Didier Notheaux (ex-entraîneur des Etalons) : « Au Burkina, on n’est pas patient »
Il était venu à mi-parcours des éliminatoires de la CAN 2008 dans l’espoir de qualifier les Etalons du Burkina après qu’on ait remercié Saboteur. Mais les résultats n’ont pas été ce qu’on attendait. Didier Notheaux, puisque c’est de lui qu’il s’agit, est reparti en France après avoir rencontré le ministre Palm. Son contrat étant arrivé à expiration, il nous parle de la sélection nationale et le manque de patience qu’on ignore au Pays des hommes intègres.
Après le dernier match des Etalons contre les Lions du Sénégal à Dakar le 8 septembre 2007, vous êtes rentré en France, où vous êtes actuellement. Etes-vous en vacances ? Votre contrat court-il jusqu’à quand ?
• Quelques semaines après notre retour de Dakar, où nous avions livré notre dernier match contre le Sénégal, je n’avais plus rien au programme. J’étais donc dans l’obligation de rentrer en France pour voir ma famille.
Est-ce à dire que votre contrat n’est pas arrivé à expiration ?
• Mon contrat a pris fin en septembre 2007.
Avant votre départ du Burkina, avez-vous rencontré le ministre des Sports et des Loisirs ?
• Oui, j’ai rencontré le ministre des Sports dans le cadre d’une visite de courtoisie. Nos échanges ont porté sur le match des Etalons à Dakar. Il m’a dit avoir beaucoup espéré pendant ce match, mais les choses ont mal tourné lors des douze dernières minutes. Quand je le quittais, il m’a laissé entendre qu’aucune décision ne pouvait être prise pour la nomination du futur sélectionneur avant qu’une nouvelle fédération ne soit élue.
En prenant le relais de Saboteur après la troisième journée des éliminatoires de la CAN 2008, quel était votre objectif ?
• L’objectif était de prendre suffisamment de points contre le Mozambique et la Tanzanie pour jouer la qualification à Dakar contre le Sénégal. Malheureusement, les choses ne sont pas allées dans le bon sens.
Ne pensez-vous pas que vous avez risqué gros en prenant l’équipe à mi-parcours ?
• Bien sûr que c’était un risque, mais qui dit risque dit aussi challenge. Dans ce domaine où j’exerce depuis de longues années, c’est toujours difficile de prendre une équipe que l’on ne connaît pas ou très peu. Je suis arrivé à mi-parcours, mais le challenge était encore plus compliqué, car je n’ai retrouvé les joueurs que 5 jours avant le match au Mozambique et je n’ai pu effectuer que quatre ou cinq entraînements.
Dans ce genre de cas de figure, c’est difficile dans ce laps de temps de connaître les hommes que sont les joueurs et d’insuffler un nouvel élan, voire une nouvelle stratégie. J’ai accepté ce risque ou challenge parce que je connais et apprécie le Burkina pour y avoir vécu 14 mois en 98-99. J’y suis retourné quelquefois, j’y ai gardé des amis. Compte tenu de ces éléments, je reste persuadé que j’étais probablement le meilleur choix. Les deux parties se connaissaient, ce qui permettait de gagner du temps.
En trois sorties, les Etalons avaient enregistré autant de défaites. Quel est le match qui vous a le plus déçu ?
• Incontestablement, le match contre la Tanzanie, devant notre public. Une Victoire nous permettait d’espérer la qualification et nous avons perdu. Pourtant, je maintiens que j’ai rarement vu une équipe dominer autant un adversaire et ce, pendant 90 minutes où nous sommes restés constamment dans leur camp, excepté cette maudite 70e minute. Il y avait de la qualité dans le jeu, des offensives sur les côtés, malheureusement, par maladresse quelquefois, par malchance aussi, nous n’avons pas réussi à mettre le moindre but.
Ce résultat est décevant et frustrant, car un score de 3-0 à la mi-temps n’aurait pas été usurpé. Hélas ! un contre à la 70e nous a crucifié et éliminé. Pourtant, en un peu plus d’une semaine de travail, à mon avis et aux dires de gens proches du football burkinabé, on avait trouvé un fond de jeu, du jeu court dans les intervalles, des débordements et centres qui ont remplacé un jeu long et aléatoire.
A Dakar, l’équipe avait fait bonne impression en première mi-temps avant de sombrer. Qu’est-ce qui explique cette contre-performance en seconde période ?
• Perdre à Dakar n’est pas une contre-performance en soi, je dirais même que compte tenu du contexte, d’un côté la surmotivation des Sénégalais, la présence de plus de 50 000 supporters acquis à leur cause, la qualité des joueurs Sénégalais (la présence d’Henri Camara et de N’doye sur le banc au début du match prouve la qualité de l’effectif ), de l’autre une équipe burkinabè éliminée ne jouant que pour l’honneur, nos joueurs ont été très professionnels dans leur comportement au point de faire douter longtemps le Sénégal.
Après le match, j’ai vu Lamine N’Diaye (adjoint de Henry Kasperzak), que j’ai dirigé à Mulhouse en 88-90 ; alors il était mon capitaine et nous sommes montés en D1. Je lui ai posé la question suivante : Lamine, as-tu un peu tremblé ? Sa réponse est sans équivoque : « Un peu, j’étais mort de trouille pendant tout le match chaque fois que vous récupériez le ballon ! ».
