Burkina / Musique : « Je suis très contente de voir tous ces jeunes talents », l’artiste Idak Bassavé
Idak Bassavé est une artiste chanteuse tradi-moderne qui a toujours baigné dans la musique. Issue du groupe musical « La famille Bassavé », elle a séduit le public par sa voix après avoir lancé sa carrière solo en 1998. C’est une artiste avec une riche expérience et un talent qui, malgré les années, a conservé la fraîcheur de son timbre vocal. Lefaso.net l’a reçu dans son studio le mercredi 5 juin 2024. Interview.
Lefaso.net : A quoi est dû votre silence de ces dernières années ?
Idak Bassavé : Ce silence est dû à beaucoup de choses. Nous sommes devenus nombreux dans le milieu du showbiz et c’est bien aussi que d’autres personnes puissent se faire voir. Nous n’allons pas rester tout le temps. Il y a des jeunes aussi qui sont là et il y a des moments où il faut savoir se retirer avant de revenir. J’étais également préoccupée par une histoire de déménagement qui me prenait du temps.
Mais, par la grâce de Dieu tout s’est bien passé et je suis revenue. J’ai fait sortir deux maxi. Le premier maxi que j’ai fait sortir s’intitule « Kadi » qui est mon prénom. Il y a aussi la chanson « Tond ka sak yandé » remixée et j’aimerais que le public écoute bien cette chanson parce que c’est ma chanson préférée. Le remix de « Tond ka sak yandé » parle de tous les Burkinabè, donc il faut que nous écoutions cette chanson car c’est une fierté pour le Burkina Faso.
Que fait Idak Bassavé quand elle ne chante pas ?
Il faut dire que je fais des affaires en plus de la chanson. Beaucoup de personnes savent que je produis du vinaigre, de l’eau de javel et du savon liquide. Les gens commandent beaucoup le savon liquide et l’eau de javel. A part cela, je m’occupe de ma famille, je cuisine beaucoup et j’essaie de faire un peu de sport.
Comment faites-vous pour chanter dans plusieurs langues locales et étrangères ?
C’est vrai que je chante en plusieurs langues mais les langues que je parle ne sont pas nombreuses. J’essaie de chanter dans d’autres langues pour faire plaisir à d’autres communautés. Par exemple, j’ai chanté en langue peulh mais je ne comprends pas cette langue. J’ai même chanté en langue haoussa mais je ne comprends pas ainsi que bien d’autres langues.
Je chante aussi dans d’autres langues que je comprends comme le créole-portugais parce que j’ai fait quatre ans en Guinée Bissau. Le mooré que je comprends est la langue de ma maman et le sissala est ma langue paternelle. Je veux pourvoir toucher plusieurs personnes et c’est pourquoi je diversifie les langues. Souvent, c’est moi qui écris mes textes et je demande à quelqu’un qui comprend de le traduire dans la langue voulue avant que je ne chante.
En tant que femme artiste qu’est-ce qui est le plus difficile dans la gestion de sa carrière ?
Il faut dire que ce n’est pas facile surtout au début. Moi par exemple, avant que je ne fasse mon premier album, ce n’était pas facile car j’ai rencontré toutes sortes de personnes. Il y a des gens qui te proposent des choses que je ne pourrai pas expliquer ici mais beaucoup de personnes savent de quoi je veux parler. Quand tu es à tes débuts, c’est difficile. D’abord pour le producteur. Certains producteurs vont vouloir te proposer des choses que tu ne veux pas mais comme tu es dans le besoin tu peux être tentée d’accepter. Beaucoup de filles qui souhaitent chanter rencontrent ce type de producteur.
Moi-même au début, j’y ait été confrontée mais comme c’est long à expliquer. Donc, quelqu’un m’a aidé pour mon premier album, mais pour le reste, j’ai réussi à me produire jusqu’au huitième. Mais comme en toute chose, c’est le début qui est toujours difficile. La musique aujourd’hui demande beaucoup de moyens car il faut faire de la promotion. Nous sommes parfois obligées d’avoir un producteur et si tu n’as pas eu la chance de tomber sur un qui est professionnel, il va te proposer autre chose et ça devient difficile pour les femmes.
Comment préparez¬-vous la relève surtout que vous avez grandi dans une famille de musiciens ?
Il faut dire que je ne suis pas la seule dans la famille Bassavé qui fait la musique mais je suis la seule actuellement qui chante. Sinon, j’ai mes deux frères instrumentistes. Il s’agit de mon petit frère direct Amadou Bassavé qui joue le clavier et il y a Idrissa Bassavé aussi qui joue de la batterie. Mais comme ils ne chantent pas, on n’entend pas parler d’eux. J’avais aussi ma petite sœur qui chantait très bien et que beaucoup ont connu mais qui malheureusement nous a quitté brusquement (Safoura Delta, Ndlr). Etant donné que mes frères ne chantent pas c’est compliqué. J’aurais pu les soutenir à ma manière et par exemple les produire mais ce qu’ils font déjà n’est pas mal.
Après plus de 25 ans de carrière solo, quelle est l’orientation que vous donnerez à votre carrière musicale ?
Il est vrai que je suis à 25 ans de carrière solo ! D’ailleurs je suis en train d’organiser une cérémonie pour ça. J’ai 40 ans de présence dans la musique, parce qu’avec la famille, nous avons commencé en 1984. Donc, aujourd’hui je remercie le Seigneur pour tout. J’ai réussi à faire beaucoup de voyages, des albums et beaucoup de chansons. L’autre jour par exemple, j’étais en train de compter mes chansons écrites rien que pour le Burkina Faso et il y a au moins dix titres.
Je suis très chanceuse car beaucoup de personnes n’ont pas eu cette chance d’en faire. Je reste toujours dans la musique car elle n’a pas d’âge. La voix de Idak Bassavé, pour le moment, n’a pas changé, donc si je peux toujours chanter je le ferai. J’ai mes fans qui sont là et qui me suivent. Cependant, on vise aussi à faire, pourquoi pas, d’autres choses aussi parce que on n’a pas toujours la force de rester sur scène et danser comme au début.
Quel est votre regard sur la musique burkinabè en ce moment ?
Je suis très contente de ce que je vois parce que je me dis que nous avons inspiré la nouvelle génération. Je suis très contente de voir tous ces jeunes qui se battent, qui ont du talent et qui chantent très bien. Mais, il faut les encourager parce que je sais que le début est toujours difficile. Il faut vraiment qu’on encourage ces jeunes et leur permette de prester sur des scènes. Et quand tu écoutes un artiste et que tu sais que ce qu’il chante bien, tu peux l’appeler pour l’encourager ou acheter son album. Moi je suis très contente car je sais que la relève est assurée. Par ailleurs, il faudrait aussi que les jeunes essaient de varier un peu pour ne pas faire trop d’autres musiques en oubliant les musiques du terroir.
Avez-vous quelque chose à ajouter ?
Je remercie tous ceux qui croient en moi depuis mes débuts. J’ai de la chance d’avoir été acceptée par le public burkinabè et international. Je les invite aussi à acheter mon œuvre qui vient de sortir, le maxi Sahel qui a quatre titres avec de l’ambiance tradi-moderne. Dieu bénisse le Burkina Faso !
Farida Thiombiano
Lefaso.net