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Prêts aux étudiants : "La réaction du FONER est injuste"

Publié le lundi 14 août 2006 à 07h17min

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Depuis la fin du mois de juillet 2006, des anciens bénéficiaires du prêt FONER (Fonds national pour l’éducation et la recherche) ont constaté des coupures sur leurs salaires. Dès lors, ils se sont concertés et ont créé l’Association des fonctionnaires d’Etat, anciens bénéficiaires du prêt FONER.

Après leur démarche de négociation auprès des autorités du FONER, nous nous sommes entretenus avec le porte-parole de l’association. Lui, c’est Amadou Sanogo, professeur d’anglais au lycée Nelson Mandela.

"Le Pays" : Combien êtes-vous à avoir subi ces coupures ?

Amadou Sanogo :Je n’ai pas un chiffre exact en tête, mais je sais que les fonctionnaires anciens bénéficiaires de ce prêt qui ont 5 ans de travail dans la Fonction publique, selon les informations que je détiens, sont concernés. Mais le fait d’être éparpillés partout sur le territoire national limite notre capacité de maîtriser cet aspect.

Quand vous contractiez le prêt, saviez-vous que vous deviez le rembourser ?

Avant de répondre à cette question, permettez-moi d’abord de revenir sur les conditions dans lesquelles nous, anciens bénéficiaires, avons contracté ce prêt. A l’époque, dans les années 1990, l’étudiant n’avait pas d’autres alternatives s’il n’était pas boursier de l’Etat.

En effet, il n’y avait ni aide ni d’autres moyens. Nos conditions d’études étaient très difficiles. Et donc, vouloir les poursuivre sans sous et sans moyens financiers était quasiment impossible. C’est alors que les autorités nous ont "balancé" le FONER. Nous y avons adhéré sans avoir la possibilité de choisir ailleurs. C’était, en quelque sorte, une obligation pour nous.

Pour ce qui est de la question proprement dite, je peux affirmer que nous savions que nous devions rembourser cet argent, parce que nous avons signé des engagements à rembourser le prêt. Même si nous souhaitions, en quelque sorte, qu’une réforme naisse après la contraction du prêt et initie son annulation, nous avions la certitude que cet argent n’était pas cadeau. En réalité, il n’y avait vraiment pas de clauses par rapport au taux et à la période de remboursement.

Quand avez-vous constaté des prélèvements au niveau de votre salaire ?

Je vous assure que cela n’a pas été facile, quand le 27 juillet 2006, j’ai constaté que mon salaire avait diminué de 20 000 F CFA depuis la solde. Pour mes camarades, la somme prélevée remontait à 15 000 F pour les uns et 5 000 F pour les autres. Parmi les victimes de cette coupure, il s’en trouvait qui n’avaient plus rien dans leur compte du fait de leur engagement dans les différentes institutions bancaires.

Que reprochez-vous exactement au FONER ?

C’est la surprise. Sans chercher à savoir ce que le fonctionnaire a comme engagement et sans, au préalable, l’avoir contacté ou consulté, sans aucune autre forme de procès, on nous coupe une somme de 20 000 F CFA. C’est quand même très considérable comme prélèvement. Cela est un premier reproche que nous faisons aux autorités du FONER.

Il fallait que l’institution entre en contact avec les anciens bénéficiaires du prêt et voie avec eux comment entreprendre les procédures de recouvrement. Il fallait également s’assurer que l’intéressé n’avait pas des engagements dans une institution bancaire, s’il n’avait pas dépassé la quotité cessible. Parmi nous, il y en a qui ont fait des prêts scolaires ; il y en a qui ont des engagements dans des assurances, à la SBE, à la Financière du Burkina (FIB), etc. Si le FONER vient s’ajouter à cette longue liste, il va sans dire que les agents concernés ressentiront un coup très dur.

Nous étions informés que des agents avaient reçu des lettres leur demandant de venir à la direction du FONER pour une entente sur les clauses de remboursement. Cela concernait, à ma connaissance, ceux du secteur privé. Lorsque nous avons rencontré le directeur du FONER, il nous a dit qu’il avait entrepris l’envoi des lettres dans un premier temps, mais que par la suite, il s’est rendu compte que cela n’en valait pas la peine. Il fallait immédiatement engager les procédures de recouvrement.

