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Salif Diallo à propos du coton transgénique : « On est dedans ! »

Publié le vendredi 29 septembre 2006 à 07h39min

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Salif Diallo

Le ministre de l’Agriculture, de l’Hydraulique et des Ressources halieutiques, Salif Diallo, était en visite le mardi 26 septembre 2006, dans la ferme SOFITEX de Bony dans la province du Tuy. Ils a pris connaissance des avantages, surtout financiers, que présente la production transgénique du coton.

Au terme de la visite, Salif Diallo est sorti de sa réticence à propos de l’introduction des organismes génétiquement modifiés (OGM) dans la production cotonnière au Burkina. Mieux, dans l’entretien qui suit, il spécule déjà sur la plus-value que les différents acteurs pourront réaliser avec cette technique nouvelle et sur le regain de compétitivité que le coton transgénique pourra conférer au marché cotonnier national.

Le Pays : Quel est l’objet fondamental de votre visite dans une ferme de coton transgénique ?

Salif Diallo : Nous sommes sur le terrain pour une mission bien particulière, qui est de tâter le pouls de la production du coton transgénique. Vous savez comme moi que cette production fait d’objet de discussions âpres dans le monde entier et que le Burkina a opté d’aller dans le coton transgénique, bien entendu dans le respect des principes de précaution. Depuis 2003, des expériences sont réalisées par la SOFITEX, d’abord en milieu confiné avec des procédures bien établies et respectées par la SOFITEX sous le contrôle de l’INERA.

Et pendant ces trois années, nous avons suivi la production du coton OGM. Nous sommes aujourd’hui (ndlr : mardi 26 septembre 2006) sur le site pour vérifier de façon concrète et pratique que cette production est une production d’avenir. Et nous rassurer que cette nouvelle technique va réduire les coûts de production pour les paysans, éliminer les prédateurs que sont les ravageurs du coton. Au Burkina, on a 6 ravageurs types et il a été démontré qu’avec le coton OGM, on en élimine 4 du coup. Pour cela, il y a déjà une économie, selon les chercheurs, de 36 000 francs CFA par hectare.

Bien entendu, le rendement à l’hectare va augmenter et atteindre 4 à 5 tonnes. Cela est en quelque sorte une réponse que nous apportons à la situation mondiale de la filière coton. Comme vous le savez, les négociations dans le cadre du cycle de Doha ont échoué. Ce qui veut dire concrètement que les cours mondiaux du coton vont continuer dans le rouge. Des pays comme le Burkina Faso n’ont pas d’autre alternative que de réduire les coûts de production d’une part, et d’autre part, de chercher des voies de transformation locale de leur coton.

Au lieu d’avoir une filière extravertie, nous devons faire de la filière coton, une filière qui se réalise de A à Z à l’intérieur pays. Et pour ce faire, nous devons maîtriser les moyens et les méthodes modernes de production, et travailler en aval à ce que le coton soit filé au Burkina. C’est le seul moyen pour notre filière de survivre.

Sinon, si nous restons dans le schéma classique hérité de la colonisation, nous allons tout de suite perdre cette filière. Cette année, les 3 sociétés cotonnières du Burkina totalisent environ 40 milliards de déficit. Parce que les cours mondiaux sont très bas. L’échec du cycle de Doha est clair et c’est une alerte suffisante : les pays du Nord ne vont pas reculer ; ils ne vont pas réduire les subventions à leurs producteurs et vont continuer à acheter notre coton à un bas prix.

Aujourd’hui, maîtriser cette technique de production transgénique du coton est pour moi un pas vraiment qualitatif et je dois féliciter non seulement la SOFITEX, mais aussi les chercheurs burkinabè. Certes, nous avons eu l’apport des compagnies occidentales, mais ce sont nos chercheurs qui ont travaillé avec eux pour incorporer le germe sur des variétés locales.

Au Burkina, on a retenu trois variétés locales de coton pour expérimenter cette production transgénique. Et si ça marche pour le coton, et bien... on verra peut-être si on peut essayer cela ailleurs.

Est-ce qu’il ne se posera pas un problème par rapport à l’acquisition des semences ?

