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Le ministre de l’Agriculture à la Vallée du Kou : Les producteurs de riz appelés à la raison

Publié le lundi 9 février 2009 à 03h13min

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Eu égard à son soutien cette année à coups de milliards de F CFA pour relancer la filière riz local, le gouvernement burkinabè entend en acheter avec les producteurs pour approvisionner les écoles, les hôpitaux, les maisons d’arrêt ou l’Armée. A la Vallée du Kou à Bama, localité située à plus de 20 kilomètres au Nord de Bobo-Dioulasso, les riziculteurs ont confié au ministre de l’Agriculture, de l’Hydraulique et des Ressources halieutiques, Laurent Sédégo, qu’ils ont déjà vendu leurs stocks. Ce membre de l’exécutif a appris la « mauvaise » nouvelle, au cours d’une rencontre qu’il a eue avec les intéressés, le vendredi 6 février 2009.

A Bama, les riziculteurs ont d’emblée fait savoir au ministre Laurent Sédégo, entouré de ses proches collaborateurs et des autorités locales, que le soutien du gouvernement en matière de relance de la filière riz local leur a été « bénéfique ». Le président de l’Union des coopératives rizicoles de Bama (UCR-B), Abdoulaye Ouédraogo, a même souligné que le soutien du gouvernement par la subvention et la mise à disposition de semences et d’engrais et l’encadrement technique, leur a permis de produire plus.

En effet, l’aide apportée en 2008 par l’Etat pour juguler les effets de la crise alimentaire mondiale a eu un impact positif à la Vallée du Kou où plus de 6 000 tonnes de riz ont été produites. Mais quand le ministre Laurent Sédégo, « content » de cette performance, interpelle les riziculteurs par rapport à la commercialisation parce que le gouvernement s’attend à en acheter une partie, l’ambiance devient tout autre. La réponse du patron de l’UCR-B, Abdoulaye Ouédraogo, choque le ministre et a un impact négatif sur sa bonne humeur. « Las d’attendre la fixation du prix plancher qui est intervenu en novembre 2008, à savoir 115 F CFA le kilogramme de riz paddy, nous avons fini par vendre tous nos stocks aux étuveuses de riz de Bama », a soutenu le porte-parole des riziculteurs de la Vallée du Kou. Et celui-ci de préciser, en aparté : « Les coopératives ont acheté le riz paddy à raison de 150 F CFA le kilogramme chez les producteurs pour les revendre aux étuveuses à 166 F CFA le kilogramme ».

Les producteurs n’ont donc pas hésité à faire profit. Cela se perçoit même à travers l’affirmation d’un des leurs, Ahmadou Sawadogo : « Si on devait vendre le kilogramme de riz paddy à 115 F CFA, cela n’allait pas nous arranger ». En réaction à ces propos, le ministre Laurent Sedego s’est dit « déçu et scandalisé » par cette attitude. « Nous avons déboursé des milliards pour soutenir votre filière et voilà ce que vous nous faites en retour. Vous vous êtes laissé manipuler et attirer par le profit. Vous nous avez roulé et je ne suis pas du tout content. Pourtant vous aviez promis de nous vendre le riz que vous allez produire. Que vais-je dire au Premier ministre ? », a-t-il affirmé. Et le ministre d’insister et de persister : « Vous nous avez feinté et c’est décevant. Sachez d’ailleurs que le gouvernement n’achète pas votre riz pour faire profit, mais pour approvisionner les écoles, les hôpitaux, les maisons d’arrêt ou l’armée. Nous n’achèterons pas votre riz à plus de 115 F CFA le kilogramme. Autant revenir au riz importé ! » L’Etat a mandaté et financé à plus de 4 milliards F CFA, la Société nationale de gestion des stocks de sécurité (SONAGESS) pour l’achat du riz paddy auprès des producteurs.

En dépit de l’annonce des producteurs de la Vallée du Kou, le ministre Laurent Sédégo et ses proches collaborateurs restent sceptiques quant à l’épuisement de leurs stocks surtout que ceux-ci ne veulent visiblement pas vendre le kilogramme de riz paddy à 115 F CFA. A ce propos, le directeur général de la SONAGESS, Charles Sawadogo, a martelé à l’endroit des riziculteurs : « Je ne suis pas sûr que vos stocks sont épuisés. De toutes les façons, nous restons disponibles à payer et au comptant. Ailleurs, on nous a joué ce coup et ceux qui l’ont fait, sont revenus à de meilleurs sentiments ». Quoi qu’il en soit, le ministre Laurent Sédégo a invité les producteurs à mettre de l’eau dans leur vin et à faire en sorte que « la confiance qu’il y a entre vous et le gouvernement ne soit pas perdue ». Toujours est-il que le président de l’UCR-B a fait savoir au ministre que rien n’est totalement perdu et qu’ils feront de leur mieux pour satisfaire le gouvernement.

Avant ces débats houleux, le ministre Laurent Sédégo accompagné des autorités locales parmi lesquelles le préfet de Bama, Alain Galboni, a fait un tour sur la plaine rizicole de la Vallée du Kou aménagée dans les années 1960. Avec une superficie aménagée de 1 260 ha, cette plaine, irriguée à l’eau de source, est exploitée par 1 300 producteurs qui cultivent du maïs et du riz tout au long de l’année. Sur place, Laurent Sédégo a pu constater l’impact positif de l’aide du gouvernement en termes d’engrais, de semences, d’encadrement technique et de maîtrise de l’eau. Même si on est passé de l’usage de 45 à 5 variétés sur la plaine de la Vallée du Kou avec à la clé l’amélioration du rendement, il n’en demeure pas moins que des problèmes subsistent. Il s’agit, entre autres, de l’indiscipline des producteurs, du manque de fosses fumières et la nécessité de réhabiliter le réseau hydraulique.

Le ministre Laurent Sédégo s’est également rendu à Dandé, localité située à une trentaine de kilomètres de Bama, où il a visité l’exploitation agricole de Lassina Bayilou. Sur son périmètre agricole de 7 hectares acquis en 1986, Lassina Bayilou cultive des céréales (maïs, sorgho) et produit du coton et des légumes (tomates, oignons, …) à l’aide d’un système d’irrigation alimenté par deux bassins d’eau. « Voici un grand agrobusinessman ! », s’est écrié le ministre Laurent Sédégo après avoir pris connaissance du travail de ce producteur.

Kader Patrick KARANTAO (stkaderonline@yahoo.fr)

Sidwaya

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