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Affaire Issaka Korgo : Le procureur requiert 24 mois avec sursis

Publié le vendredi 29 septembre 2006 à 07h18min

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Issaka Korgo a comparu libre devant le tribunal correctionnel de Ouagadougou en son audience du 28 septembre 2006. Le directeur général de l’entreprise SOKOCOM est prévenu de faux et usage de faux en écriture publique.

Il lui est reproché d’avoir fabriqué un faux procès-verbal de réception de marché public. A l’issue des débats, le procureur a requis une peine de 24 mois avec sursis. La défense a tout simplement demandé la relaxe de son client pour infraction non constituée.

D’entrée de jeu, le prévenu a reconnu les faits. Mais l’instruction à la barre n’a pas été une partie de plaisir. La défense de Issaka Korgo, conduite par Me Prosper Farama et Me Dieudonné Bonkoungou, a rejeté l’accusation pour infraction non constituée. L’Etat qui a porté plainte dans cette affaire était représenté par la DACR (le contentieux de l’Etat) et la DAAF du ministère des Finances et du Budget. Ses intérêts étaient défendus par le cabinet de Me Antoinette Ouédraogo. L’Etat s’est constitué partie civile et demande, au titre des dommages et intérêts, le franc symbolique.

L’affaire semblait jouée d’avance lorsque Issaka Korgo, PDG de SOKOCOM, a reconnu avoir fabriqué un faux PV. Les choses se sont compliquées quand le juge a voulu comprendre comment le faux avait été produit et à quelle fin.


Pressé par sa banque

Il a expliqué que suite à une livraison de matériel informatique à l’Etat, celui-ci avait été jugé non conforme. Pressé par sa banque avec laquelle il avait un contrat de nantissement, il a produit le faux PV. Le faux a consisté, selon lui, a enlever le nom du quatrième signataire, celui-là qui a refusé de signer le PV de réception. Pour Korgo, il y a eu un début de signature du PV de réception.

Comment est-il entré en possession du PV avec les trois signatures ? demande le juge. Il l’a reçu du ministère des Finances dans le dossier relatif au marché incriminé, d’après lui.

Cette version est contestée par le ministère. Le représentant de la DAAF a dit ne pas être au courant d’un tel document et a ajouté qu’il ne provenait pas de ses services. Pour preuves, les en-têtes ne correspondent pas à celui de son département. Il a expliqué au tribunal que le document ne pouvait être qu’un faux dans la mesure où il ne peut pas entrer en possession du PV tant que celui-ci n’est pas signé de tous les signataires.

Le conseiller juridique de la BSIC (Banque sahelo-saharienne pour l’industrie et le commerce), cité comme témoin, devait éclairer le tribunal sur le nantissement du marché de Korgo. Il a accepté de parler après quelques minutes de tractations. La banque, a-t-il dit, a demandé des informations au ministère et se réserve tous les droits d’agir par la suite. C’est la BSIC qui a saisi le ministère des Finances pour demander l’état d’exécution du marché nanti par Korgo. La banque a préfinancé les marchés, et les paiements devaient se faire dans les comptes ouverts par Issaka Korgo.

Le cabinet de Me Antoinette Ouédraogo a plaidé la constitution de partie civile de l’Etat. Il a jugé les faits suffisamment graves : la falsification de documents de l’Administration. Pour le conseil de l’Etat, quelle que soit l’origine du document, il y a falsification. L’intention coupable du prévenu est caractérisée dans la mesure où ce dernier savait à quelle fin il utiliserait le faux document. Le conseil de l’Etat s’est appesanti sur le préjudice moral et matériel "prévisible" de l’infraction, et a demandé un franc symbolique.


L’Administration invitée à sécuriser ses procédures

Le procureur du Faso, dans ses réquisitions, a déclaré que l’infraction de faux était constituée, que le PV en question déformait la vérité, qu’il y avait un écart entre le PV et la réalité du terrain. Il a donc demandé une peine de 24 mois assortie de sursis pour le prévenu. Avant de conclure, le procureur a fait une observation en demandant à l’Administration de revoir certains de ses procédés, de respecter la réglementation en vigueur, et d’édicter de nouvelles règles, au besoin, pour sécuriser les procédures au niveau de la direction des Marchés publics.

La défense a reconnu que l’acte de masquer la signature était répréhensible. Mais, pour elle, l’argument du procureur selon laquelle le PV devait servir à obtenir un marché ne tient pas. Le prévenu ayant été assez clair sur ce sujet. La question de droit qu’elle a soulevée est de savoir si la falsification, ici, est un faux d’un point de vue légal. Me Farama a déclaré que pour que le PV le soit, il faut qu’il constitue un titre.

Dans le cas présent, il manque une signature pour que le PV de réception ait sa valeur. Ce n’est donc pas un titre, et au vu de la loi, l’infraction n’est pas constituée, a-t-il ajouté. Sur l’intention coupable du prévenu, la défense contredit la partie civile en disant que Korgo n’a pas cherché à nuire à l’Etat. Il a produit un document à sa banque, et celle -ci ne s’est pas plainte.

Revenant sur "l’altération de la vérité", qui pourrait entraîner un préjudice à l’Etat, la défense estime que l’Etat ne peut s’en prévaloir dans la mesure où celle-ci est réparée par l’action publique. L’Etat a déjà signifié, en enquête préliminaire, qu’il n’y avait pas de préjudice moral. Quant au préjudice matériel éventuel, la défense est revenue sur les débats à la barre pour dire que les représentants de l’Etat avaient affirmé qu’il était impossible de payer les marchés incriminés. Me Bonkoungou a abondé dans le même sens que son confrère. La défense a demandé la relaxe parce que tous les éléments constitutifs de l’infraction n’étaient pas constitués.

Le jugement a été mis en délibéré pour le 5 octobre prochain.


Au commencement était le Conseil des ministres

Le 7 septembre dernier, le Conseil des ministres a pris la décision de suspendre Issaka Korgo de l’attribution des marchés publics. Motif évoqué : le directeur de l’entreprise SOKOCOM aurait produit de faux documents et imité des signatures afin d’abuser de tiers dans le cadre de la fourniture de biens et de prestations régies par le décret 2003-269 de la réglementation générale des marchés de l’Etat.

C’est ainsi que Issaka Korgo et sa société ont été radiés de la liste des soumissionnaires aux marchés de l’Etat. L’Etat avait décidé de poursuivre l’intéressé devant les juridictions compétentes. C’est désormais chose faite depuis le 28 septembre 2006.

Par Abdoulaye TAO

Le Pays

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