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CELLOU DALEIN DIALLO-ALPHA CONDE : La stratégie du lépreux

Publié le mercredi 29 septembre 2010 à 03h11min

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“Un piège sans fin”. On ne peut s’empêcher de penser à ce titre du roman de l’écrivain béninois, Olympe Bhêly-Quenum, quand on considère la situation politique qui prévaut actuellement en Guinée. Au-delà de la date du scrutin, c’est la présidence de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) qui est désormais le nœud gordien du processus électoral. Cette impasse est de nature à apporter de l’eau au moulin du Premier ministre de la transition, Jean-Marie Doré, qui voulait que l’administration ait un rôle plus accru dans l’organisation du second tour au regard des faiblesses de la CENI.

La dernière proposition en date de placer à la tête de ladite institution Monseigneur Albert Gomez, l’évêque anglican de Conakry, sans être mauvaise en soi, ne suffit pas à régler tous les problèmes. Il y en aura toujours qui pesteront contre ceci ou cela. Aussi vertueux qu’il puisse être, le président de cette institution ne saurait à lui tout seul garantir la transparence du scrutin. Vu que les candidats ont déjà pris de nombreux engagements qu’ils n’ont pas tenus, il n’est pas non plus sûr qu’une nouvelle intervention du président sénégalais, Abdoulaye Wade, initialement annoncé à Conakry, suffise à débloquer la situation.

Chacun des deux candidats pratique allègrement la stratégie du lépreux qui consiste à renverser systématiquement les calebasses de lait alors qu’il ne peut pas traire une vache. Chaque protagoniste préfère donc saboter tout ce dont il ne peut profiter. En effet, à considérer le comportement des protagonistes, on finit par se convaincre que chacun est prêt à empêcher l’autre, par tous les moyens, d’accéder au pouvoir, quitte à échouer lui-même. A ce jeu, quelle que soit l’issue du scrutin, le pays risque d’être difficile à gouverner.

Cela est triste car les Guinéens ne doivent pas perdre de vue le fait qu’il n’y a pas de processus électoral parfait. Il faut juste travailler à ce qu’il soit le plus fiable possible.

Car même les démocraties avancées ne peuvent se vanter d’avoir des élection parfaites. En attendant, le grand perdant de ces tiraillements est sans doute la Guinée. Plus un régime issu du suffrage tardera à se mettre en place, plus les grands chantiers de développement du pays seront dans des tiroirs ou en souffrance. Et là-dessus, l’on se pose une question simple mais importante : en dehors du pouvoir d’Etat, les deux protagonistes et leurs partisans aiment-ils vraiment la Guinée ? Veulent-ils voir les Guinéens sortir de la misère ? Si oui, il faudra que chacun d’eux change au plus vite son fusil d’épaule. Le bras de fer instauré depuis les résultats du premier tour n’est pas de nature à aider le pays à se souder, à dépasser ses divergences.

Le président par intérim de la transition, Sékouba Konaté, avait appelé à observer la fin de la récréation. Peine perdue. Le processus s’enlise ainsi de façon plus qu’inquiétante. Dans un tel cas de figure, tous les schémas sont possibles. Le pouvoir qui peine à trouver un preneur peut aiguiser des appétits jusque-là insoupçonnés. Et bonjour les dégâts ! Alors, n’est-il pas grand temps que Sékouba Konaté tape fermement du poing sur la table au nom de l’intérêt national ? Cela semble une évidence au regard des enjeux.

Certes, sa volonté de quitter rapidement le pouvoir ne réjouit pas forcément tout le monde en Guinée et il y en a qui vont freiner des quatre fers pour empêcher un dénouement démocratique rapide et heureux de la situation. Mais c’est le destin de ce pays qui se joue avec cette élection. Dans la phase actuelle de la crise guinéenne, ce sont l’autorité et la crédibilité de Sékouba Konaté qui sont en jeu. Il devra vite trancher et mettre tout le monde au pas pour aller résolument vers ce second tour qui se fait tant désirer.

Relwendé Auguste SAWADOGO

Le Pays

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