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Cherté de la vie au Burkina : De la nécessité d’une mesure sociale forte

Publié le vendredi 29 septembre 2006 à 07h19min

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Au Burkina, ceux qui nous promettent le bonheur à coups de discours messianiques seraient bien inspirés de ne pas considérer la cherté de la vie comme une simple vue de l’esprit ou un épouvantail qu’agitent les syndicats et les consommateurs pour se donner bonne conscience.

Et pendant qu’on "dialogue et redialogue socialement" et qu’on rompt les concertations à longueur d’année, la cherté de la vie continue sa course folle d’autant qu’elle est alimentée par cette pauvreté endémique. On n’a pas besoin de verres correcteurs ou de microscope pour s’apercevoir que la majorité des citoyens vivent quotidiennement cette cherté dans leur chair.

De trois choses l’une : ou bien nos responsables, dont la mission est d’alléger un tant soit peu le lourd fardeau de la misère qui pèse sur la majorité des citoyens, ne s’aperçoivent pas de l’extrême dénuement dans lequel végètent les populations dont la clameur est presque quotidienne, ou bien ils le savent mais comptent sur la lassitude et le fatalisme des citoyens pour étouffer leurs légitimes aspirations, ou bien encore, à l’approche des échéances électorales, comme c’est souvent le cas, ils entendent se servir de l’indigence des individus pour élargir leurs bases électorales, tant il est avéré qu’au Burkina, un bol de riz ou un paquet de sucre vous attire les voix d’un bétail électoral.

Dans le premier cas de figure, cela signifierait tout simplement que nos dirigeants vivent dans un autre monde, coupés des réalités du pays et sourds aux angoisses existentielles des populations.

C’est vrai que l’opulence dans laquelle vivent ces responsables peut masquer leur vue sur la détresse des autres composantes de la société. Au Burkina, ce n’est pas une affirmation gratuite de dire qu’il existe une sorte d’hommes prédestinés, nourris, logés et blanchis aux frais de la princesse, et qui semblent ignorer le prix d’un litre d’essence, d’un kilowatt ou d’un mètre cube d’eau. Tout leur est offert gracieusement sur un plateau d’argent, fruit de la sueur du contribuable tenu à l’écart de l’alléchant et appétissant gâteau national.

S’accrocher au second cas de figure, c’est faire preuve de myopie politique, car il n’existe pas, de par le monde, de peuple fataliste. Trop vouloir compter sur une telle utopie, c’est manquer d’esprit d’anticipation, toute chose dont devrait pourtant s’armer tout responsable s’il ne veut pas conduire des citoyens à des comportements irrationnels avec toutes les conséquences sociales, politiques et économiques qui pourraient en découler. Quant au troisième cas de figure, le retenir, c’est faire de l’ignorance et de la misère des peuples un fonds de commerce électoral.

C’est oublier qu’on peut tromper des hommes pendant une période donnée, mais qu’on ne peut éternellement les tromper. La patience des peuples a des limites, et il est suicidaire de ne pas comprendre qu’en laissant couver pendant longtemps leur impatience, celle-ci finit par accoucher d’un monstre ravageur qu’aucune arme ne peut maîtriser une fois qu’il est sorti de son repaire. C’est faire preuve d’archéologie politique que de miser sur le découragement des citoyens pour asseoir un projet de société.

Un projet de société qui fait la part belle à une minorité qui présente avec ostentation des signes de richesses que ni ses compétences ni son parcours intellectuel n’aurait, en général, pu lui procurer. Dans certains pays, l’on a compris que cette ghettoïsation de la société, avec d’un côté le camp des prédateurs et des responsables "alimentaires" usant et abusant des biens de l’Etat, et de l’autre celui des laissés-pour-compte, ceux qui n’ont d’autre destination que l’abîme de l’incontournable paupérisation, ne pouvait durer.

Une telle stratification est, à long terme, suicidaire pour tout le monde car annonciatrice d’un déluge où il n’y aura ni Arche ni Noé pour sauver quelques espèces. C’est ainsi qu’au Mali, des mesures sociales d’une grande portée ont été prises et consacrent la gratuité de la prise en charge des femmes en grossesse et dont le cas nécessite une césarienne.

