LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Avec de la persévérance et de l’endurance, nous pouvons obtenir tout ce que nous voulons.” Mike Tyson

Jacques Anouma (UFOA) : "Personne n’a le monopole du gangstérisme..."

Publié le mardi 24 avril 2007 à 07h25min

PARTAGER :                          

Le samedi 14 avril 2007, une réunion d’informations de l’Union des fédérations ouest-africaines de football (UFOA) se tenait à Abidjan et confirmait la légalité du président du comité exécutif, Jacques Bernard Daniel Anouma. Pendant ce temps, un groupe se réunissait à Accra créant une fronde au sein de l’union zonale.

Va-t-on vers une scission de l’UFOA ? Pour le président de cette union, Jacques Anouma que nous avons rencontré au lendemain de la réunion d’Abidjan, il n’y a pas lieu de paniquer, puisque les instances au-dessus de la CAF ont été saisies. Le président de la Fédération ivoirienne de football (FIF) et de l’UFOA qui n’a pas sa langue dans la poche, pointe du doigt les premiers responsables de la CAF comme étant à la base de cette cabale montée de toutes pièces pour le déstabiliser. C’est un Jacques Anouma serein et imperturbable qui a échangé avec nous pendant près d’une heure d’horloge.

Le pays : Au lendemain de la réunion d’informations de l’UFOA d’Abidjan et de celle de la tendance d’Accra, est-ce que vous êtes un président serein ?

Jacques Anouma : Il n’y a pas lieu de paniquer. La réunion d’Abidjan a été convoquée par les instances de l’UFOA, contrairement à celle qui a eu lieu à Accra. Des décisions ont été prises ici à Abidjan et à partir de là, nous allons saisir les instances au-dessus de l’UFOA et de la CAF pour trancher sur ce qui s’est passé le samedi 14 avril 2007. En ce moment, chacun prendra ses responsabilités sinon il n’y a pas lieu de paniquer, parce que ce à quoi nous avons assisté à Accra est une parodie d’élection.

La seule chose que je peux déplorer, c’est que l’Afrique a encore présenté un visage complètement folklorique par la faute de certaines personnes qui se comportent encore comme des chefs de village ou des nababs. Tant qu’il y aura des personnes comme moi pour défendre la justice et l’honneur des Africains, nous gagnerons tôt ou tard.

Quelle explication pouvez-vous donner à cette situation de crise que l’UFOA est en train de traverser et que de nombreux observateurs cherchent à comprendre ?

Moi-même je ne comprends pas. Au moment où nous allions tous allègrement vers une compétition digne de ce nom au niveau de l’UFOA, c’est en ce moment que certains considèrent que l’union ne fonctionne pas. Ce qui me gêne et me dérange dans ce qui se passe, c’est la caution que la Confédération africaine de football (CAF) a voulu donner à cette opération au Ghana. Je le répète, cette réunion d’Accra ne nous honore pas. Pour le moment, je garde mon sang-froid et j’espère que les instances au-dessus de nous trancheront un jour. Mais je peux vous dire que la bataille ne fait que commencer...

Faut-il s’attendre à ce que vous perdiez votre sang-froid ?

C’est possible mais mon éducation et ma formation ne me laisseront pas aller sur le terrain qu’ils ont choisi. Je vais rester dans la légalité et appliquer les textes comme je les comprends et comme ont compris certains membres de l’UFOA. Maintenant, s’il faut aller dans la voie du gangstérisme et du banditisme, je crois qu’il n’y a personne qui a le monopole de ce genre de comportement. Nous pouvons être aussi bandits et voyous.

Devons-nous ramener cette crise à un problème de leadership entre des hommes ou entre Francophones et Anglophones ?

Je pense que c’est un peu de tout ça, parce que l’activisme avec lequel un monsieur comme Amos Adamu se débat pour être président de la zone, est surprenant. Je crois que celui qui doit avoir des inquiétudes, ce n’est pas Jacques Anouma, c’est peut-être Issa Hayatou lui-même. Tout cela n’est pas innocent, car, on ne regarde pas exactement d’où vient le danger. Il ne vient pas de moi mais de ceux qui ont un appétit énorme face au pouvoir. Ils ont envie d’en découdre mais ils ont choisi un terrain et je choisirai le mien. Peut-être que ces deux terrains vont se rencontrer un jour mais pour le moment, je reste sur le terrain de ceux qui m’ont fait confiance, jusqu’à ce qu’on me prouve le contraire.

Dans certains milieux, on avance que cette situation a été créée pour vous déstabiliser dans la sous-région parce que vous gênez.

Je commence à en être de plus en plus convaincu mais c’est une grosse erreur de croire qu’on ne peut être un danger pour le président de la CAF, que si on est président d’une institution ou d’une union zonale. C’est ridicule. La preuve, j’ai réuni 9 pays à Abidjan et cela veut dire que dans la zone, il n’a même pas la majorité. Est-ce qu’il a encore la majorité ailleurs, je n’en sais rien mais c’est une erreur de croire que n’étant plus président de la zone, je ne suis plus un danger pour lui.

