Burkina / Ministère de la Défense : Huit contrats d’armement attribués à plusieurs entreprises appartenant à une même personne
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Le mardi 30 janvier 2024, l’Autorité supérieure de contrôle d’Etat et de Lutte contre la corruption (ASCE/LC) a remis son rapport général d’activités 2022 au président de la Transition, le capitaine Ibrahim Traoré. Présidence du Faso, Primature, Assemblée nationale, départements ministériels…, toutes les institutions ont été passées au peigne fin par les limiers de l’ASCE /LC. Lefaso.net a pu consulter le document. Au niveau du ministère de la Défense et des Anciens combattants, le contrôle de la gestion financière et comptable qui a couvert la période de 2016 à 2021 met en exergue de grosses insuffisances.
En remettant le rapport, le contrôleur général d’Etat adjoint chargé de l’intérim du contrôleur général d’Etat, Urbain Millogo, a expliqué qu’il s’agissait de satisfaire à une obligation légale qui est la remise, chaque année, du rapport général d’activités au chef de l’Etat.
« Dans ce rapport, vous avez les moyens mis à la disposition de l’ASCE/LC pour mener à bien ses activités, les missions effectuées au niveau des ministères, les investigations, les activités de prévention, le suivi des recommandations, les audits et déclarations d’intérêt de patrimoines que nous avons menés au cours de l’année 2022 », a indiqué Urbain Millogo.
Toutes les institutions ont été auditées par l’ASCE/LC, y compris le ministère de la Défense et des Anciens combattants. Au niveau de ce département, le contrôle de la gestion financière et comptable a couvert la période de 2016 à 2021. Il a concerné la commande publique, les indemnités spéciales militaires en opération intérieure, les allocations alimentaires, le carburant et la gestion matérielle des stocks des armements, munitions et optiques. Le contrôle a mis en évidence des insuffisances dans plusieurs domaines.
Cumul de fonctions incompatibles
En ce qui concerne la commande publique, les vérifications ont révélé 241 commandes publiques qui ont été passées, le tout pour une valeur globale de plus de 482 milliards de francs CFA (482 048 128 759 précisément). Ces commandes concernent quatorze appels d’offres ouverts pour une valeur de près de deux milliards de francs CFA (1 998 475 230 exactement).
Il y a eu 58 marchés passés après une mise en concurrence interne pour un montant de plus de 172 milliards de francs CFA (172 623 085 983 F CFA). Des marchés ont aussi été passés par procédure d’entente directe (169 en tout), s’élevant à plus de 307 milliards de francs CFA (307 426 567 650 F CFA).
Après l’exploitation des dossiers, des faiblesses ont été relevées. L’ASCE-LC note, entres autres, « un cumul des fonctions incompatibles d’ordonnateur, de directeur de l’administration et des finances et de contrôleur financier par la seule personne de DCIM [directeur central de l’intendance militaire] dans la chaîne de mise en œuvre des marchés publics, susceptible d’entraîner des pertes financières. »
Le rapport mentionne également la non-liquidation des pénalités de retard d’un montant total de plus d’un milliard et demi de francs CFA (1 632 254 055 F CFA précisément) sur 70 marchés, conformément à l’article 146 et suivant du décret n°2017-0049 PRES/PM/MINEFID du 1er février 2017 portant sur la règlementation des marchés publics au Burkina Faso.
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Et ce n’est pas tout. « Le manuel de procédures qui devrait organiser la concurrence dans le domaine d’acquisition de biens sensibles en lien avec le secret-défense n’a pas été validé. Les délais contractuels des marchés pouvant entraîner l’indisponibilité des biens à acquérir et des pertes de ressources financières n’ont pas été respectés », condense le document.
Stockage des munitions : des risques majeurs
Le rapport déplore en outre « l’inexistence de pièces administratives du titulaire dans le contrat engagé, l’absence des références techniques et financières de l’attributaire, la non-constitution de la garantie de bonne exécution entraînant une mauvaise exécution des contrats (neuf marchés). »
Le rapport fait ressortir, entre autres, une « facturation au forfait des acquisitions sans le moindre détail sur la facture pro-forma, l’absence de clauses de constitution de garantie de bonne exécution du contrat, conformément aux dispositions de l’article 137 du décret n°2017-0049/PRES/PM/MINEFID du 1er février 2017 ».
L’ASCE/LC souligne aussi l’absence de prix de référence pouvant engendrer des surfacturations.
Comme lacunes, on note en outre « l’absence des expressions des besoins dans le cadre de l’acquisition de drones, l’absence de signature du calendrier de livraison joint au contrat par le fournisseur, l’inexistence de références techniques de l’attributaire, le délai d’exécution échu sans que l’appareil ne soit livré et sans que le prestataire ne soit mis en demeure, etc. »
Au niveau des armements, munitions et optiques, les investigateurs de l’ASCE-LC notent que, sur quatorze contrats d’un montant de plus de 83 milliards de francs CFA (83 507 507 233 précisément), huit contrats d’un montant de plus de 75 milliards de francs CFA, soit un taux de 89,94%, ont été attribués à plusieurs entreprises appartenant à une même personne physique. Par ailleurs, les enquêteurs avertissent que le « non-respect des normes de sécurité en matière de stockage des matériels AMO [armements, munitions et optiques] comporte des risques majeurs ».
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Pour les enquêteurs de l’Autorité supérieure de contrôle d’Etat et de lutte contre la corruption, « la gestion du carburant et des lubrifiants est aussi caractérisée par la mauvaise tenue de la comptabilité qui ne garantit pas la transparence », tandis que la plupart des documents comptables sont « inexploitables et les inventaires périodiques ne sont pas réalisés ».
Le rapport a cependant noté quelques bons points. Il mentionne ainsi que « les indemnités spéciales des hommes sur le théâtre des opérations intérieures sont effectivement payées » et que la prime globale d’alimentation sur le théâtre des opérations intérieures est payée dans les délais.
Pour rappel, depuis 2016, l’ASCE-LC réalise l’audit de la gestion de l’année n-1 des ministères et institutions. C’est ainsi qu’avec l’avènement du Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration (MPSR), le président de la Transition a demandé à l’ASCE-LC d’initier des missions de contrôle approfondi dans les structures de l’administration publique. Ces contrôles réalisés ont porté sur la gestion financière et comptable de 21 ministères et institutions et couvert les exercices budgétaires 2020 et 2021. Les domaines contrôlés sont la commande publique, les comptes de dépôt, les régies d’avances, le carburant et les lubrifiants, les frais de mission à l’intérieur et à l’extérieur du pays, les frais de voyage, les rétributions, les dons au bénéfice des personnes politiquement exposées.
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