Auparavant, le Mali avait pris la décision de soulager le contribuable malien en revisant à la baisse les tarifs d’électricité, d’eau et de téléphone. Au Burundi, c’est l’enseignement primaire qui vient d’être rendu gratuit. Au Bénin, ce sont les élèves du primaire qui ont droit à la gratuité des soins. Ce qui est remarquable, c’est que ces trois pays, en termes de richesses, ne sont pas de loin plus nantis que le Burkina. Au Burkina, rien, pour le moment, ne semble présager des mesures sociales pour compenser le casse-tête de la cherté de la vie.

Les autorités s’abritent toujours derrière les impératifs d’équilibres financiers pour ne pas franchir le pas, combien salutaire sur le plan de la paix sociale, et tendant à alléger le fardeau de la vie chère. Pourtant, à l’occasion de la rentrée gouvernementale, le président du Faso avait promis de s’attaquer au phénomène de la vie chère. Pour l’instant, les Burkinabè, à force de scruter l’horizon pour apercevoir les signes annonciateurs de la promesse présidentielle, risquent de larmoyer encore pendant longtemps.

La preuve, malgré la subvention accordée par l’Etat aux établissements privés, la note reste toujours salée au regard des exhorbitants frais de scolarité. L’Etat apparaît aujourd’hui, aux yeux de nombreux Burkinabè, comme une vaste entreprise privée où seul compte le souci des équilibres financiers. Le social apparaît alors comme un volet facultatif. Au risque de se répéter, il importe de rappeler que c’est lorsque le social marche que l’économie marche. Un peuple socialement indigent perd sa force de travail et ne peut, dans ce contexte, faire tourner la machine de l’économie.

Mais peut-on convaincre le Burkinabè de l’impossibilité de donner un coup de pouce à son désir de bien-être social en sacrifiant quelques domaines dont la pertinence n’est pas évidente ? On pourrait, par exemple, renoncer à cet exhibitionnisme et à cette utilisation à mauvais escient des moyens de l’Etat et qui ont pour nom gaspillage en matière de consommation d’eau et d’électricité gratuitement servies à certains qui déjà, de par leur situation salariale, sont déjà des privilégiés. Il en est de même des véhicules de l’Etat qui sont devenus familiers des Burkinabè tant il est avéré qu’ils servent parfois à orner les marchés, les abords des débits de boissons, des boîtes de nuit, en dehors des heures de service.

Sans oublier ces longues caravanes qu’on rencontre dans nos villes et campagnes lors des déplacements de nos responsables, alors qu’un seul car pourrait servir à transporter tout ce beau monde plus soucieux de faire du tourisme que de rouler réellement au nom des intérêts. Dans un pays qui ne produit pas de pétrole, c’est l’éternel prétexte que brandissent nos dirigeants pour justifier le renchérissement des hydrocarbures. L’Etat devrait faire preuve de retenue en matière de dérives dépensières. Du reste, les collectivités locales ont pris l’exemple sur l’Etat. Leur seul réflexe, c’est d’écraser les citoyens d’impôts.

Comme trop d’impôts tuent l’impôt, l’on se demande si sous le poids de cet impôt, les Burkinabè ne finiront pas par avoir les poches trouées, surtout qu’en retour, on ne voit pas souvent les retombées bénéfiques de cet argent. Tout au plus, on attend que des catastrophes surviennent pour faire jouer la générosité des pouvoirs publics avec les arrière-pensées politiques qui en découlent. Doit-on être fier d’une population comptant toujours sur le malheur pour être sporadiquement assistée ?

Toute chose qu’on aurait pu éviter en anticipant. Les Burkinabè ne demandent pas l’égalitarisme, mais l’équité. Peut-on l’appliquer avec un Etat apparemment obsédé par l’argent et qui renvoie ses sujets à la débrouille, le tout marqué du sceau de l’impunité ? Malheureusement au Burkina, la simple allusion à la nécessité d’un partage des richesses du pays vous classe dans les rangs des envieux.

"Le fou"

Le Pays

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