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Police municipale : Le jugement des Ouagalais

Publié le mardi 14 novembre 2006 à 08h45min

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Comment les Ouagalais perçoivent-ils les actions de la police municipale ? Nous avons tendu notre micro à quelques-uns d’entre eux.

Simone Ilboudo (élève) : "J’apprécie très mal leur travail"

J’apprécie très mal leur travail. Ce sont des racketteurs. Ils ont déjà retiré la carte grise de ma moto et m’ont demandé de leur payer la contravention pour avoir brûlé, selon eux, le feu. Je suis passée alors que le feu était à l’orange et ils m’ont sifflée. Je suis partie et ce sont eux-mêmes qui m’ont apportée ma carte grise à domicile.

Félix Dipama (étudiant) : "Ils abattent un gros boulot"

Ils abattent un gros boulot dans la ville de Ouagadougou, concernant notamment la réglementation de la circulation. Il y a moins de personnes qui brûlent les feux tricolores de nos jours. La police municipale, par sa présence, nous évite des accidents puisque dès que les usagers les aperçoivent sur les artères, ils sont obligés de respecter les règles de la sécurité routière.

Toutefois, au niveau de certaines grandes artères, on constate souvent que des agents de la police municipale se cachent sous des arbres afin de ne pas se laisser voir par les usagers. Ce n’est pas normal qu’ils procèdent ainsi pour interpeller ceux qui ne respectent pas les feux tricolores par exemple. Ils doivent être visibles pour dissuader. Je n’ai jamais remis de l’argent à un agent car je suis toujours en règle.

Arouna Tampougo (tâcheron) : "Je les encourage dans leurs activités"

Je salue et encourage ses interventions. Car, elles évitent surtout que des personnes encombrent les rues avec leurs marchandises et leurs bagages. Il faut qu’ils aident les autorités municipales. Depuis que je vis ici à Ouagadougou, je n’ai jamais eu de problème particulier avec les agents de la police municipale. Bien au contraire, je les encourage dans leurs activités qui concernent l’assainissement et la sécurité. Par leur travail, ces agents évitent que de mauvais citoyens provoquent des accidents par leurs attitudes peu catholiques.

Ibrahim Saré (chauffeur) : "J’ai eu affaire à des agents qui ignorent le code de la route"

Du fait de leur nombre qui est important, je ne saurais tout de suite dire qu’ils sont tous de mauvais agents. En tant que conducteur, j’ai eu des accrocs avec des agents qui ne comprennent rien au code de la route. Je me demande si tous ont été formés à l’Ecole nationale de la police.

Normalement, tout citoyen qu’on arrête a le droit de s’expliquer. Ce qui n’est pas le cas avec certains policiers, qui refusent catégoriquement que l’on leur donne des explications pour se faire comprendre. Dans la vie, tout le monde peut commettre des erreurs. Je me rappelle que je suis passé à un feu qui ne marchait pas. Je leur ai expliqué que le feu était en panne, mais ils ont refusé de comprendre. J’ai été obligé d’aller déposer mes passagers et revenir retirer les pièces de mon véhicule, grâce au témoignage d’un vendeur ambulant qui a confirmé que le feu tricolore ne marchait pas à mon passage. Pour les amendes à payer, les montants varient d’un agent à un autre. Tout ça parce qu’ils attendent de l’argent de la part de ceux qui sont fautifs.

Ousmane Ouangrawa (enseignant) : "Ils sont quelquefois trop rigoureux"

Je les trouve quelquefois trop rigoureux. Des agents passent outre les règles établies. Qu’on me demande de payer la contravention, je comprends. Mais qu’un agent, par sa méthode, veuille se faire corrompre, là je suis indigné. Par deux fois, j’ai dû remettre de l’argent pour avoir la paix. Même à la police nationale, j’ai déjà remis six mille francs pour le renouvellement de ma carte de visite technique. Je me souviens que la police municipale, quant à elle, m’avait réclamé 2 000 F CFA.

Amadou Traoré (économiste) : "Les agents à vélo ne font pas correctement leur travail"

Il y a deux mois de cela, la police municipale m’a pris mille francs pour être passé, à l’orange. J’avais une soeur qui était hospitalisée et j’allais lui chercher des médicaments en pharmacie. Je pense que les agents sur les vélos ne font pas correctement leur travail. Ils devraient intervenir, par exemple, quand ils aperçoivent des attroupements. Mais ce n’est pas le cas puisqu’ils continuent leur parcours sans se soucier de ce qui s’y passe. Malgré tout, j’apprécie positivement le travail de la police municipale.

