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MENDICITE A BANFORA : Plus de 600 enfants livrés à la rue

Publié le lundi 13 juillet 2009 à 03h31min

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La Cité du paysan noir est l’une des villes les plus peuplées de talibés. Communément appelés « garibous », ces talibés sont, à l’origine, des enfants le plus souvent confiés à des maîtres corniques. Malheureusement, le temps imparti à la mendicité est plus long que celui de l’apprentissage du Coran. C’est à juste titre que certains se demandent de quel temps ces élèves coraniques disposent pour la lecture. Leur situation misérable est très touchante. Voici la petite histoire des talibés de Banfora.

La ville de Banfora, on peut le dire, figure parmi celles qui détiennent le triste record de la mendicité. Chaque jour, aux environs de 7 h et demie, il est de coutume à Banfora de voir des mendients ou garibous parcourir entre 5 et 10 kilomètres pour se retrouver aux alentours du grand marché de la ville. Les endroits qui les attirent le plus sont les points de vente de galettes, de repas comme le haricot bouilli, où assurément ils savent que des gens viennent qui pour acheter, qui pour faire des offrandes. Selon Etienne Gyengani, directeur régional de l’Action sociale et de la Solidarité nationale des Cascades, un récent recensement a permis de dénombrer entre Banfora et Niangoloko plus de 600 enfants dans la rue vivant de la mendicité.

A vue d’œil, plusieurs signes caractéristiques permettent de distinguer les talibés ou ceux qui se prétendent comme tels. Il s’agit, entre autres, de la boîte vide de conserve de tomate qu’ils tiennent en main et de vêtements qui ne sont que des haillons. De service en service, de marché en marché et de cour en cour, ils font la ronde pour quémander. Issouf Coulibaly est l’un des talibés avec qui nous avons échangé le vendredi 3 juillet dernier. Lui et ses camarades viennent tous les matins de Nafona, un village de la commune Banfora situé à 8 kilomètres de la ville. Il dit ignorer aussi bien son âge que le nombre d’années passé chez son maître coranique. Mais à vue d’œil, on lui donnerait entre 9 et 10 ans. Selon lui, le réveil chez son maître coranique intervient vers 5 h. Après la prière de l’aube, ils prennent place sur des nattes pour la lecture du Coran. Environ une heure après c’est-à-dire vers 7 h, ils prennent le chemin qui conduit à Banfora.

« A l’arrivée, nous mendions de porte en porte, dans la zone du marché », dit-il, avant d’ajouter que chaque élève, en rentrant à la tombée de la nuit, est tenu de ramener au maître la somme de 200 F CFA. Qu’est-ce qui peut arriver à celui qui ne réussit pas à réunir ce montant fixé par le maître ? Issouf Coulibaly, dans un premier temps, assure qu’il n’arrivera rien à l’élève dans cette situation. Peut-être se voulait-il prudent, ne sachant pas pourquoi cette question. Ses propos sont battus en brèche par Seydou Ouattara, un de ses compagnons qui, au départ, avait dit qu’il se nomme lui aussi Issouf. Ses camarades lui disent qu’il se nomme Seydou et non pas Issouf. Dès lors, une idée nous vient en tête. Ces enfants ont peut-être reçu des consignes strictes de leur maître. Selon nos sources, les talibés, dès leur "enrôlement" chez le maître coranique, reçoivent des consignes qui leur interdisent de s’ouvrir à des personnes qu’ils ne connaissent pas. Selon Seydou Ouattara, l’élève qui rentre le soir avec moins de 200 F CFA est puni. « J’ai été plusieurs fois puni et même Issouf a souvent été battu. »

Mendiants du matin au soir

Selon les enfants talibés, lorsqu’il est 14 h, la troupe regagne la base à Nafona. Après la prière de 16 h, ils reviennent en ville pour continuer leur "corvée" pour ne repartir qu’après 21 h. Selon eux, le sommeil n’intervient que vers 23 h après une autre séance de lecture du Coran. Cette souffrance difficile à supporter par des êtres fragiles n’émeut aucunement une certaine catégorie de maîtres coraniques.

Fort heureusement, ils n’ont pas tous la même mentalité, encore moins les mêmes pratiques. Les membres de l’Association islamique pour la défense des droits de l’enfant (AIDDE), une association présidée par El Hadj Souleymane Baba Koné, ont une autre vision de l’élève coranique. Pour ces derniers qui se disent opposés à la mendicité des apprenants du Coran, les enfants doivent disposer d’assez de temps pour l’apprentissage, étant donné que c’est pour cela qu’ils sont chez le maître. Le programme du maître, pour El Hadj Koné, doit tenir compte de la psychologie de l’enfant. Selon lui, le maître coranique est le garant de la protection et de la survie du talibé. Ceci explique peut-être pourquoi ils les envoient mendier vu que de nos jours tout le monde rencontre d’énormes difficultés. Toujours selon la même source, la mendicité des élèves coraniques les amène à fréquenter des milieux qui leur sont interdits tels les bars et buvettes. Aussi, la majorité des enfants qui dorment dans la rue sont-ils des talibés qui n’ont pas réussi à réunir le montant journalier fixé par le maître. Ils ne veulent pas rentrer sans la somme exigée.

