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Maurice Arsène Ouédraogo : « Le retraité ne doit pas être perçu comme un poids pour la société »

Publié le vendredi 15 septembre 2006 à 06h16min

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M.A. Ouédraogo, président de l’Association nationale des retraités

La majorité des salariés burkinabè pense à la retraite avec une certaine appréhension. Si on dit généralement que la retraite se prépare dès le premier salaire, il faut reconnaître que c’est souvent à la veille de son départ à la retraite que le travailleur prend conscience de sa nouvelle situation faite d’incertitudes.

Et c’est là qu’on perçoit toute l’importance d’une association ou d’une structure pour accompagner les retraités dans leur nouvelle vie. Le président de l’Association nationale des retraités du Burkina Faso (ANRBF), Maurice Arsène Ouédraogo échange sur la vie de l’association et la problématique de la retraite au Burkina Faso. Administrateur civil à la retraite, M. Ouédraogo est également président du Conseil national des personnes âgées.

Sidwaya (S) : Faites nous l’historique de l’Association nationale des retraités du Burkina Faso qui reste quand même l’une des plus anciennes associations au Burkina Faso.

Maurice Arsène Ouédraogo (M.A.O) : Notre association a effectivement été créée le 3 septembre 1968 et reconnue officiellement le 8 septembre de la même année. L’idée de la création de l’association remonte cependant à octobre 1954. Il existait à l’époque l’association des anciens combattants et dans tous les grands centres du pays, il y avait une maison des anciens combattants.

Nos aînés en tant que salariés civils ont voulu créer une association de ce genre pour regrouper aussi bien les travailleurs du secteur public que du secteur privé. L’idée qui a ainsi germé a fait son petit bout de chemin jusqu’en 1968 où Antoine Nanga et Pierre Tapsoba ont mis en place un noyau qui a travaillé et qui a élaboré les statuts et le règlement intérieur de l’association. Il faut dire que la personne qui a eu premièrement l’idée de cette association a été Dominique Tapsoba, le premier chancelier des ordres nationaux de Haute Volta. C’est lui qui a eu donc l’initiative de la création de l’association des retraités. Voilà un peu l’historique sur la création de cette association. Dans un premier temps, l’association a pris la dénomination de « Association des retraités de Haute Volta ».

Ensuite elle s’est appelée Association nationale des retraités des secteurs publics et privés. Après la reconnaissance de l’association, il y a eu malheureusement un certain désordre dans la création d’associations sectorielles et au niveau local. A un moment donné, le gouvernement a donc estimé que cette pluralité d’associations lui créait beaucoup de problèmes parce que c’était dans le désordre que chacun venait poser ses problèmes. En 2000, une grande rencontre a réuni les ministères du Travail et de la Fonction publique, la Caisse nationale de sécurité sociale(CNSS), la Caisse autonome de retraite des fonctionnaires(CARFO) et toutes les associations de retraités sur le terrain.

Après un état des lieux de ces associations, il s’est avéré que seule l’association nationale des retraités des secteurs publics et privés avait une envergure nationale. Elle était aussi la seule à avoir posé des actes dignes d’intérêt. Le gouvernement a encouragé alors toutes les associations à fusionner pour faire une association unique. Au lieu de parler d’Association nationale des retraités des secteurs publics et privés, il a été simplement retenu l’appellation de Association nationale des retraités du Burkina Faso, en abrégé ANRBF. Un principe a été alors retenu pour que si le président de l’ANRBF émarge à la CARFO, le vice président doit émarger à la CNSS. En clair, cela signifie que si le président de l’association était du secteur public, le vice président devait être du secteur privé.

Ce principe est également respecté dans la mise en place de tous les bureaux dans les secteurs et les provinces. C’est ainsi que moi le président actuel de l’ANRBF, j’émarge à la CARFO tandis que le premier vice président qui est Félix Yaméogo émarge à la CNSS. Nous avons également organisé les retraités de la diaspora. Aujourd’hui, nous sommes satisfaits d’avoir fait ce travail dans ce sens que beaucoup de nos frères ne sont plus obligés d’aller par exemple en Cote d’Ivoire pour toucher leur pension. Ces pensions sont transférées au Burkina et la Caisse nationale de sécurité sociale se charge de payer les pensionnaires.

S : Est-ce que les objectifs de l’association ont évolué depuis lors ?

