LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Avec de la persévérance et de l’endurance, nous pouvons obtenir tout ce que nous voulons.” Mike Tyson

Revendications syndicales : Populisme et clichés éculés

Publié le samedi 1er juillet 2006 à 09h22min

PARTAGER :                          

Depuis le début de l’année, l’actualité est faite par les revendications salariales des travailleurs. Avec en toile de fond, la cherté de la vie, qui, à son tour donne argument à certains pour affirmer sans rire que le Burkina Faso vit une misère crasse.

D’évidence, le but visé est fort simple. Il faut un soulèvement, œuvre d’une intelligence urbaine qui est comme assommée par le score du président du Faso lors des élections de novembre 2005 et la victoire du CDP aux récentes municipales.

Comment alors concilier l’envie furieuse de voir éclater une crise de régime et la réalité de cette adhésion populaire, sans usiter un langage populiste, renforcé par un usage inconsidéré de clichés tous faits.

Certes, la revendication est une donnée permanente de la vie de l’homme, a fortiori si le cadre de cette dynamique est le régime démocratique. Mais feindre d’occulter le fait que revendiquer signifie négocier, donc aller au compromis, c’est dénier le droit aux dirigeants de jouer leur rôle d’arbitres.

Le discours qu’on entend depuis quelque temps est marqué du sceau d’un surréalisme déconcertant. Chacun de nous accepte que le Burkina est un pays pauvre, sans moyens exponentiels, mais de là à soutenir que sa situation est comparable à celle d’une Guinée-Conakry interpelle sur l’effet dannonce recherché par ces diseurs de bonnes paroles.

Le Burkinabè a effectivement la réputation d’être alarmiste. Il attend tout du pouvoir public et se complait à attendre.

Selon donc ces clichés distillés, un nouveau courant veut que la "machine économique soit grippée ", que " personne n’arrive à joindre les deux bouts", que "les Burkinabè n’ont jamais été autant pauvres", bref que l’apocalypse est imminente. Un discours facile et convenu et d’un simplicisme à nous enfoncer encore dans notre misère.

Revenons sur terre

La question pour les pays pauvres, c’est comment se développer si les intellectuels se contentent, en dehors de toute analyse sérieuse d’emboucher la trompette du vox populi.

Si tel qu’on veut convaincre, notre pauvreté, vite dit sans possibilité de débats contradictoires, était avérée, il est clair que les pauvres ne se recrutent pas parmi les fonctionnaires. Cela au moins ressemble à une vérité de lapalissade.

La lutte engagée contre le mal de la pauvreté se gagne par un regard lucide de nos forces et faiblesses, en lieu et place de ce laisser-aller à croire que le pouvoir peut mais ne veut pas.

Entre ce choix de la responsabilité, qui autrement présenté signifie que gouverner c’est prévoir et la catastrophe qui frappera les finances publiques en cas de dépenses inconsidérables, l’exécutif fait bien de rester prudent. Personne n’ignore qu’une certaine augmentation des salaires va être difficile à soutenir sur le moyen terme, pour que la revendication tue la lucidité et le sang froid en matière de gouvernance.

Ne pas réagir au quart de tour aux manifestations prévues des syndicats n’est ni une forme d’indifférence, ni une volonté de ne pas chercher à améliorer la condition du Burkinabè. C’est parce que plus globalement, cette amélioration concerne et le fonctionnaire et le paysan que la propension à avoir du recul s’impose comme nécessaire.

Choix conscient

Le vote massif des citoyens en faveur de Blaise Compaoré et du CDP aux municipales est tout à fait conscient. C’est exaspérant à la fin d’entendre toujours seriner que les électeurs ne savent pas ce qu’ils font, qu’ils sont soudoyés et tutti quanti.

Le Burkinabè, même s’il ne comprend pas le sens profond de la démocratie, sait par contre qui il veut pour gouvernant. Et lorsqu’il verra en un autre candidat, celui répondant au mieux à ses canons de premier magistrat, il n’hésitera pas. La preuve fut donnée en 1978 par la mise en ballottage du président Lamizana.

Sachant donc qu’il est mal aisé d’opposer la défiance du peuple vis-à-vis du régime à ce plébiscite sans chichi, le cliché du citoyen votant sans rien y comprendre est brandi à tout va.

La responsabilité aujourd’hui des uns et des autres, pouvoir comme syndicats est de travailler à renouer le fil du dialogue.

Le dialogue oui, mais pas n’importe lequel, notamment celui qui veuille que ce soit deux boxeurs face-à-face. Il faut y donner un nouveau contenu, qui n’enferme pas chaque camp dans ses certitudes.

Il y a trop longtemps que l’un dit, c’est possible et l’autre, ce n’est pas possible. Entre les deux, il est possible de marcher pour se rencontrer à un point réaliste. La révolution des salaires, si elle devrait avoir lieu, suppose une reprise en main de nos modes de vie.

La société universelle a changé et vit une époque où le tout économique a pris l’ascendant sur les autres secteurs de la vie. Devant cette réalité, il est bon qu’on adopte d’autres attitudes, comportements et styles sociétaux.

Les syndicats et le gouvernement doivent pour ce faire mettre à plat nos ressources, échelonner la satisfaction des points d’accord, réfléchir sur la répartition du budget, même si elle demeure un pouvoir régalien et enfin arrêter un calendrier de suivi et de mise en œuvre.

Le pays n’est pas le Pérou et il convient que chacun s’aide soi-même avant de regarder du côté des dirigeants. Car à trop attendre de l’Etat, on finit par oublier que le développement passe avant tout par l’action de chaque composante individuelle de la société.

Il est temps de remettre les choses à l’endroit, en ne se voilant pas la face par la signature de roman à l’eau rose, faisant croire qu’il n’existe pas une réelle volonté de briser les chaînes de la pauvreté.

Les plaintes et récriminations récurrentes sclérosent plutôt une nation au lieu d’insuffler la dynamique volontariste, passage obligé pour les moins nantis. Entre le Burkina virtuel, au bord du grouffre présenté au forceps et celui réel qui essaie de se battre contre les adversités multiples, ayons foi au second.

Souleymane KONE

L’Hebdo

PARTAGER :                              
 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique