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Burkina/Journée des coutumes et traditions : « La femme Moaga est au cœur de la vie des communautés parce qu’elle a beaucoup de pouvoirs contrairement à ce qu’on nous dit » souligne Juliette Kongo

Publié le mercredi 15 mai 2024 à 22h37min

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Burkina/Journée des coutumes et traditions : « La femme Moaga est au cœur de la vie des communautés parce qu’elle a beaucoup de pouvoirs contrairement à ce qu’on nous dit » souligne Juliette Kongo

Pour la première fois de son histoire, le Burkina Faso célèbre une journée des coutumes et traditions ce 15 mai 2024. La princesse Juliette Kongo est membre de la famille royale du Mogho Naaba, ex député, coach en développement personnel et endogène et fondatrice du musée de la femme de Kolgondiéssé (à Ziniaré). Dans cette interview qu’elle accorde à Lefaso.net, elle donne son appréciation de cette journée et l’intérêt des coutumes et des traditions pour les communautés. Elle a également donné les raisons pour lesquelles elle a décidé d’ouvrir un musée de la femme.

Lefaso.net : Comment appréciez-vous la décision du gouvernement de la transition d’instaurer une journée des coutumes et des traditions ?

Juliette Kongo : C’est comme si on rendait enfin justice à la première religion que les autres sont venus trouver sur le territoire africain. Toutes les religions avaient des journées. Par contre, la religion traditionnelle qui était là avant tout ce beau monde s’est retrouvée à n’avoir même pas une demi-journée consacrée à elle. C’est la réparation d’une injustice qui vient d’être faite aux traditions africaines. Merci à ceux qui ont eu la vision de remettre à niveau et revaloriser nos valeurs ancestrales.

Selon vous, quelle est l’importance de la coutume et de la tradition dans le Burkina Faso actuel ?

Les coutumes et les traditions vont ramener la paix dans ce pays parce que chacun va se retrouver dans son entité d’origine et s’exprimer librement par rapport à ses valeurs ancestrales. Cela va favoriser la cohésion sociale parce que vous n’êtes pas sans savoir que peu importe la religion à laquelle les citoyens appartiennent, ils reviennent toujours vers leurs ancêtres, mais de façon cachée. Aujourd’hui, chacun va repartir faire ce qu’il a à faire chez lui sans avoir à se cacher parce que c’est permis. Les gens vivaient comme s’ils étaient en autarcie.

Mais, désormais ils s’expriment et ont la possibilité de se faire respecter et respecter leurs valeurs ancestrales. Je prends toujours cet exemple pour dire que quand vous êtes chrétien et que vous allez adorer l’ancêtre de quelqu’un d’autre, en ne respectant pas le vôtre, comment voulez-vous que vos prières soient exaucées ?

Est-ce que la branche peut se dissocier de son arbre originel et pouvoir vivre ? Non, la branche du karité ne peut pas être fixée sur la branche du tamarinier pour porter du fruit. Je pense que le retour à nos valeurs ancestrales et traditionnelles va permettre à chacun de se retrouver, d’être en phase avec lui-même et de pouvoir vivre en tant qu’élément appartenant à une communauté, un pays et un continent. L’Afrique est une et indivisible.

Malheureusement, des gens se sont partagés notre continent comme du pain et aujourd’hui nous rencontrons beaucoup de problèmes. Si vous regardez sur les cartes, de la manière dont les frontières ont été faites, des familles et des communautés ont été divisées. Revenir à nos valeurs ancestrales, c’est la meilleure chose qui puisse arriver à l’Afrique d’aujourd’hui.

Êtes-vous animiste ?

Je ne suis pas animiste. Je suis née dans une famille où le père est musulman et la mère chrétienne. Je suis de la famille royale du Mogho. Dans ma famille, il y a toutes les religions. J’ai choisi librement de respecter toutes les religions. Je suis chrétienne, j’ai été baptisée et j’ai même failli devenir religieuse. Mais, je respecte toujours ma racine.

De ce que vous savez, quelle est la place de la femme dans la tradition moaga ?

La femme moaga est au cœur de la vie des communautés parce qu’elle a beaucoup de pouvoirs, contrairement à ce qu’on nous dit. Je prends par exemple le cas de la famille royale, les femmes préparent tout ce qu’il y a comme rituels liés à la vie de la communauté moaga avant que les hommes aient l’autorisation de faire quoi que ce soit. Je prends par exemple le cas du Basga qui est la fête coutumière que les différentes chefferies célèbrent chaque année en début ou en fin de saison.

