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Guinée-Bissau : Confusion au sommet de l’Etat

Publié le mercredi 4 mars 2009 à 04h19min

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Le calme semblait au rendez-vous hier en Guinée-Bissau, après le double assassinat perpétré contre le chef d’état- major des forces armées, le général Batiste Tagmé Na Waié, et le président de la République, Joao Bernardo Vieira dit « Nino ». Les commerçants ont rouvert boutiques et la circulation a repris dans la capitale, redevenue calme mardi.

En rappel, le chef de l’armée a péri dimanche 1er mars 2009 vers 20 heures, dans un attentat à la bombe contre son quartier général, selon le lieutenant-colonel Bwam Nhamtchio, son directeur de cabinet. Le chef de l’Etat bissau-guinéen, lui, est tombé sous les balles assassines de militaires, un jour plus tard, c’est-à-dire le 2 mars au matin. Selon des sources généralement bien informées, le meurtre aurait eu lieu en représailles à la liquidation de son adversaire de longue date, le général Tagmé. Celui-ci avait, en début janvier, affirmé avoir échappé à une tentative d’assassinat qu’il imputait au camp présidentiel. Deux mois avant cela, le 23 novembre 2008, c’est une attaque nocturne de bidasses contre la résidence du premier responsable du pays qui avait fait deux morts au sein de sa garde.

La Guinée-Bissau, qui figure sur la liste des pays les plus pauvres au monde, ancienne colonie portugaise située entre le Sénégal et la Guinée-Conakry, est abonnée aux coups de force militaires depuis qu’elle est indépendante en 1974. C’est un pays qui a toujours été en proie « à une guerre permanente pour le contrôle du pouvoir », un Etat « structurellement plongé dans l’instabilité ».

Ces institutions se révèlent fragiles, la corruption de sa classe politique est on ne peut plus endémique et le narco-trafic a une emprise terrible sur son économie. Sa population vit dans la misère pendant que ses dirigeants entretiennent des conflits d’intérêts autour de la cocaïne, le pays étant devenu une plaque tournante du trafic de la drogue entre la Colombie et l’Europe. En somme une gestion calamiteuse qui ne cesse de ronger cette petite entité logée en Afrique de l’Ouest. Une véritable guerre se mène au sommet de l’Etat, ce qui fait dire à certains observateurs bien avisés que, comme dans un film policier, le dénouement sanglant de ces derniers jours était prévisible.

Cette fois-ci, les militaires nient tout lien de cause à effet entre les événements de dimanche soir et de lundi matin. Le secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères portugais, Joao Gomes Cravinho, à l’issue d’une réunion d’urgence de la Communauté des pays de langue portugaise (CPLP) à Lisbonne, a soutenu qu’il n’y a pas actuellement besoin d’aucune force militaire ou internationale à Bissau et que, si cela s’avérait nécessaire, des mesures seraient prises.

Quant aux informations faisant état de coup d’Etat, le secrétaire exécutif de la CPLP, Domingos Simoes Pereira, affirme que ce n’est ni plus ni moins que des spéculations. Un imbroglio règne pourtant présentement à Bissau avec des positions divergentes d’un camp à l’autre. Le capitaine de frégate José Zamora Induta, qui s’arroge le rang de porte-parole de la commission militaire mise en place dimanche soir, n’arrête pas de se dédire. Le gouvernement s’arc-boute sur sa ferme volonté de voir installer une commission d’enquête par le Parquet. Le secrétaire général de l’Union africaine, lui, est formel : « La situation semble encore confuse, mais apparemment tout cela a été organisé par l’armée. C’est un coup d’Etat ».

Le refus d’assumer, la fuite des responsabilités nous remettent au cœur des manigances propres aux politiques africains, et il est légitime de se demander quand nous sortirons de l’auberge. Les voix s’élèvent de partout pour condamner ce qui est advenu à Nino et à son chef d’état-major, et le président nigérian, Umaru Yar’Adua, qui est à la tête de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO), interpelle « les forces armées et autres organes de sécurité de la Guinée-Bissau à s’abstenir de tout acte susceptible de plonger un peu plus le pays dans le chaos et l’instabilité politique ». Le patron des Nations unies, Ban Ki-moon, se dit « profondément attristé et consterné » pendant que Jean Ping dénonce « un acte criminel grave ».

La transition, comme le prévoit la constitution bissau-guinéenne, sera assurée par le président du Parlement, Raimundo Pereira, qui aura la lourde charge d’organiser une élection présidentielle dans soixante jours. Mais aura-t-il vraiment les coudées franches pour agir ? L’avenir nous le dira. En attendant, Joao Bernardo Vieira, qui a été envoyé ad patres à l’âge de 69 ans, après vingt-trois années de règne sur la Guinée-Bissau, laisse la patrie qui l’a vu naître dans l’incertitude du lendemain.

Le constat, comme l’a si bien relevé un confrère, est qu’après la Mauritanie et la guinée (Conakry), cet autre pays d’Afrique occidentale vient de rompre sa difficile marche vers la démocratie, à un moment où tout est mis en œuvre pour le renforcement de la paix sociale, après les élections législatives de novembre dernier, qui se sont déroulées sans incidents majeurs.

D. Evariste Ouédraogo

L’Observateur Paalga

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