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Rencontre orpailleurs de Poura/Gouvernement : Nous pas bouger ! - Vous va bouger pian !

Publié le lundi 28 août 2006 à 07h52min

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Le message de la délégation gouvernementale est certes entré dans les oreilles, mais pas dans les têtes. Les orpailleurs, avec eux la quasi-totalité de la population, demandent la levée de la mesure de fermeture du site.

L’orpaillage, même dangereux, nourrit plus qu’il tue, ont-ils signifié aux autorités venues ce vendredi 25 août 2006 pour le constat de la situation quelque huit jours après le drame de Poura (trois morts, des blessés et au moins une dizaine de disparus).

Telle une arête, le principal message du gouvernement est resté en travers de la gorge de la population de Poura. Le ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, Clément P. Sawadogo, et celui de la Sécurité, Djibril Bassolet, à la tête de la délégation escortée par une escouade de CRS, en ont fait le constat. La décision d’interdire l’accès de la mine d’or aux orpailleurs n’est pas du goût des habitants au village. Et ils l’ont fait savoir.

La vie au fond du trou

Tour à tour, représentants des jeunes, des femmes et de la communauté musulmane, soutenus par certaines notabilités politiques, n’ont pas fait dans la langue de bois pour faire comprendre leurs vives inquiétudes : "La fermeture de la mine provoquera inéluctablement la décadence de Poura. Tout le monde ici vit de l’orpaillage du fait de la rareté des terres cultivables", a fait comprendre le premier adjoint au maire, Youssouf Konaté, sous les applaudissements nourris du public. Le maire titulaire a dû sursauter de surprise, lui qui a auparavant appelé le gouvernement à la prise de décisions fermes. Ce cri du cœur n’est pas très original pour qui connaît l’attachement de la localité aux activités de l’orpaillage. Mais venant de la bouche d’un élu local, qui plus est, premier adjoint au maire, cela traduit toute la mesure de l’impact de la décision sur le devenir de Poura.

Et la coordonnatrice des femmes, Mme Goumbri, de renchérir sur un ton pathétique : "Depuis l’arrêt de l’exploitation industrielle par la SOREMIB en 1999 (NDLR : Société de recherches minières du Burkina), nos maris, dont les activités étaient à la mine ont quitté le village, nous abandonnant avec nos progénitures. C’est l’orpaillage (NDLR : notamment le transport et le concassage des morceaux de roches) qui nous procure aujourd’hui, les subsides nécessaires pour la scolarisation, l’alimentation et la santé de nos enfants". L’exploitation, aussi sauvage que dangereuse, est devenue une nécessité si vitale que ses acteurs menacent de descendre, gourdins en main, sur les usagers de la route, si on ne les laisse pas besogner en paix dans les trous : "Si on nous interdit le site, prévient Sebgo Sy, résidant de Poura, nous serons obligés de nous reconvertir en coupeurs de route. C’est une question de vie ou de mort".

Reste à faire respecter la décision

Face aux supplications repétées de la population, la mission gouvernementale est restée sur le registre de la fermeté : "Nous ne pouvons pas ignorer votre cri du cœur. Mais vu que l’exploitation était au départ, industrielle, seule une société industrielle doit reprendre la mine", a rétorqué Djibril Bassolet. Interrogé sur la responsabilité de l’Etat dans le drame du 17 août 2006, le patron de la sécurité reconnaît : "Dans l’absolu, on peut dire que l’Etat a sa part de responsabilité", avant de justifier prestement : "Il est difficile de mettre un dispositif permanent 24 heures sur 24 faute de moyens humains, financiers et matériel. De 1999 à 2004, a-t-il poursuivi, la présence de militaires sur le site coûtait entre 9 et 13 millions de francs CFA par mois".

Seule solution retenue : l’accélération du processus de liquidation de la SOREMIB, au terme de laquelle la mine sera confiée à une société industrielle. Mais de ce côté, les choses ne semblent pas bien évoluer. Alors que les premiers lingots d’or d’après la fermeture de la SOREMIB étaient annoncés pour 2005 avec la société "Oscar industry", cette dernière s’est rétractée à la dernière minute. La raison ? L’on l’ignore.

Les syndics liquidateurs que sont les cabinets d’expertise comptable Michel Soungalo Sanou et d’avocat de Me Benoît Sawadogo n’ayant pas été du voyage à Poura. Le gouvernement pourra-t-il, cette fois-ci, faire respecter les mesures d’interdiction ? Rien ne pousse à l’affirmative. D’ailleurs, le ministre de l’Administration territoriale ne cache pas son impuissance face à la détermination des "victimes potentielles" : "Il va être difficile de faire respecter la mesure".

Alain Saint Robespierre
L’Observateur Paalga

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