Le salut par la formation des maîtres coraniques

Pour inverser la tendance, l’AIDDE, selon Baba Souleymane Koné, estime que chaque maître coranique doit avoir une activité génératrice de revenus (AGR) avec laquelle il peut occuper les enfants tout en les formant à ce métier. Pour cela, a-t-il poursuivi, « nous avons pris attache avec plusieurs partenaires. Mais pour le moment, seule la direction provinciale de l’Environnement et du Cadre de vie a répondu favorablement à notre demande de formation des maîtres coraniques membres de AIDDE.

Avec ce service, nous avons été formés en création et en entretien de pépinières, en plantation d’arbres et en collecte des déchets plastiques. » C’est dans ce sens qu’il a dit avoir bénéficié d’une formation le 13 avril 2009 sur la création des pépinières. Des recherches de financements sont en cours pour appuyer d’autres AGR telles la couture. Cette préoccupation est également partagée par les services de l’Action sociale. « Nous sommes présentement préoccupés à créer des mesures pour protéger ces enfants sur le plan sanitaire », confie DR Gyengani. Dans ce cadre, une séance de vaccination contre la rougeole a été organisée lors de la journée de l’enfant africain célébrée à Banfora le 16 juin dernier. Cette séance a permis de vacciner une centaine d’enfants. Selon le DR, une autre séance de vaccination est prévue mais, cette fois, contre la fièvre jaune car les talibés, pour la plupart, sont exposés à cette maladie.

En plus, a-t-il ajouté, leur accès aux soins de santé n’est pas facile. Toujours selon notre interlocuteur de la direction régionale de l’Action sociale, on peut affirmer sans risque de se tromper que l’éducation des élèves coraniques n’est pas suivie. Le plus souvent, dit-il, ces enfants quittent des contrées lointaines comme Djibo où ils ont laissé leurs familles pour se retrouver avec un maître coranique à Banfora qui, de surcroît, se soucie peu de leur santé et de leur alimentation. Pourtant ce sont de jeunes enfants, très fragiles à tout de point de vue et qui sont exposés à toute sortes d’agression. C’est pourquoi, conclut Etienne Gyengani, la direction régionale de l’Action sociale et de la Solidarité nationale des Cascades est depuis quelque temps engagée dans une dynamique de concertation avec les maîtres coraniques en vue de les aider à se réorganiser.

« Nous allons agir sur les maîtres coraniques, en les dotant d’un minimum de rudiments sur les droits fondamentaux des enfants et ce, pour faciliter l’accès de ces êtres innocents à la santé et à la formation. » Une chose est sûre, c’est que cette mesure, si elle voyait le jour serait salutaire. Très souvent, les maîtres coraniques ont des enfants âgés de 14 à 16 ans qui n’ont rien appris d’autre que lire le Coran et mendier. Vivement qu’avec des services comme l’Agriculture, l’Environnement et l’ANPE, la direction régionale de l’Action sociale parvienne à assurer la formation des élèves coraniques dont le Burkina se doit d’être digne tout en les gardant auprès de leurs maîtres coraniques. En plus de l’apprentissage du Coran, il faudrait également initier maîtres et élèves coraniques aux activités génératrices de revenus.

Par Mamoudou TRAORE

Le Pays

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Vos commentaires

  • Le 13 juillet 2009 à 19:37 En réponse à : MENDICITE A BANFORA : Plus de 600 enfants livrés à la rue

    A la lecture de cet article, j’imagine un peu la souffrance de ces pauvres enfants. Si ma mémoire est bonne, la journée de l’enfant africain a été célébrée à Banfora. Les autorités ont pu constater cela ? Que sera l’avenir de ces enfants ? J’invite le Ministère de l’Action Sociale à prendre au serieux cette situation car je suis convaincue qu’avec l’aide des différents acteurs intervenants dans le domaine de la protection du droit de l’enfant au Burkina, une solution peut être trouvée. ALORS FAITES QUELQUE CHOSE POUR CES ENFANTS QUI NE DEMANDENT QUE LE MINIMUM POUR VIVRE. Rappelez vous de la convention du droit de l’enfant, de la charte africaine sur le droit et le bien être de l’enfant que notre Etat a ratifié et qui est en vigueur !

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