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Consultations électorales : Une participation populaire cahin-caha !

Publié le lundi 5 février 2007 à 08h12min

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Tous les Burkinabé ne vivent pas de la même manière l’enthousiasme des périodes électorales. Les uns vont voter, les autres visiblement s’en moquent. La démocratie est une question de participation populaire. Or, dans le cas burkinabé, l’abstention semble être plus forte.

Ce qui amène les uns et les autres à se poser des questions, non seulement sur la valeur de la démocratie burkinabé, mais encore sur la participation individuelle et personnelle.

Les inscriptions spéciales sur les listes électorales ont pris fin le 31 janvier dernier. Cela a sans doute permis à ceux qui, pour une raison ou pour une autre, n’avaient pas de carte d’électeur et donc ne pouvaient ou ne voulaient pas voter, d’en obtenir.

Pendant ce temps, dans les états-majors des partis politiques, les manœuvres de positionnement sur la liste électorale ont commencé. Le CDP en particulier où la demande dépasse largement l’offre, a pour sa part, diligenté des missions dans toutes les provinces pour superviser la désignation des candidats à la candidature du parti pour les élections de mai 2007.

L’opération spéciale d’inscription vient rappeler le lien indissoluble entre bulletin de vote et élection ou précisément entre citoyen et processus démocratique. La démocratie implique le droit de suffrage aux citoyens d’être électeurs et d’être éligibles aux postes électifs.
Dans le cas burkinabé, il s’agit du suffrage universel, c’est-à-dire en d’autres termes la reconnaissance du droit de suffrage à tous les citoyens sans discrimination et sous certaines conditions minimales liées à l’âge, la nationalité et la jouissance des droits civiques.

En ce sens, aller s’inscrire sur une liste électorale, posséder une carte d’électeur, voter le candidat de son choix le moment venu, tout cela témoigne d’un acte citoyen. De même, choisir consciemment, de ne pas s’inscrire, de ne pas posséder de carte, de ne pas voter est tout aussi un acte citoyen.

Du même coup, il se pose comme postulat que les variables « démocratie » et « participation » sont intimement liées ; le pouvoir ne découle t-il pas en principe de l’autorité populaire ?

La « participation », voilà un mot dont l’effectivité ou l’absence joue sans doute sur l’ancrage de la démocratie dans une nation. Tous les pays démocratiques dignes de ce nom en sont très regardants.

Au-delà des victoires électorales, les taux de participations sont des données bien significatives. Il n’y a que ce taux qui légitime le pouvoir démocratique au sens plénier et pratique. Evidemment, le taux se veut « coexistencif » au degré de participation populaire. Le vote est si essentiel que dans un pays comme la Belgique, il est imposé ; le suffrage y étant obligatoire, c’est-à-dire que l’abstention est sanctionnée.

En France, il l’est pour l’élection des sénateurs pour laquelle est institué un collège électoral composé de députés et d’élus locaux.

Le degré de participation des citoyens à la démocratie varie selon les pays. Dans des pays africains comme le Bénin qui fait office d’exemple en matière d’acquis démocratiques sur le continent, il est relativement élevé.
Sur une population de 12 millions d’habitants, au moins 6 millions d’individus sont inscrits sur les listes électorales. Bien entendu, l’écart entre 6 et 12 millions reste grand. Cependant, c’est une performance appréciable quand on la compare à celle d’autres contrées de l’Afrique.

Le cas burkinabé

Un bref rappel historique permettra de mesurer la participation des Burkinabé depuis 1991, période marquant le retour à une vie constitutionnelle.
Au référendum constitutionnel de 1991, le nombre de Burkinabé inscrits sur la liste électorale était de 3 403 351. Le taux de participation, 48,78%.
A l’élection présidentielle de la même année, les inscrits se chiffraient à 3 433 331 ; taux de participation, 25,28%.
Aux législatives de 1992, le nombre d’inscris a été de 3 564 510 ; taux de participation 35,25%.
Aux législatives de 1997, on dénombrait 4 985 352 ; taux de participation 44,53%.

Aux législatives de 2002 sur près de 11 000 000 de Burkinabé, environ 3 000 000 se sont inscrits.
Le Burkina Faso de novembre 2005, était habité par près de 13 900 000 personnes. Au moins 40% sont en âge de voter. Pour le scrutin présidentiel du 13 novembre 2005, 3 918 103 Burkinabé s’étaient inscrits sur la liste électorale, 2 288 257 sont allés voter.

Le taux officiel de participation a tourné autour de 57%.
A y voir de près, en 2005, 1 674 966 Burkinabé soit 12% des citoyens ont voté un « chef », au nom des 13 900 000 autres. Et bien oui, la minorité en impose à la majorité !
Est-ce cela la démocratie ? Peut-être oui ! En tout cas, les théoriciens de l’art de la démocratie peuvent animer toujours les débats. Pour certains d’entre eux, la culture civique serait une culture politique hétérogène dans laquelle une minorité d’individus est politiquement active et la grande majorité assumant un rôle passif. C’est ce contraste qui garantirait la stabilité du système démocratique.

Par contre, d’autres voient dans la passivité de la majorité, une illusion démocratique. L’évolution des chiffres depuis 1991 prouve qu’au Burkina Faso, la participation est insignifiante quand on compare la population totale au nombre de votants. Bien entendu, le boycott successif de l’opposition a joué comme un facteur entravant à un certain moment.

Mais quand on prend les cas des législative de 2002 ou la présidentielle de 2005 où les partis d’opposition ont pris activement part, les données ne sont guère reluisantes.

Et maintenant !

Au-delà des chiffres, des polémiques partisanes, tout le monde se convainc maintenant que la démocratie est une affaire individuelle avant d’être collective. Dans cet ordre d’idée, ne doit-on pas condamner ceux-là qui ne vont pas ou ont décidé de ne pas aller dans un bureau de vote ?
La réponse ne saurait échapper à certaines nuances. Tout citoyen peut voter selon les limites fixées par la loi. Toute non participation aux opérations de vote et donc, à la pratique démocratique s’explique.

Au Burkina Faso, ceux qui ne votent pas, ne sont pas au village. Même s’ils y sont, leur attitude bénéficie de circonstance atténuante.
Mais, beaucoup de citoyens des villes et ceux ayant une base scolaire, académique et intellectuelle jugent bon de s’abstenir de voter. Difficile à comprendre mais justifiable ! Un tel individu sait et ne vote pas. Tel autre ne sait pas et va voter.

Derrière ces deux types d’individus se cachent soit un caractère réflexif soit un caractère instinctif. On aurait tort de condamner l’un et féliciter l’autre. Aucun n’a totalement tort, aucun n’a totalement raison. L’idéal démocratique auquel aspire la société burkinabé en particulier n’excuse, ni l’abstention des uns, ni le vote « sauvage » des autres.

Deux approches sont à envisager dans le cadre d’une conciliation : amener ceux qui savent à apporter leur voix dans la perspective de la construction démocratique de la société ; faire en sorte que ceux qui votent de façon téléguidée et instinctive soient plus raisonnables, l’ignorance étant une des principales entraves à la démocratie.

Evidemment, la question demeure celle de savoir qui doit jouer la fonction de catalyseur au bénéfice d’une mobilisation massive pour la chose politique et notamment les élections et qui doit éduquer les populations à avoir une meilleure compréhension de la démocratie.
A tout seigneur tout honneur : la responsabilité incombe en premier aux partis politiques. Cependant, la société civile (associations, mouvements religieux, ONG, syndicats...) en est aussi responsable.

A un niveau plus restreint, le faible taux d’inscription, le peu d’intérêt de la majorité à la chose politique relèvent de la responsabilité de tous et chacun de nous Burkinabé. Qu’avons-nous fait ? Qu’as-tu fait ? Qu’a-t-il fait ?

Aucun de nous n’a le droit de se cloîtrer chez lui et de ne pas participer à la culture démocratique et citoyenne, à la gestion de la nation tout court. Parce que, d’une manière ou d’une autre, cette gouvernance de la minorité que nous nous imposons, est loin d’être démocratique, celle du gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple.

Du même coup, nous contribuons à la mise en place d’une monarchie ou une pensée unique par notre silence complice, par notre inactivisme coupable, par notre négation citoyenne.

Par Nana Michel
Bendré

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