Non, le vote est individuel et ce sont des pays souverains qui vont voter. C’est un mauvais procès d’intention. Je crois qu’il faut que nous fassions tout pour tendre la main à ceux qui se sont momentanément égarés. C’est cette mission que m’ont donnée le comité exécutif et les pays présents à la réunion d’Abidjan. Je continue d’aller dans cette voie, jusqu’à ce que mes forces m’abandonnent.

Cette cabale contre votre personne s’explique selon certaines informations, par le fait que vous n’avez pas la langue dans la poche et cela ne plaît pas au niveau des premiers responsables de la CAF

Malheureusement, je ne suis pas un mouton, puisque je ne peux pas voir quelque chose et me taire. Si ce sont des dirigeants comme ça qu’on veut pour diriger les associations en Afrique, je ne suis pas de ceux-là. Je dis toujours ce que je pense même si cela dérange et je continuerai de le dire. Pour le moment, j’ai un mandat de 4 ans à la Fédération ivoirienne de football (FIF) et pendant 4 ans encore, ils vont m’entendre, à condition qu’ils viennent encore faire un autre coup d’Etat dans mon propre pays. J’ai encore des tribunes pour faire entendre ma voix, mais il ne me fera pas taire en voulant forcément m’écarter de la tête de l’union.

Au contraire, en n’étant plus à la tête de l’UFOA, j’aurai peut-être les mains plus libres pour dire ce que je pense. Pour l’instant, je joue à la politesse, à l’enfant bien élevé. Je joue également pour le droit et pour ceux qui se battent pour ce droit. Il y a des pays qui veulent cette justice et c’est pour eux que je me bats et pas pour moi.

Jacques Anouma est-il candidat à la présidence de la CAF en 2009 ?

Je le répète tous les jours, je ne suis pas candidat en tout cas pour l’instant, parce que ce n’est même pas une priorité. J’ai l’impression que pour certaines personnes, c’est une question de vie ou de mort de ne plus être président de la CAF. Je continuerai de vivre ma vie normalement en restant Jacques Anouma. La présidence de la CAF n’est pas une fin en soi pour moi, donc je ne peux pas deux ans avant, m’improviser candidat. Cela demande beaucoup de réflexions, des appuis, une raison, parce qu’il faut être candidat pour dénoncer des méthodes, des failles.

Ce que je souhaite actuellement, c’est de diriger la FIF pour aller à Accra à la CAN 2008, pour faire les éliminatoires des jeux olympiques. Ce sont des échéances intéressantes que de me battre pour un fauteuil qui n’est pas aussi lié à une personne. Tout Africain digne de ce nom peut revendiquer la présidence de la CAF. C’est un mauvais procès qu’on me fait.

Vous dites que deux ans, c’est tôt pour déclarer sa candidature et pourtant Issa Hayatou l’a fait trois ans avant les élections. N’est-ce pas une tactique pour lui de savoir quels sont ceux qui pourraient être ses adversaires ?

Cela ne m’intéresse pas de me déclarer trois ans avant, parce que c’est une course de fond où celui qui s’amuse à le suivre dans cette aventure va s’épuiser. Je répète que pour l’instant, j’ai d’autres priorités.

Vous avez d’autres priorités mais on vous observe sur le terrain, en train de mener une opération de charme, faisant des dons de ballons à des fédérations soeurs, invitant certains de vos homologues présidents à votre réélection, ... Au sein de la CAF, cela cache une ambition et il est mieux de vous anéantir très tôt.

Si c’est le cas, il y a beaucoup qui n’ont rien compris au mandat qu’on nous donne. Il y en a qui se battent pour être membre du comité exécutif de la CAF ou de la FIFA et une fois installé, ils oublient même de donner un ballon à leur propre pays. Moi, je ne fonctionne pas comme ça. Je retiendrai toujours cette phrase de certains présidents qui m’ont dit, "oui, les gens viennent nous voir et une fois élus, on ne les voit plus pendant trois ans et c’est au moment où le mandat tire à sa fin qu’ils reviennent".

J’ai été élu en janvier 2006, et je n’ai même pas encore pris fonction que je prépare déjà ma réélection en 2011. Pour le moment, je suis en contact avec les présidents qui m’ont élu et dont la plupart seront encore là en 2011. C’est la raison de ma présence à leur côté. On interprète les choses mais quand on ne connaît pas, on vient me demander. Voilà comment je conçois ma présence dans ces instances.

Mais être élu au titre de son pays, puisque c’est le pays qui présente la candidature, et ne même pas donner un ballon à son propre pays ou dans sa zone, ce n’est pas ce que les Africains attendent de nous. Il s’agit d’être à leur côté, parce qu’il y a beaucoup de fédérations qui ont des problèmes et qui nous les exposent. Si nous pouvons régler un problème avec 100 ou 200 ballons, ça gêne qui. Si c’est de l’activisme, je dis oui, parce que je respecte mes pairs et je ne vais pas attendre la fin de mon mandat pour aller leur rendre visite.