Si la femme ne parle pas aux ancêtres d’abord et qu’elle ne pose pas certains actes, les hommes ne sont pas autorisés à faire quoi que ce soit. C’est pour dire que la femme est le cœur de la communauté, de la vie et de la société africaine. Elle joue un rôle très important.

Elle est toujours consultée avant toute décision concernant la vie de la communauté et de la famille. En tous cas, c’est ce que je suis née trouver. C’est ce rôle que nos mamans ont joué dans les cours royales. Je suis très fière aujourd’hui de ma mère, elle est toujours en vie. Je puise toutes mes connaissances et potentialités traditionnelles chez ma mère qui est installée à Ziniaré.

À quoi répond ce besoin d’ouvrir un musée de la femme ?

C’est la revalorisation du patrimoine culturel féminin dans la mesure où aujourd’hui tout le monde passe le temps à se plaindre. L’éducation des enfants n’est pas bien. Il y a trop d’incivisme. On ne se respecte plus. Comment allons-nous faire pour se respecter et qu’il ait moins d’incivisme dans le pays ?

J’ai pris sur moi, en tant que personne ressource et leader, de partager une expérience vécue dans ma famille, dans les communautés mossis et surtout le rôle fondamental de la femme moaga. Nous voulons remettre en surface ce que les enfants d’aujourd’hui ne connaissent pas. On nous a appris dans des camps d’initiation traditionnelle quel rôle doit jouer la femme.

Ils n’existent plus aujourd’hui. Le musée répond à ce besoin. Depuis la création du musée, au moins huit universités sont venues. Il y a des étudiants qui sont venus d’Haïti, du Cameroun, du Mali et de la Côte d’Ivoire en plus de ceux d’ici. Nous voulons permettre à la jeunesse africaine d’avoir un repère. Nous souhaitons conserver, préserver, valoriser et ensuite transmettre.

Le rôle fondamental de la femme africaine, burkinabè et moaga, c’est la transmission des valeurs traditionnelles. C’est de génération en génération qu’on transmet les valeurs. Nous sommes dans cette dynamique parce que vous savez qu’aujourd’hui, il y a trop de dépravations. On nous amène de nouveaux systèmes. On oblige les gens à rentrer dans des circuits qui ne sont pas très ‘’catholiques’’. Actuellement, ils font la promotion de l’homosexualité. Jusqu’à demain nous ne serons pas dans cette dynamique.

L’ouverture officielle du musée a eu lieu le 8 mars 2024

Qu’avez-vous prévu pour le 15 mai ?

Nous avons prévu de faire des activités avec des jeunes, des enfants, des femmes et hommes qui viendront vers nous. Les gens pensent que le retour aux valeurs traditionnelles signifie qu’il faut se mettre à égorger des animaux sur les autels des ancêtres. Sachez que rien ne se fait au hasard et de façon irréfléchie dans ce qui se passe dans nos religions traditionnelles.

Tout se fait en son temps. Ce n’est pas parce qu’on a dit que le 15 mai c’est la journée des traditions qu’on va se mettre à la place de la Nation ou à l’autel du Mogho Naaba pour égorger des animaux. C’est une journée qui va permettre à chacun de se retrouver et d’échanger avec sa famille ou des communautés.

C’est ce que nous allons initier au niveau du musée de la femme afin de permettre aux jeunes qui viendront découvrir le rôle et la place des femmes, des jeunes et de l’homme dans les communautés traditionnelles mossis dans la promotion de la cohésion sociale. Quand nous étions enfants, on voyait par exemple qu’il y a un rituel que nos mamans faisaient régulièrement pour demander la paix et la santé pour la famille.

Nous allons le faire le 15 mai. Ce n’est pas un rituel complexe. Mais, c’est un rituel qui est très riche parce qu’il permet aux enfants d’être ensemble, de manger ensemble et de partager des moments de solidarité. Des familles seront présentes ce jour-là. Nous allons faire découvrir aux enfants la richesse de la vie en famille.

Nous allons faire un concours d’art culinaire pour permettre à la jeune fille d’apprendre parce qu’il y a des filles aujourd’hui qui ne savent même pas cuire un œuf. Et lorsqu’elles arrivent dans le couple, cela entraîne des divorces. Nous allons profiter de cette journée pour permettre à dix filles de faire des mets locaux que nous allons déguster. Nous aimerions que tous ceux qui ont le temps puissent venir partager cette expérience avec nous.

Samirah Bationo
Lefaso.net

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