Non. Puisque la semence sera produite ici même au Burkina. Et là aussi, nous sommes en train de prendre des dispositions pour avoir la maîtrise de la production de semences. Ce seront donc des OGM « made in Burkina ». Nous aurons ce que l’on appelle les « clés ». Et ce seront des clefs burkinabè. En ce moment, si un autre pays veut utiliser notre semence, il nous payera une certaine somme en guise de brevet. Tout comme nous avons payé de l’argent aux firmes américaines pour avoir la technique. Nous allons signer des contrats et ainsi de suite, nous arriverons à gérer la question des semences. D’ailleurs elle ne se pose pas en tant que telle parce que déjà nos techniciens la maîtrisent plus ou moins.

Vous vous montrez désormais favorable à l’introduction des OMG dans la production cotonnière. Est-ce qu’on peut dire que la cotonculture au Burkina est en train de se mettre au diapason du transgénique ?

Absolument ! Et c’est l’objet de notre visite de ce matin. Nous avons commencé en milieu confiné et là, nous sommes en milieu ouvert. Les chercheurs ont observé qu’il n’y a pas de contagion avec les autres plants, puisque cela était objet d’inquiétude pour certains spéculateurs. Au-delà de 15 mètres, il n’y a pas de contagion. C’est-à-dire que la forêt qui est à côté est préservée et il n’y a pas de danger.

Nous attendons donc de quantifier le rendement à l’hectare pour nous rassurer que l’expérience correspond définitivement à nos attentes et tirer les grandes leçons. A partir de maintenant, nous n’allons plus aller dans la production misérabiliste. Nous allons aller en grand, en offensive pour être plus compétitif sur le marché mondial. Il y a quelques années, le coton classique occupait environs 80% du marché mondial du coton.

Aujourd’hui, c’est le contraire : c’est 80% du coton OGM qui occupe le marché mondial. Nous n’avons même pas le choix. Le commerce mondial étant ce qu’il est, si nous voulons rester des producteurs de coton, nous n’avons plus d’autre alternative que de prendre à bras-le-corps le coton transgénique et faire en sorte que le Burkina qui est l’un des premiers pays en Afrique de l’Ouest dans cette expérimentation, puisse augmenter ses productions sur la base de cette nouvelle méthode de production.

Et à partir de quand les producteurs pourront se lancer dans la production à grande échelle du coton OMG ?

Dès la saison prochaine ! Nous sommes dedans ! Nous avons même nos réserves de semences. L’année prochaine on commence-là ! Nous allons sensibiliser les producteurs par rapport à cette nouvelle technique.

Est-ce que la marge bénéficiaire des producteurs sur le prix d’achat du kilogramme va connaître une amélioration ?

Je vous dis... Vous n’avez pas compris le scénario ? A l’extérieur, sur le marché mondial du coton, on nous achète notre coton à bas prix. Nous ne rentrons plus dans nos investissements ! Et pour avoir des gains, nous diminuons nos coûts de production à travers la stratégie du coton OGM. Dans le cas du coton conventionnel, vous achetez des pesticides pour éliminer 6 types de ravageurs. Avec le coton OGM, vous n’avez plus que 2 ravageurs à éliminer. Et vous économisez par hectare 36 000 F CFA. Du coup, le paysan dépensera moins et se retrouvera excédentaire par rapport à sa production. Un adage de chez nous nous enseigne que « si tu ne peux pas terrasser le voleur, il faut l’accompagner ».

A l’extérieur notre coton ne se vend pas bien. Pour cela, nous avons parlé ; le président Compaoré est allé défendre notre coton à l’OMC. On nous a engagé dans un cycle de négociations en disant « on va voir ». Ça fait trois ans on n’a rien vu. Et le 26 juillet dernier, ils ont dit : on arrête ces négociations-là. Chacun repart d’où il vient. Et effectivement, les négociations du cycle de Doha ont été suspendues. Ce qui veut dire concrètement que les pays du Nord peuvent continuer à subventionner leurs producteurs. Or ce sont ces subventions qui font baisser le prix mondial du coton. Et nous, qu’est-ce qu’il faut à nos acteurs en ce moment-là ?

C’est en réponse à cette question que nous avons pris la décision d’utiliser les mêmes techniques qu’eux, c’est-à-dire produire sur la base des OGM afin de prendre notre part de marché. Et si demain leur production (celle des pays occidentaux, ndlr) baisse, nous allons maintenir les OGM et leur fixer des prix très élevés. Et comme ça, c’est une bagarre commerciale qui va se déclencher et on sera obligé de faire avec.

Propos recueillis par Paul-Miki ROAMBA

Le Pays

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