergence lors de ce quinquennat 2010-2015, mais, quant à l’émergence elle-même, devra attendre de voir.

Le serment qu’il prononcera aujourd’hui lui enjoindra aussi d’être le garant de la Constitution du Burkina Faso, d’où cette question : est-ce la dernière prestation de serment de Blaise Compaoré ? Car, plus que l’enjeu de la présidentielle passée, dont l’issue était connue d’avance, c’est le sort de ce fameux article 37 qui taraude les esprits.

Selon cette clause constitutionnelle, le président du Faso aurait dû quitter son fauteuil en 2005 au terme d’un double septennat ; ce qui ne fut pas le cas, puisque entre-temps en 1997, on a rayé la mention utile de l’article qui limite le nombre de mandats à deux ; en 2000, nouveau replâtrage de l’article qui stipule que le président du Faso est élu pour 5 ans au suffrage universel direct, égal et secret et qu’il est rééligible une fois. Conséquences : après les quinquennats 2005-2010 et 2010-2015, Blaise Compaoré devrait passer la main. A moins que...

Or depuis de longs mois déjà, le parti majoritaire ne fait pas mystère de son désir d’affranchir son champion du corset des deux mandats ; le CDP l’a d’ailleurs affirmé lors de son dernier congrès. Le principal concerné, lui-même, a encore évoqué ces fameuses réformes lors de son discours à la Nation le 11 décembre dernier. Encore faut-il savoir ce qu’il faut mettre dans ces réformes !

Encore une fois, le charcutage de l’article 37, faut-il le rappeler, ouvre une présidence à vie ; sauf si, même si le verrou est sauté et que l’actuel chef de l’Etat renonce à se présenter en 2015, hypothèse improbable. Comprenons-nous bien aussi sur ce toilettage : du point de vue du droit, de la légalité, les adversaires du pouvoir peuvent pousser des cris d’orfraie, rien, absolument rien n’empêche de le faire, car, exceptés certains aspects de la Constitution tels la forme républicaine de l’Etat, la laïcité, l’intégrité du territoire, tout est modifiable dans la loi fondamentale.

Blaise Compaoré peut même s’offrir le luxe de passer par la voie référendaire pour se faire sanctifier via l’article 37 qu’il n’y aura rien à redire ; cependant, sur le plan de l’éthique et de l’opportunité politique, on ne peut qu’être gêné aux entournures par cette modification annoncée : en effet, en quoi le toilettage de l’article 37 va-t-il renforcer la démocratie burkinabè ?

En quoi apportera-t-il une plus-value au développement du Faso ? Celui qui pourrait bénéficier de ce tripatouillage a déjà 23 années au compteur, et la sagesse recommande qu’il songe à une vie après la présidence du Faso.

Au demeurant, il a été un bâtisseur du pays, car, et nous l’avons souvent mentionné, si Thomas Sankara a mis le Burkina Faso sur orbite, c’est bien lui, Blaise Compaoré, qui l’a bâti, et la marque de fabrique des grands hommes est que leurs œuvres leur survivent, donc si tout le monde estime qu’après le départ du leader, ce sera des points d’interrogation, c’est que ce dirigeant aura échoué, puisque tout s’effondra comme un château de cartes après lui.

Nous avons en tout cas la faiblesse de croire qu’il saura résister aux sirènes de son entourage, qui, à l’évidence, pense moins à l’avenir de Blaise qu’à ses propres intérêts. Ceux qui lui veulent du bien devraient, au contraire, lui conseiller le bon sens pour que son immense travail ne soit pas un jour vendangé ; quitte à ce Blaise himself en décide autrement, car l’ultime option, on le sait, revient toujours au chef. C’est cela la vérité, vérité dans le respect de l’esprit de la Constitution, erreur de l’indispensabilité de quiconque.

Zowenmanogo Dieudonné Zoungrana

L’Observateur Paalga

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