Mettez-vous à notre place. Si certains ont reçu des lettres, les autres étaient dans leur droit d’attendre les leurs. C’était notre cas. C’est exactement cette mauvaise procédure que nous reprochons également au FONER. En récapitulatif, il y a d’abord le fait que nous n’ayons pas été prévenus au préalable, et, ensuite, c’est le taux de prélèvement qui est très élevé pour un fonctionnaire au pouvoir d’achat très bas.

Sur la fiche d’identification des postulants au prêt FONER, il existe des articles que chacun d’eux doit lire, y porter la mention "lu et approuvé", et, enfin, signer.

A notre époque, cette fiche n’existait pas. Nous ne savions pas quelles étaient les clauses de remboursement. Nous ne savions pas non plus qu’il y avait un temps minimum de grâce accordé au bénéficiaire, et que c’était le 1/6 du salaire qu’on couperait jusqu’à l’épuisement du prêt.

En somme, nous n’avions aucune information sur les conditions de paiement. L’institution nous demandait tout simplement de fournir le dossier. Puis, après l’avoir constitué, il nous était également demandé de signer un engagement à rembourser la somme empruntée. C’était tout. Quand nous sommes allés voir le directeur du FONER pour avoir plus de renseignements, il nous a fait comprendre que nul n’était censé ignorer la loi. C’est notamment une loi datant des années 2000, après la refondation. Pour quelqu’un qui a quitté l’université en 1998, il n’est pas évident qu’il maîtrise l’existence de ces nouvelles clauses. Et c’est ce qui nous pousse à dire ouvertement que la réaction du FONER est injuste.

Vous avez entrepris une démarche auprès du FONER. Qu’est-ce qui en est ressorti exactement ?

Le 27 juillet 2006, quand on a constaté des coupures sur nos salaires, la frustration et la désolation étaient générales. Immédiatement, nous avons essayé de nous réunir, en nous envoyant des SMS, afin de voir dans quel cadre on pouvait entrer en négociation avec les responsables de l’institution, parce que cette coupure nous est très pénible à supporter.

Après cela, nous avons mis sur pied la présente association et nous avons effectivement entrepris des démarches auprès des autorités du FONER. Le premier jour, le directeur du FONER a refusé de nous recevoir. Le deuxième jour, il nous a fait voir le chargé du recouvrement. Celui-ci a préféré nous recevoir individuellement. L’objectif de cette rencontre était de trouver les moyens permettant d’alléger cette coupure afin qu’elle ne pèse pas trop sur les agents concernés. A l’époque, on nous a fait savoir que cela se ferait très souplement.

Mais, ce jour-là, il nous a clairement signifié qu’il ne se reprochait rien. Nous sommes redevables au FONER et nous devons par conséquent payer. Selon les dispositions prises, la décision du FONER est techniquement irréprochable et irréversible. Il ne pouvait pas revenir sur la décision, à moins que nous n’intégrions dans nos doléances la dimension humaine de la chose. C’est d’ailleurs ce que nous souhaitons, s’il y a cette possibilité. C’est en ce moment que le chargé du recouvrement nous a autorisé à voir le directeur.

Selon lui, ce dernier est la seule personne habilitée à nous garantir l’intégration de ce volet humain dans nos pourparlers. Le lendemain, mercredi, il nous a suggéré de faire des propositions sur une fiche et indiquer combien chacun était prêt à céder. Chacun devait justifier ses propositions. Mais ce qui nous a davantage découragés, c’est le fait qu’il ait montré que les autorités prendront le temps de réfléchir et voir la faisabilité de ces propositions. Il a également dit ne pas promettre d’avance que cela sera effectif ou pas.

Personnellement, de combien de temps disposez-vous pour épuiser le remboursement de votre prêt ?

Je dispose de 46 mois, soit 3 ans 10 mois. Ce qui fait que cette mesure est pénible, c’est que le pouvoir d’achat du fonctionnaire burkinabè est très réduit. C’est d’ailleurs dans cette logique que la cherté de la vie a poussé les syndicats à demander une augmentation des salaires, mais sans succès. Pour réorienter le problème, nous avons souhaité bénéficier des avancements, mais cette proposition a également été mal accueillie. Et pourtant nous savons qu’un prélèvement de 25% est effectué sur les frais de scolarité de chaque élève. Cette somme est répartie entre le FONER et les inspections. Il va sans dire que l’argent emprunté appartient en partie au contribuable. Nous avions donc commencé à payer en réglant des frais de scolarité.

Propos recueillis par Philippe BAMA et Luc DABOU (Stagiaire)

Le Pays

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