Comment voyez-vous l’avenir de cette jeune équipe dont la plupart des éléments n’ont pas l’expérience de la haute compétition ?
• Cette jeune équipe a l’avenir devant elle. Si l’on compare les deux matches contre le Sénégal, la belle victoire à Ouaga du Burkina l’a été sur penalty sans aucune autre occasion, avec beaucoup de courage, de vaillance et d’engagement. Au Sénégal, jusqu’à la 77e minute, nous avons largement fait jeu égal avec le Sénégal, et nous nous sommes procurés beaucoup d’occasions gâchées par maladresse quelquefois, par égoïsme en d’autres occasions.
Faire douter le Sénégal comme nous l’avons fait à Dakar prouve que l’organisation et les idées de jeu sont adaptées aux caractéristiques des joueurs burkinabé. Avec le travail, cette jeune équipe peut progresser, mais au Burkina, on n’est pas patient. Une équipe se construit dans la durée avec certains paramètres qui entrent en ligne de compte. Je le répète, tant qu’on ne sera pas patient, ce sera toujours l’éternel recommencement.
Didier Notheaux est-il disponible pour continuer avec les Etalons si on le sollicite de nouveau ?
• Bien sûr que je serais ravi de pouvoir continuer à aider le Burkina, de continuer à aider ce groupe à progresser et à, enfin, atteindre les objectifs ; ce qui les ravirait eux et les supporters burkinabé et récompenserait l’investissement du chef de l’Etat et de ses collaborateurs.
Etes-vous en contact avec des joueurs depuis votre départ du Burkina ?
• Mady Panandetiguiri, Bébé Kambou, Amadou Coulibaly dit Tigana m’ont appelé pour demander de mes nouvelles. De mon côté, j’ai appelé Moumouni Dagano, Baki Koné, Alain Traoré, Joèl Kouassi,Wilfried Sanou, Yssouf Koné pour m’entretenir avec eux. Je suis aussi en contact avec d’autres joueurs, histoire de maintenir l’esprit de groupe. C’est très important pour un entraîneur qui sait ce qu’il veut.
Pensez-vous que vous êtes l’homme de la situation pour les éliminatoires jumelées de la CAN et du mondial 2010 ?
• Ce n’est pas à moi de dire si je suis l’homme de la situation, le Burkina ne saura s’il a fait le bon choix qu’après la fin des éliminatoires 2010.Toutefois, il faut à un moment se déterminer et savoir ce que l’on veut. Soit le Burkina effectue un nouveau changement d’entraîneur avec un homme à découvrir, des options de jeu nouvelles, c’est-à-dire qu’on recommence de nouveau à zéro. Soit la Fédération burkinabé de football (FBF) mise sur la stabilité avec Didier Notheaux.
Comme dans la vie, on peut dire : on sait ce qu’on perd, on ne sait pas ce que l’on va trouver. On peut se poser les questions suivantes :
les résultats ont-ils été bons ? La réponse est non.
les résultats ont-ils été logiques compte tenu des prestations des Etalons ? Là aussi, la réponse est non. Le contenu des matches a-t-il été meilleur ? La qualité du jeu s’est elle améliorée ?
L’équipe s’est-elle procuré des occasions ? A ces trois dernières questions, la réponse est oui et ce, avec seulement une douzaine d’entraînements. Je connais maintenant bien l’Afrique et plus particulièrement le Burkina, où je me sens bien dans ma vie d’homme et d’entraîneur. J’ai envie de diriger une équipe dans une grande compétition telle que la CAN et pourquoi pas la coupe du monde, et pourquoi pas avec le Burkina ?
Après notre élimination, la FBF, acculée par le public sportif, a fini par démissionner. Quel commentaire en faites-vous et dans quelles conditions avez-vous travaillé avec l’équipe de Diakité ?
• La démission de la FBF m’a surpris, mais je manque d’éléments pour la commenter, car je ne suis arrivé qu’un mois avant cette démission. J’ai travaillé dans des conditions normales que souhaite un entraîneur, c’est-à-dire avec une liberté totale pour la composition du groupe.
De quelles chances, selon vous, dispose le Burkina Faso dans les éliminatoires combinées de la CAN et du mondial 2010 dans un groupe où il se trouve avec la Tunisie, le Burundi et les Seychelles ?
• Je pense que le Burkina a toutes ses chances pour rejoindre les 5 poules de 4 pays qui désigneront les 5 premiers pour la coupe du monde 2010, et les 3 qualifiés pour la prochaine CAN en Angola. La Tunisie me semble être le favori logique, eu égard à son palmarès, mais le Burkina a largement les moyens de jouer les trouble-fêtes par rapport à la Tunisie et se doit de finir devant le Burundi (que des bons souvenirs en 98-99) et les Seychelles.
Ensuite, dans ces poules de 4, le Burkina se doit d’éviter la dernière place et il en a les moyens pour participer à la phase finale. Je suis convaincu que cette génération de jeunes joueurs peut créer la surprise face à quelques grosses équipes du continent africain. Avec ce que j’ai vu à Dakar, où les Lions ont tremblé pendant 70 minutes, le onze national a son mot à dire dans ce groupe.
E-interview réalisé par Justin Daboné
L’Observateur Paalga