M.A.O : Les objectifs ont évolué. Il faut dire qu’avec cette restructuration intervenue en 2000, il y a eu un sang nouveau. Je rappelle que c’est le vieux Antoine Nanga qui a été le premier président de l’association de 1968 à 1994. Il a été succédé par le vieux Sibiri Gabriel Salambéré. Et c’est sous le vieux Salambéré que j’ai été nommé président de la section du Kadiogo de l’ANRBF. Avec d’autres camarades, nous avons dynamisé la section en mettant des structures en place dans tous les secteurs de Ouagadougou. C’est après que le président Salambéré a demandé que je sois son adjoint. Après le décès de Salambéré Sibiri en 1998, il y a eu un passage à vide et ce n’est qu’en 2000 que j’ai été formellement élu comme président de l’ANRBF.

Avec une nouvelle équipe, nous avons insufflé un dynamisme à l’association. Nous nous sommes dit que l’ANRBF ne doit pas être une association de plus mais qu’elle doit être une association de développement, une association d’utilité publique. Nous sommes allés plus loin en songeant à un conseil national des personnes âgées pour prendre en compte le problème de toutes les personnes âgées. Nous nous sommes également investis dans la résolution des problèmes sociaux.

C’est ainsi que sous Salambéré Sibiri et avec le GERDES, nous avons aidé à dénouer une grave crise entre le gouvernement et les syndicats. Nous avons été également impliqués au niveau du collège des sages. Autant nous défendons les intérêts moraux et sociaux de nos membres, autant nous mettons notre sagesse et notre expérience pour aider à la résolution des crises sociales. Le gouvernement a d’ailleurs reconnu notre contribution à la paix sociale. Pour preuve, nous faisons aujourd’hui partie des corps constitués, du Conseil économique et social.

S : Qui peut être membre de l’association ?

M.A.O : Notre association regroupe tous les retraités du Burkina Faso et de la diaspora. Pour être membre, il faut l’arrêté de départ à la retraite, une photo d’identité, 100 f pour la carte de membre, 1000 F pour l’adhésion et 2000 F pour la cotisation annuelle. Nous sommes organisés de telle manière que dans tous les secteurs, vous avez une sous-section qui fonctionne.
L’association couvre tout le territoire national et compte environ 80 000 membres, retraités de la diaspora compris. Nous estimons que ce chiffre doit représenter environ 2/3 de l’ensemble des retraités car malgré nos actions de sensibilisation, il y a encore des retraités qui ne sont pas encore membres de l’association.

S : Est-ce que les militaires à la retraite peuvent faire partie de l’association ?

M.A.O : Bien sûr ! Au niveau de la CARFO, on parle d’ailleurs de régime de retraite des fonctionnaires, des militaires et des magistrats. Actuellement il y a des gendarmes et des militaires qui sont présidents de sections dans les secteurs et dans les provinces.

S : Quelles sont les activités que vous menez ?

M.A.O : Nous animons des séminaires, des conférences pour sensibiliser les gens sur les droits et les devoirs des retraités. Nous sommes aujourd’hui une association de développement et nous travaillons aussi pour ceux qu’on appelle préretraités, c’est-à-dire ceux qui sont toujours en fonction. A une certaine époque quand on parlait de retraite, c’était une véritable hantise. Le salarié se disait “ mon dieu, qu’est ce que je vais devenir ? Je n’ai pas pu préparer ma retraite. ” Aujourd’hui, nous sommes entrain de préparer les jeunes pour qu’ils comprennent que la retraite est une nouvelle étape de la vie.

Lorsque vous avez une longue vie, vous devez être fier et content d’atteindre cette étape. Les préretraités doivent savoir que l’association peut les aider à aborder cette nouvelle étape de la vie avec plus de réussite. Il ne faudrait plus dire que le retraité est celui qui se retrouve dans une chaise longue à longueur de journée. Il ne faudrait plus que le retraité soit perçu comme un poids pour la société.

Tant que nous sommes valides et que nous pouvons apporter quelque chose à la société, il faudrait le faire. Les banques refusent de donner des prêts aux retraités et nous avons demandé qu’avec le soutien de la CARFO et de la CNSS, il soit mis en place un fonds d’appui pour permettre aux retraités de mener des activités rémunératrices de revenus. Des journalistes à la retraite pourraient ainsi se regrouper pour bénéficier d’un financement de ce fonds pour créer un journal.

Des enseignants à la retraite pourraient également se regrouper en pool économique pour ouvrir un établissement scolaire grâce au prêt du fonds.
Actuellement, nous sommes sur un projet de film de sensibilisation des préretraités d’un coût d’environ 15 000 000 de francs CFA. Nous recherchons des financements auprès de certaines institutions pour sa réalisation mais ce n’est pas facile. Nous avons aussi des activités destinées à faire vivre l’association.