Soumaye Maïga (femme d’affaires) : "Ils font assez bien leur boulot"

Ils font assez bien leur boulot. Je pense qu’ils rackettent tous ceux qui sont en infraction. Personnellement, je n’ai pas eu d’accrocs avec la police municipale, mais je connais des gens qui ont été interpellés parce qu’ils ont brûlé les feux tricolores ou parce qu’ils n’ont pas respecté un panneau de stop.

Chantal Diasso (infirmière) : "Il faut qu’ils évitent de se faire corrompre"

Ils font du bon travail en réglementant la circulation par exemple. Ils ne m’ont jamais pris de l’argent. Par contre, je les ai déjà aperçus en train de racketter des personnes, et je peux témoigner de cas flagrants où ils ont reçu de l’argent. Je leur demande d’éviter de se faire corrompre."

Boukary Tapsoba (taximan) : "Ils nous fatiguent un peu trop"

Le travail de la police municipale est bien pour nous. Quand quelqu’un a tous ses papiers en règle, il peut rouler sans avoir de problèmes avec les agents. Par contre, ils nous harcèlent un peu trop quand nous transportons des bagages. Avec le coût élevé du carburant, on ne s’en sort pas sans le transport de bagages.

Les 200 F CFA que les clients paient ne peuvent pas suffire pour régler toutes les charges de nos véhicules. Nous leur remettons de l’argent pour éviter que notre véhicule aille en fourrière. Je leur demande de nous autoriser à transporter les bagages. Autrement, nous risquons de garer nos voitures.


Simon Compaoré, maire de Ouaga : "Je suis fier de ma police"

Selon Simon Compaoré le maire de Ouagadougou, corrompus et corrupteurs ont droit à la même sanction. Pour ce qui est des agents de la police municipale, il indique que certains ont été radiés après avoir été pris en flagrant délit de corruption.
Dans l’interview qui suit, et qui prolonge notre dossier publié le jeudi 9 novembre 2006, le maire aborde 4 pratiques corruptrices et bien d’autres aspects du fonctionnement de la police municipale

"Le Pays" : Comment est née la police municipale ?

Simon Compaoré : Le processus de décentralisation engagé par l’Etat central a connu des étapes dont l’organisation des premières élections municipales en février 1995. Aussi des textes ont-ils été élaborés par le gouvernement et adoptés par l’Assemblée nationale. L’Etat avait pris un décret portant création de la police municipale avec des textes subséquents sur son fonctionnement. Il était laissé la possibilité à chaque maire, selon ses réalités et capacités, de créer sa propre police municipale.

Nous avons ainsi créé la police municipale de Ouagadougou, avec pour missions, la sécurité des biens et des personnes, la gestion de ce que nous appelons la tranquillité des citoyens, le problème du transport et de la circulation en général. Elle est donc un instrument aux mains du maire. Leur présence, vous conviendrez avec moi, permet de rendre plus agréable la vie à Ouagadougou. Un premier contingent de 50 élèves policiers avait été recrutés, et formés à l’école de la police nationale. Aujourd’hui, nous sommes à plus de quatre cents policiers municipaux.

Les populations comprennent-elles les missions de cette police ?

Elle a été créée pour se mettre à la disposition des populations. Ils sont nombreux les citoyens qui ont recours à la police municipale pour différents problèmes, liés notamment à des comportements de voisins gênants. C’est vous dire que tous ceux qui se plaignent d’elle sont en réalité des auteurs d’infractions. Ils ne peuvent pas dire du bien de cette police, et cela se comprend. Nous avons créé une brigade cycliste qui n’est pas répressive.

Elle aide simplement les populations, confrontées à des problèmes, notamment la traversée des voies publiques par les vieilles personnes, en les renseignant afin qu’elles puissent se rendre en des endroits précis. A la vue de tas d’immondices, elle informe les services de propreté. Le maire de Génève nous a financé pour l’achat des vélos.

Il leur est reproché de rançonner les usagers des voies publiques, comme les taximen...

Demandez aux plaignants quelle a été leur attitude quand on a voulu les rançonner. Se sont-ils adressés aux autorités municipales ? Pourquoi ont-ils accepté de payer ? A Ouagadougou, les citoyens connaissent leurs droits, à moins que l’on veuille être complaisant, surtout quand l’usager n’a pas les pièces requises lors d’un contrôle. Il y en a qui n’ont pas fait la visite de leur véhicule ou n’ont pas la carte grise et qui, pour éviter la contravention, préfèrent remettre un billet de mille F CFA et filer tranquillement.

Les corrompus et les corrupteurs ont droit à la même sanction. Toute plainte d’un citoyen qui nous parvient nous oblige à sortir et à vérifier l’exactitude des faits incriminés. Je vais vous raconter une petite histoire. Sur l’avenue Kwame Nkrumah, un citoyen qui était sur un immemble a vu un agent de la police qui était en service s’adonner à des pratiques pas catholiques. Il nous en a informé et immédiatement, le policier a été interpellé. A la fouille, le billet qu’il avait pris le soin de froisser et cacher dans sa poche a été retrouvé.

