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Education : Les oubliés du système

Publié le mercredi 28 novembre 2007 à 09h48min

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Non, ce ne sont pas les spectateurs d’une séance de vidéo dans un quartier populaire de la capitale que les talents acrobatiques de Rambo excitent. Ce ne sont pas non plus de petits amoureux de foot saluant comme il se doit, l’ouverture du score par l’ivoirien Adama Traoré à la 11e minute lors de la finale le 4 novembre 2007, de la première édition du tournoi de football de l’Union économique et monétaire d’Afrique de l’Ouest (Uemoa).

On n’a pas non plus ici à faire à de jeunes adeptes de ces multiples Eglises du Réveil qui pullulent aux quatre coins de Ouagadougou et ces mains levées n’implorent pas le ciel, elles sont en quête de savoir. Dans des conditions très difficiles. Il faut avoir la volonté et s’accrocher si l’on veut acquérir les bases du savoir.

Bienvenue à l’école de la Tram d’accueil du secteur 28, dans l’arrondissement de Bogodogo. Dans cette classe de CP2 qui compte …
200 élèves, comme dans de nombreuses autres écoles de la périphérie de Ouagadougou, parler de sureffectif n’a plus de sens. « Il y a beaucoup d’absents, mais ça ne se voit pas. C’est d’ailleurs parce que la direction a clos les inscriptions qu’on est à 200, sinon il y en aurait plus », expliquent Joseph Désiré Sawadogo et Pascaline Traoré, les deux instituteurs de la classe. « Il y a dix ans, l’école comptait déjà 90 élèves par classe et on pratiquait le double flux. Il n’y a pas de redoublement en CP1 et CP2. Ces sureffectifs sont dus à l’arrivée massive des déguerpis des 1200 logements et du projet ZACA, lesquels se sont installés dans les environs, alors qu’il n’y a pas eu de construction d’écoles. Les capacités d’accueil de l’établissement ont donc été dépassées », explique Moussa Kaboré. Sa classe, le CP1, compte 160 élèves, et comme pour se consoler, s’empresse d’indiquer « une école, pas très loin d’ici où il y a 300 élèves par classe ! ».

La gratuité de l’école, décidée par le gouvernement n’explique donc pas cette surpopulation, mais elle est la conséquence d’une défaillance manifeste de la politique de planification des équipements scolaires, d’autant que dans certains quartiers du centre ville, les effectifs ne dépassent pas 40 élèves par classe. « Comment peut-on obtenir de bons résultats avec des effectifs pareils ? Nous ne sommes pas des faiseurs de miracles », s’indignent, les enseignants pas loin d’être gagnés par la résignation. Et dans cette situation de darwinisme social, seul les plus dégourdis s’en sortiront, mais combien ne franchiront pas la porte de la sixième année ? A six sur chaque table banc prévu au départ pour deux, les enseignants n’ont d’autre choix que de vider la moitié de la classe pendant certains exercices comme l’écriture, mais déplore Joseph désiré Sawadogo « Il n’y a pas assez d’ombre pour tout le monde ».

Dans cette école fréquentée majoritairement par des enfants de parents très modestes, l’opération de distribution des manuels scolaires lancée fin août a été plutôt symbolique alors qu’elle a avait été accueillie comme une bouffé d’oxygène par des milliers de familles. Sur le bordereau de réception, on apprend ainsi que la classe de CP2 a reçu 288 cahiers, 125 livres, 200 protège-cahiers, 144 cahiers de dessins et 144 ardoises. Dans cette classe, le ratio n’est donc pas de un livre par élève comme le prévoit le ministère de l’Education nationale, mais de un pour 0,6. Et face à la quantité insuffisante des fournitures, les enseignants ont convenu de distribuer les manuels sur le critère du mérite, mais sans pour autant être franchement convaincus de la justesse de leur choix. Car, ceux qui ont les meilleures notes bénéficient souvent de meilleures conditions familiales et ne sont pas forcément les plus nécessiteux. On tombe dans ce que le sociologue Pierre Bourdieu appelle la « reproduction », l’école étant selon lui, une structure de reproduction des inégalités sociales.
D’après l’Unicef, le taux de scolarisation brut au primaire au Burkina était en 2005 de 59% pour les garçons et 47% pour les filles, et ce taux chute à 14% et 10% dans le secondaire.
Assurément, le combat contre l’échec scolaire n’est pas gagné !

Joachim Vokouma,
Lefaso.net

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