Au niveau de notre siège appelé la maison du retraité Antoine Nanga, nous avons une dizaine de boutiques, une salle de conférence de 130 places, une salle de réunion de 50 places, deux salles pour les travaux en atelier et une cafeteria que nous louons. Nous avons aussi des chambres en location pour les retraités de passage à Ouagadougou et pour tous ceux qui le veulent. Nous avons également un dépôt pharmaceutique au sein du siège.

Nous restons également disponibles pour apporter notre expérience à chaque fois qu’on nous sollicite dans le cadre des concertations pour le développement économique et social de notre pays.

J’ai été dernièrement à Abidjan où j’ai donné une conférence sur la vie de notre association au cours d’une rencontre internationale. Et je vous avoue que la plus part des associations ont demandé à venir s’imprégner de l’expérience du Burkina. Dans toute la région il n’y a pas une association qui soit bien organisée avec un siège comme au Burkina Faso. Nous sommes ainsi conviés à plusieurs rencontres pour partager notre expérience.

S : En dehors des cotisations des membres, quelles sont vos sources de revenus ?

M.A.O : Les cotisations rentrent difficilement et une association responsable doit penser au long terme. Et c’est pourquoi au niveau de l’ANRBF, notre premier souci a été la réalisation de notre siège. Mais pour nous, il ne s’agissait pas de construire un siège tout simplement. Il nous fallait un siège qui puisse nous permettre de mener des activités et nous prendre en charge. C’est pourquoi nous avons négocié avec le gouvernement pour la réalisation de notre siège actuel. Ce qui a été fait avec la contribution de la CNSS et de la CARFO.

C’est ainsi que nous avons obtenu ce siège que nous gérons et qui nous aide à subvenir à la moitié de nos besoins. La gestion de ce siège est très suivie par un conseil d’administration qui se réunit chaque année. Dans les provinces, les sections songent également à la construction de sièges devant leurs permettre de mener des activités socio-économiques.

S : Avez-vous des partenaires pour vous accompagner dans vos activités ?

M.AO : Nos partenaires sont d’abord le gouvernement et les deux caisses à savoir, la CNSS et la CARFO. Nous avons aussi des relations de collaboration avec les autres associations de retraités de la sous- région et d’ailleurs, comme la France et le Canada. Lorsqu’il y a des séminaires où des rencontres sur le plan international, ces associations nous invitent et prennent souvent nos billets en charge.

S : Quelles sont les difficultés que vous rencontrez ?

M.A.O : Les difficultés que nous rencontrons se trouvent dans l’application des textes et des mesures que le gouvernement prend en notre faveur. Nous sommes ainsi en négociations depuis plusieurs années avec l’office de santé des travailleurs (OST) pour l’application de la mesure prise par le gouvernement accordant une réduction de 90% aux retraités dans les structures sanitaires de l’Etat. Et je dois vous avouer que ces négociations n’ont pas encore abouti. Ça c’est une difficulté. Nous avons écrit aussi au chef de l’Etat pour demander un véhicule pour nos activités. Il a donné son accord et a instruit le Premier ministère pour nous donner un véhicule. Nous attendons depuis 1998 et jusqu’aujourd’hui, rien.

Alors que nous devons tourner dans les provinces pour sensibiliser les retraités encore valides à ne pas rester oisifs et à s’investir dans le développement pour apporter un plus à la nation. Il y a aussi la mise en place du fonds d’appui que nous avons demandé et qui ne s’est pas encore concrétisé. Avec ce fonds, les retraités peuvent continuer à apporter leur contribution au développement du pays en créant soit une clinique, soit un établissement scolaire ou toute autre entreprise où ils ont de la compétence. Pour le film de sensibilisation que nous voulons réaliser, nous recherchons vainement depuis trois ans déjà des financements. Je pense que nous ne sommes pas compris jusque-là. Parce que ce que nous faisons actuellement va profiter plus tard à ceux qui sont en activité aujourd’hui et qui nous ferment souvent les portes.

S : Les pensions au Burkina Faso permettent-elles aux retraités de mener une vie décente ?

M.A.O : La pension du retraité ne le nourrit pas. Chacun de nous se débrouille. C’est pour cela que nous avons demandé un fonds d’appui pour pouvoir mener des activités rémunératrices. Si vous prenez un retraité qui a 200 000 FCFA même par trimestre, il ne peut pas s’en sortir avec le litre d’essence qui fait aujourd’hui 726FCFA et avec souvent des enfants qui vont encore à l’école. Nous sommes en Afrique et les petits enfants sont souvent laissés avec les grands parents et cela fait quand même des charges pour le retraité.

Propos recueillis par Hamado Nana et
Abdoulaye SERE (Stagiaire)

Sidwaya

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