Imaginez vous-même la sanction qui est tombée. Elle a été dure, je vous assure. Ils sont nombreux qui cherchent à défier la loi. Je suis prêt à prendre part à un débat avec ces personnes qui se plaignent. Des agents ont été radiés. Je ne manque pas de féliciter tout agent qui se distingue par son travail. De même que des sanctions peuvent tomber si toutes les preuves sont réunies. Je condamne ceux qui détiennent des preuves et se taisent.

Croyez-vous qu’il était urgent de créer la police municipale qui, on l’imagine, coûte cher au budget de la mairie ?

Il y en a qui sont de véritables démagogues, prêts à crier au scandale chaque fois que de l’argent sort pour des nouvelles charges. C’est le cas de tous ceux qui disent ne pas comprendre qu’il y ait tant d’investissements dans le sport, alors qu’il y a des dispensaires à construire. Pour la ville de Ouagadougou, il faut du tout pour y vivre allègrement. Les citoyens ont certes besoin d’éducation, de santé, de voiries, mais aussi de plaisirs et de loisirs.

Les espaces verts par exemple présentent des avantages. Concernant les feux tricolores, faites un tour dans des villes de la sous-région, et vous comprendrez que Ouagadougou n’est pas mal lotie. Combien sont-ils qui ignorent royalement les feux tricolores, chaque jour ? La bonne sauce a un coût comme le dit un proverbe mossi. La police municipale nous coûte cher il est vrai, mais c’est un instrument indispensable pour toute ville.

Des pays voisins viennent s’inspirer de notre exemple. Ouagadougou est une ville à problèmes en tant que capitale. Les trois quarts du parc automobile de l’Etat se retrouvent ici. La police nationale qui a un effectif limité a recours souvent à la police municipale pour divers services. Les deux polices travaillent en bonne intelligence. Dans une ville comme Ouagadougou, le travail de notre police est énorme au regard de toutes les sollicitations. De jour comme de nuit, on a besoin d’elle. Je suis fier d’elle pour son travail. Ce sont les mêmes qui se plaindraient si on la supprimait.

Quels sont vos projets pour la police municipale ?

Son siège est trop exigu. Il leur faut un cadre plus spacieux avec une cour assez grande pour contenir tous les engins saisis. Nous entendons mieux les équiper en moyens de déplacement conséquents et pratiques. Les agents ont besoin de talkies-walkies en nombre suffisant pour leurs interventions.

Face à des cas d’agressions par exemple, ils pourront alerter leurs collègues. Il est question de port obligatoire de casque par les propriétaires de cyclomoteurs.

Je suis un citoyen comme tout le monde. Même quand une loi ne rencontre pas l’assentiment de certains, il n’empêche que c’est la loi et que chacun devra la respecter.

Je suis entièrement pour le port du casque. Faites un tour chez les sapeurs-pompiers et vous verrez les statistiques sur le nombre d’accidents chaque jour à Ouagadougou, et le nombre de décès. C’est tout simplement effroyable. On peut tout retrouver sauf une vie perdue.

La décision n’ a pas été prise pour sanctionner les citoyens. Des citoyens trouvent que même les feux tricolores les empêchent de circuler. Face à de tels agissements, il importe de réglementer l’usage de tout espace public. Autrement, ce sera la jungle. Il est du devoir de tout Etat d’assurer la sécurité des biens et des personnes. A mon avis, il faut imposer aux citoyens d’apprendre le Code de la route. La police municipale ne fera qu’accompagner les efforts pour faire respecter cette mesure. Des personnes comprennent bien son sens.

En voulant trop écouter les mécontents, on finit par ne pouvoir rien gérer. Evitons de mettre en avant les turpitudes de gens qui s’excitent à tout vent. Déjà, au niveau de la mairie centrale, tous les agents portent des casques pour donner le bon exemple.

Les agents de la police municipale sont appelés les enfants de Simon. Que ressentez - vous ?

Ils sont au service de notre capitale. En tant que premier responsable, c’est moi qui les manage. Je suis fier de ma police. C’est comme la brigade verte, qu’on nomme les femmes de Simon. Tout le monde peut le dire mais je crois que c’est très amical. Si la police municipale fait du bon boulot, je la félicite et pour un mauvais travail , je n’hésite pas à l’engueuler. Je reçois des écrits de félicitations, tout comme des récriminations. Aujourd’hui, Ouagadougou compte plus d’un million d’habitants et les besoins des citoyens sont de plus en plus importants en matière de sécurité et de tranquillité. Nous mettrons tout en oeuvre pour les satisfaire.

Propos recueillis par Philippe BAMA

Le Pays

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