LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Avec de la persévérance et de l’endurance, nous pouvons obtenir tout ce que nous voulons.” Mike Tyson

Dr Théophile Tapsoba (Ordre national des médecins) : "Un médecin ne peut pas refuser d’assurer la garde"

Publié le samedi 20 janvier 2007 à 08h11min

PARTAGER :                          

L’Ordre national des médecins existe depuis 1992. Il se porte garant de la qualité de la pratique médicale. Le président de l’Ordre national des médecins du Burkina, Théophile Tapsoba, donne des éclairages sur sa structure, son rôle, ses missions.

Aussi il se prononce entre autres sur le commerce illicite des médicaments, l’accessibilité de la médecine moderne à tous...

Sidwaya (S.) : Pourquoi un Ordre national des médecins ?

Théophile Tapsoba (T.T.) : Depuis l’institution d’un Ordre national des médecins, les conditions d’exercice de la médecine sont transformées. Désormais, ce n’est plus l’Université seule qui se porte garante de la qualité du praticien, ce sont aussi ses confrères. L’une certifie sa capacité technique, les autres, sa valeur morale. Il est donc permis d’affirmer qu’au sens le plus large du terme, l’Ordre gère un service public à tout le moins un service d’intérêt général.

L’inscription au tableau, c’est-à-dire l’examen de la moralité du candidat (moralité professionnelle et humaine) et la surveillance permanente de celui-ci, constituent une des fonctions les plus essentielles de l’Ordre, celle par laquelle il collabore directement avec les pouvoirs publics et ajoute son action à la leur. Il assure et garantit avec eux, l’exercice de la médecine. A cet effet, le législateur lui a confié non seulement les plus larges pouvoirs, mais des prérogatives "régaliennes" : affiliation et cotisation obligatoires, droit de rendre justice. Les liens qui l’unissent aux pouvoirs publics reposent donc en définitive sur la confiance et appellent une collaboration.

La pratique de l’acte médical ne se fait pas seulement dans l’intérêt des praticiens, ni même uniquement dans celui des malades. La médecine la plus libérale a un caractère social, elle se situe sur un plan infiniment plus élevé que celui de rapports purement privés entre patient et praticien. Suivant l’admirable formule du président Portes : "la confiance du malade, doit répondre la conscience du médecin". De plus, la médecine s’exerce dans une société organisée, sa qualité technique et humaine retentit sur l’ensemble du corps social, elle agit au sein de groupes et d’institutions de toute nature qu’elle ne peut ignorer et qui, de leur côté réagissent sur elle.

L’acte médical, sous quelque angle qu’on l’envisage, manifeste donc un aspect social dont le caractère inéluctable ne fait que souligner l’importance du geste accompli par le législateur lorsqu’il en a confié le contrôle moral aux seuls praticiens. L’institution d’un ordre trouve dans cette constatation, sa vraie justification même dans le cas de la médecine la plus individuelle.

Aussi, l’ordre gère un service d’intérêt général, il remplit au sein de la nation, une fonction sociale, il veille à la sauvegarde de l’essentiel d’un ministère libéral, il est en la matière, le conseiller des pouvoirs publics. Il le fait sous sa seule responsabilité et en pleine indépendance. L’Ordre doit aussi dégager par sa jurisprudence, une déontologie, sans doute déjà codifiée, mais qui demeure une création continue. Il défend les principes fondamentaux de l’exercice médical en dégageant sans cesse les traits essentiels et les raisons profondes, il es applique aux situations diverses et aux évolutions inévitables découlant des charges croissantes de la maladie jointes à un appauvrissement de l’ensemble de la population.

S. : Quels sont les principaux objectifs de l’Ordre des médecins ?

T.T. : L’Ordre des médecins, veille au maintien des principes de moralité, de probité et de dévouement indispensables à l’exercice de la médecine et à l’observation par tous ses membres, des devoirs professionnels ainsi que les règles édictées par le code de déontologie. L’Ordre des médecins assure la défense de l’honneur et de l’indépendance de la profession médicale. Il accomplit sa mission par l’intermédiaire des conseils régionaux et du conseil national de l’Ordre.

S. : Comment l’Ordre entend travailler à rendre la médecine accessible à tous les burkinabè ?

T.T. : Dans ce domaine, il faut dire que la politique sanitaire relève du ministère de la santé. Mais en tant que médecin, mon point de vue se situera au niveau des différents politiques. Je veux dire par là que dans la rédaction des différents textes, dans leur application et dans la gestion du personnel médical, l’Ordre est disponible pour que le plus grand nombre de personnes au Burkina Faso puissent avoir accès aux soins.

S. : Les médecins travaillant aussi bien dans les cliniques que dans les hôpitaux ne vont-ils pas à l’encontre de l’éthique et de la déontologie ?

T.T. : Dans ce cas-là aussi, il convient de faire la part des choses. Normalement, c’est l’Etat qui doit réglementer le travail des médecins. Je crois que la loi a, dans ses différents articles, défini dans quelles conditions un médecin de la Fonction publique doit accomplir convenablement son contrat. Votre question a trait surtout au fait que des personnes affirment qu’il y a des médecins employés par l’Etat et qui se retrouvent dans le privé.

Beaucoup de gens soutiennent aussi que c’est parce que les médecins ne sont pas dans de bonnes conditions de vie qu’ils cherchent coûte que coûte à améliorer les fins du mois. Sur le plan de droit, je crois qu’il y a assez de textes réglementant la question. Maintenant sur le plan éthique, nous pensons que ce n’est pas parce que quelqu’un fait quelque chose que les autres doivent le suivre comme des moutons de Panurge même si ce qu’il fait est mauvais.

