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Cancer du col de l’utérus : « Le dépistage reste souhaitable pour toutes les femmes »

Publié le jeudi 23 novembre 2006 à 07h25min

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Lorsqu’on parle du cancer, c’est toujours la désolation et même la hantise chez les personnes atteintes et qui savent généralement qu’en pareille circonstance, l’espoir de recouvrer totalement ou partiellement la santé reste assez mince. Le cancer tue et celui du col de l’utérus ne fait pas exception à la règle.

Une maladie que les femmes peuvent pourtant prévenir, à la seule condition de se soumettre régulièrement au teste de dépistage. C’est du moins l’avis du docteur Souleymane Nacro, gynécologue obstétricien au département de gynécologie obstétrique de médecine de la reproduction au Centre hospitalier Souro Sanou (CHUSS) de Bobo.

D’abord, qu’est ce que le cancer du col de l’utérus ?

• Sommairement, je dirai que le cancer du col de l’utérus est une tumeur maligne. C’est un cancer qui se développe à partir des cellules du col de la muqueuse de la femme. Il faut surtout retenir que cette maladie se développe au niveau de la muqueuse du col et le col utérin a la particularité d’avoir deux muqueuses : une à l’intérieur qui est glandulaire et celle à l’extérieur qui est malpighienne. Elles n’ont pas les mêmes fonctions. La muqueuse à l’intérieur produit des sécrétions et le cancer du col se développe au niveau de la zone de jonction.

Quels sont les facteurs qui favorisent cette maladie ?

• Le cancer, en général, est multifactoriel. Jusqu’à présent, on ne dit pas que telle situation ou tel élément est cause du cancer. On a plutôt des facteurs, c’est-à-dire que statistiquement, on se rend compte que chez les patients qui présentent tel ou tel type de cancer, on trouve des facteurs favorisants.

Et parmi les facteurs de risques de cancer du col de l’utérus, on pourrait citer la précocité des rapports sexuels et, dans le même ordre d’idée, les mariages précoces, la multiplicité des partenaires sexuels ; il y a aussi les grossesses (accouchements) multiples et là on parle de plus de cinq enfants avec la première grossesse avant 20 ans. Il existe encore d’autres facteurs comme les IST et également le bas niveau socio-économique, qui est un facteur plus ou moins discuté.

Quand peut-on savoir qu’on est atteint du cancer du col ?

• Le cancer du col a une évolution très longue et qui s’étale sur plusieurs années, parfois 10 ans ou plus. Et généralement, il n’a aucune manifestation, puisque le col passe par plusieurs étapes avant d’aboutir au cancer. Quand on a les dysplasies ça ne se manifeste pas et même quand on atteint le stade du cancer qu’on appelle le cancer préclinique, il n’y a toujours aucune manifestation.

C’est seulement au cas où la femme est examinée dans le but de faire un dépistage qu’on peut savoir qu’il y a des manifestations, mais la femme ne sent toujours rien. Et c’est à un stade vraiment tardif, évolué, qu’il y aura des manifestations. C’est surtout les saignements, donc une hémorragie génitale. Quand les saignements sont prolongés ou répétés, ils peuvent entraîner de l’anémie. On peut également avoir des écoulements en dehors des saignements et ensuite des douleurs à un stade très avancé.

Il faut retenir essentiellement que les premiers signes qui vont alerter la femme, si elle prête vraiment attention à sa santé, ce sont les saignements. C’est plus caractéristique quand les saignements interviennent chez une femme qui est ménopausée. Malheureusement, il y en a qui, par ignorance, pensent que leurs règles reviennent alors qu’il s’agit là des signes du cancer du col.

Cette maladie est-elle fréquente au Burkina ?

• Quand on parle de fréquence, c’est qu’une étude a été faite. Malheureusement, dans les pays du Sud comme au Burkina, les financements sont rares, les études aussi. Mais au niveau du Burkina, il y a le professeur Lankoandé qui a déjà eu avec ses collaborateurs, à Ouagadougou, à faire une enquête, un dépistage systématique au district de Kossodo en 2002 et ils avaient trouvé une fréquence de 2,5% de lésion cancéreuse. Et je sais aussi que même ici, nous tournons autours de cette même fréquence.

Quelles peuvent être alors les modes de prévention ?

• Parler de prévention, c’est essayer d’agir contre les facteurs de risques. Et pour cela, il faut le dépistage, étant donné que c’est une maladie silencieuse sauf quand elle atteint la phase de cancer avéré. La prévention, c’est surtout le dépistage, où on a essentiellement deux techniques : le frottis qui est la méthode idéale et qui consiste en un prélèvement sanguin ; il coûte 9000 f que tout le monde ne peut pas payer.

Il y a ensuite la deuxième technique, qu’on appelle l’inspection visuelle et qui permet, à travers une loupe, de regarder le col de la femme. Je citerai également dans le cadre du dépistage le colposcope, qui permet de dépister les zones suspectes. Ce qu’il faut aussi savoir, c’est que c’est la biopsie qui permet de dire s’il s’agit d’un cancer et à quel niveau d’évolution. Mais malheureusement, nous n’avons pas d’anatomopathologiste ici à Bobo et les diagnostics que nous faisons sont envoyés à Ouagadougou et même à Marseille à la charge du patient.

Le dépistage est-il alors obligatoire ?

• En matière de santé, quand on dit obligation, cela suppose que l’Etat a donné les moyens. Dans un pays comme le nôtre où l’Etat ne prend pas en charge la santé, on ne peut parler d’obligation. L’idéal, c’est-à-dire s’il y avait les moyens serait que toutes les femmes en activité sexuelle puissent bénéficier du dépistage et du suivi.

Peut-on savoir les conséquences du cancer du col de l’utérus chez une femme atteinte ?

• C’est une maladie qui tue. C’est aussi une pathologie qui devient invalidante à un stade avancé. Elle commence par une plaie qui va ronger de proche en proche. Parce que ça ronge de proche en proche, la toilette intime devient difficile. Et à un stade très évolué, ça dégage de mauvaises odeurs et cela est très gênant.

Qu’en est-il des femmes séropositives d’autant plus que vous collaborez avec l’association REVS+ ?

• Théoriquement, elles sont plus exposées parce qu’elles se défendent moins efficacement contre le papilloma virus. Elles auront tendance à garder plus longtemps le papilloma virus au niveau de leur col et cela fait que les risques de développer le cancer du col sont plus grands.

Et pour conclure ?

• Le meilleur conseil que je peux donner aux femmes, c’est de faire le dépistage. Le frottis dont je parlais plus haut consiste à surveiller le col de la femme, et comme le cancer a une lente évolution sur une longue période, la surveillance s’avère importante tous les deux ou trois ans. Parce qu’une fois que la maladie atteint le stade de saignement, on ne parle plus de guérison, mais d’année de survie.

Entretien réalisé par Jonas Apollinaire Kaboré

L’Observateur Paalga

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