Malgré la situation au sein de l’UFOA, vous maintenez l’organisation du tournoi d’Abidjan. Quelle philosophie entendez-vous donner à cette compétition ?

J’ai pris un engagement avec ceux qui m’ont confié l’UFOA, qui est d’organiser d’ici 2007-2008 de véritables compétitions. Je continuerai de réclamer cette compétition et ceux qui le souhaitent viendront mais c’est possible que certains ne viennent pas. Mon souhait est que tout le monde vienne à cette compétition. C’est mon ambition aujourd’hui jusqu’à ce qu’on me prouve que je ne suis plus président de l’UFOA.

Quelles sont vos actions prioritaires à la tête du football ivoirien où vous avez été réélu il y a seulement quelques mois ?

Je n’ai pas choisi beaucoup de priorités. La première, c’est de confirmer notre participation au Mondial pour 2010, participer aux jeux olympiques, remettre un peu d’ordre au niveau de nos clubs au sujet notamment de leur statut juridique, chercher toujours des moyens pour mes clubs, et reprendre en main l’organisation des compétitions des jeunes qui, ces derniers temps, avaient un peu perdu de son sens. Je tiens à bien les mener, parce que c’est un mandat qu’on m’a donné.

Dès votre arrivée à la FiF, vous avez fait de la relève, une de vos priorités mais nous constatons que malgré les efforts, ça piétine à travers les résultats des jeunes sur le continent. Qu’est-ce qui ne marche pas ?

Le football n’est pas une chose rectiligne. Quand je suis arrivé, nous avons participé au Mondial des cadets et des juniors. C’est vrai que ça n’a pas marché chez les cadets de même que chez les juniors où nous avons quand même fait cette année, la CAN. Nous sommes toujours présents pour les éliminatoires des jeux olympiques. Je ne désespère pas mais il s’agit tout simplement de faire un petit recadrage par rapport à ces catégories de jeunes. Il faut retenir que je ne souhaite pas aller compétir pour compétir.

Mon souhait est de donner une assise au football ivoirien au niveau de la relève, parce que les Didier Drogba, Bonaventure Kalou, Aruna Dindané et autres, vont passer un moment. C’est cette relève que je veux prendre en main et pas forcément aller faire une CAN ou un Mondial cadets et juniors où sont toujours en finale, ceux qu’on attend et on les connaît déjà d’avance. Je ne veux pas faire une CAN cadets des moins de 17 ans avec des moins de 30 ans.

Où en est-on avec le partenariat entre la Fédération burkinabè de football (FBF) et la FIF signé il y a bientôt une année et qui a connu un bon début ?

Les échanges continuent et il est prévu courant 2007, une rencontre entre les champions des clubs des deux pays, des rencontres au niveau des jeunes. Que ce soit le président de la FBF, Seydou Diakité et moi-même, nous sommes régulièrement en contact pour échanger sur les activités de l’UFOA et de la CAF. C’est un partenariat qui se porte à mon avis très bien. Nous avons également le tournoi de l’UEMOA à Ouagadougou où l’assistance technique de l’UFOA a été demandée et c’est la FBF qui s’en occupe. Dans les relations, il ne faut pas brûler les étapes mais nous allons bien asseoir le programme d’activités et à partir de là, nous essayerons de faire tache d’huile dans la zone pour que les autres nous rejoignent.

Si aujourd’hui vos pairs du continent vous confient la CAF, quelles seront vos priorités pour amener le football africain qui connaît des problèmes, à changer de visage ?

Je vous l’ai dit, ce n’est pas une priorité. Que je réussisse déjà ma mission au niveau de la FIF, ensuite de la sous-region et c’est à partir de là, que vous pourrez dire que vous allez servir d’exemple. Je l’ai dit à mes pairs de la sous-région, le jour où je serai candidat, ils seront les premiers à être informés. En général, quand je décide de faire quelque chose, il n’y a rien qui m’arrête. Si je décide d’être candidat à la CAF, vous le saurez et cela peut marcher en 2009 comme ça peut ne pas marcher mais 4 ans après, la même personne me retrouvera encore sur son terrain. C’est pour cela que je ne veux pas en faire une affaire personnelle, parce que je souhaite que les choses arrivent naturellement.

Si en 2009, la CAF se ressaisit et travaille correctement comme on le souhaite, pourquoi changer pour changer. Aujourd’hui, nous dénonçons les dérives de cette institution jusqu’à ce que les personnes chargées de la diriger changent. Le jour où on remarquera que le changement n’est pas pour demain, à ce moment, nous prendrons nos responsabilités. Sachez que je ne suis pas quelqu’un qu’on impressionne et si je me décide, c’est pour 8 ans, parce que je suis encore jeune.

Propos recueillis à Abidjan par Antoine BATTIONO

Le Pays

PARTAGER :                              
 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique
SNC 2024 : Un cross populaire pour encourager les FDS