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Promotion de la gratuité de l’éducation au Burkina : attention à la précipitation !

Publié le lundi 13 août 2007 à 07h11min

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L’adoption de la nouvelle loi portant gratuité de l’éducation au Burkina Faso a, certes, l’ambition d’accélérer la promotion de ce secteur. Cependant, force est de reconnaître que cette loi, dans son application, pourrait susciter quelques inquiétudes.

Ainsi, comment faire en sorte que tous les enfants scolarisés puissent bénéficier de la gratuité afin d’éviter de créer des discriminations à la limite négative pour les garçons ? Comment réorienter les interventions des Associations des parents d’élèves (APE), celles des mères éducatrices (AME) et les Comités de gestion scolaire (COGES) pour plus d’efficacité ? Autant de préoccupations qui nécessitent une attention particulière de tous les acteurs (l’Etat, les partenaires techniques et financiers et les acteurs sociaux, etc).

Plus que trois ans, précisément en 2010, le PDEB prendra normalement fin. Mais en attendant, que retenir des cinq premières années de mise en œuvre de ce programme ambitieux de promotion de l’éducation de base au pays des Hommes intègres ? Il y a eu, certes, depuis 2002, des avancées considérables puisque le taux brut de scolarisation (TBS) en 2006 est d’environ 60 % et 44 % pour l’alphabétisation ; de 2002 à 2005, ce sont au total 26 444 classes qui ont été construites. A l’intérieur de ces résultats, on note un accroissement considérable du taux d’accès des filles à l’école.

Fruit des efforts de l’ensemble des acteurs de l’éducation, ces acquis fort encourageants sont également le résultat d’une somme de mesures incitatives dont le paquet minimum, la cantine scolaire, les tentes, la prise en charge des cotisations des parents d’élèves au compte des filles, etc. Malgré la mise en œuvre de ces mesures, la question de la gratuité, une mesure constitutionnelle a toujours été une préoccupation des acteurs. Elle est, selon eux, un levier important dans l’atteinte de l’éducation pour tous (EPT).

Gratuité : éviter des obstacles nouveaux

Pour la rentrée 2007-2008, l’Etat burkinabè a décidé de doter les élèves de 45 départements de manuels scolaires. On se demande si cela va être seulement dans les chefs-lieux de départements. Si c’est le cas, il existe bien d’écoles en dehors de chefs-lieux de départements où des élèves sont aussi dans le besoin. Une sorte de discrimination qui risque de naître dans le cadre de l’application de cette mesure de gratuité de l’éducation.
Par ailleurs, si l’on reste dans la première hypothèse, celle qui est relative à la dotation des élèves des départements, il y a un autre problème à soulever.

À savoir pourquoi donner le manuel aux élèves de la classe de CP1 et laisser les autres des classes de CP, CE et CM. On pourrait peut-être parler de début dans l’action, mais il ne faut pas perdre de vue que cette décision de gratuité, ne doit pas être source de restriction quand on sait qu’on est tous égaux devant la loi.

S’il est vrai que l’Etat est, depuis fort longtemps, interpellé sur le sujet de la gratuité de l’éducation au Burkina Faso, il serait aussi intéressant d’éviter la précipitation dans l’action pour toujours essayer de se déculpabiliser.
Quand on veut appliquer une loi, il faut le faire pour tous et non pour un groupe donné. Il ne faut surtout pas parler de moyens dans ce cas, car l’application de la loi requiert la mobilisation de moyens nécessaires pour cet effet.

La prise en charge des cotisation APE des filles : une pente glissante

Dans le cadre de l’accélération de l’éducation des filles, l’Etat a décidé de prendre en charge, les cotisations des parents d’élèves depuis déjà trois ans. Cela est juste à première vue ; mais à l’analyse, cette prise en charge qui entre dans le cadre de la gratuité de l’éducation pourrait engendrer un problème.
En effet prenons le cas de ce pauvre paysan de Déou, dans le Sahel, qui n’a eu que des garçons et qui se bat chaque année pour assurer leur scolarité. Par contre, il y a un monsieur en ville qui n’a eu que des filles ; celui-ci a les moyens de prendre en charge la scolarité de ses filles.

Et c’est ce monsieur nanti qui se voit exonéré des frais APE de ses filles. Cette politique de discrimination positive peut également décourager toutes les personnes qui n’ont eu que des garçons comme enfants. Elles peuvent même décider d’envoyer ses garçons dans les champs et attendre que la grâce de Dieu qui lui permette d’avoir une fille pour la mettre à l’école. C’est dire que la prise en charge des cotisations des parents d’élèves des filles est une pente glissante et il n’est pas trop tard de repenser la stratégie pour éviter des situations capables d’entacher les bons résultats acquis jusque-là.

Abou OUATTARA
babououattara@yahoo.fr

L’Hebdo

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