Je pense que les médecins doivent se montrer, sur le plan comportemental, responsables et discuter avec les autorités pour trouver une solution définitive à ce problème. En la matière, je crois qu’il y a de nouveaux textes qui ont été adoptés et nous pensons que leur application pourra résoudre ce problème. Toute chose qui augure la clarification d’un certain nombre de situations préjudiciables bien sûr aux populations et à certains médecins qui ne sont peut-être pas fautifs.

S. : Comment se fait la garde des médecins ?

T.T. : Normalement elle se fait par les structures hospitalières. Je crois qu’il y a un tableau qui permet d’inscrire les gardes. Le médecin inscrit sur le tableau de garde doit l’assurer de façon définie avec les différents responsables.

S. : Cette garde est-elle effective ?

T.T. : De fait, si le médecin a participé à l’élaboration du tableau de garde, je ne vois pas comment et pourquoi il va refuser de prendre la garde. Toutefois, j’entends comme tous les burkinabè qu’il y a des problèmes à ce niveau et que les médecins ne prennent pas la garde. Je crois qu’il y a des difficultés qui se posent en rapport non seulement avec les ressources humaines mais aussi financières.

Je pense que les conditions dans lesquelles un médecin devrait se retrouver afin d’assurer sa garde ne sont pas toutes remplies. De sorte que les gens commencent à se plaindre un peu. Toutefois, tacitement, un médecin ne peut pas refuser d’assurer la garde.

S. : On assiste à une arrivée de médecins cubains au Burkina Faso. Qu’en pensez-vous ?

T.T : De façon globale, c’est une bonne chose vue que le nombre de médecins dans notre pays n’est pas en accord avec les besoins des populations. Mais il faut que cette coopération se fasse dans des conditions normales, que nous puissions être sûrs que ces médecins cubains remplissent les conditions d’exercice de la médecine. Je veux dire par là qu’ils doivent s’inscrire à l’Ordre national des médecins. Cependant, à un moment donné, des médecins n’étaient pas immédiatement recrutés par la Fonction publique.

Ce qui donnait l’impression d’une appropriation illégale des places des Burkinabè par les médecins cubains. Je crois qu’actuellement, ce problème est minimisé. Cependant, il faudra que les conditions de l’arrivée des autres médecins soient bien définies afin que nous ne soyons pas surpris de la situation où les gens douteraient de la qualité d’un certain nombre de prestations médicales issues de la coopération.

S. : Certains médecins sans être chirurgiens, pratiquent des opérations chirurgicales. Est-ce acceptable ?

T.T. : De façon globale, le médecin est apte par définition à pratiquer tous les actes médicaux. Donc, s’il est compétent, même en tant que médecin généraliste, il peut pratiquer la chirurgie. Cependant, le médecin doit connaître ses limites techniques et référer le malade à un spécialiste.

S. : Pourquoi l’Ordre des médecins tolère la publicité visible ou déguisée autour des cliniques ?

T.T. : Le médecin ne doit pas faire la publicité. Il y a des articles du code de la déontologie qui l’interdisent. Le médecin, s’il a reçu de nouveaux matériaux, peut informer les gens sans faire la publicité. Selon le code de déontologie, la sanction va de l’avertissement à la radiation de l’Ordre des médecins.

S. : Le fait que 80% des patients recourent d’abord à la médecine traditionnelle avant de s’adresser à un centre de santé, signifie-t-il que le système sanitaire burkinabè est inadapté ou trop cher pour le citoyen lambda ?

T.T. : Peut-être ma réponse paraîtrait ridicule. Nous avons des contraintes socioculturelles qui font que les patients ne s’adressent pas directement à la médecine moderne. peut-être, ceci justifie que 80% commencent d’abord à se traiter à la médecine traditionnelle. Cette médecine si elle est bien gérée, codifiée, procure des avantages. Aussi, du fait de l’état d’appauvrissement de la population, la médecine moderne reste peu accessible.

S. : Que pensez-vous du commerce illicite des médicaments ?

T.T. : Les gens trouvent que l’accès aux soins modernes est cher et ainsi se rabattent sur les médicaments de la rue.

Donc, il faut travailler pour ajuster de telle sorte qu’il n’y ait pas d’offre ni de demande mais aussi que les soins modernes soient accessibles.

S. : On reproche souvent à l’hôpital de placer la rentabilité financière en priorité au détriment du social. Quel commentaire en faites-vous ?

T.T. : Peut-être qu’il faudra poser la question aux gestionnaires des hôpitaux. En tant que médecin, nous avons prêté serment de soigner tout le monde. Quelle que soit la situation financière du malade, le médecin ne peut pas refuser de le soigner. La recherche de la rentabilité financière n’est pas la priorité du médecin.

S. : Qu’est-ce qui explique le fait qu’avoir les services d’un médecin surtout spécialiste, relève du parcours du combattant ?

T.T. : La première explication vient du fait que le nombre des spécialistes est limité. Deuxièmement, je pense qu’il y a une mauvaise répartition de nos spécialistes sur le territoire national.

Aussi, le problème est que les gens ne suivent pas le circuit sanitaire, ils escamotent les étapes pour voir le spécialiste. Or, cela devrait être une recommandation d’un médecin généraliste.

Entretien réalisé par Charles OUEDRAOGO et
Boureima SANGA

Sidwaya

Sidwaya

PARTAGER :                              
 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique