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Commerce international : « L’intégration économique entre pays du Sud a plus d’effet sur la croissance économique que l’intégration Sud-Nord », démontre Téwindé Marcelin Ouédraogo à travers sa thèse

Publié le samedi 30 décembre 2023 à 13h38min

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Commerce international : « L’intégration économique entre pays du Sud a plus d’effet sur la croissance économique que l’intégration Sud-Nord », démontre Téwindé Marcelin Ouédraogo à travers sa thèse

« Effets du commerce international sur la croissance économique et la création d’emplois décents au Burkina Faso ». C’est sous ce thème de recherche que Téwindé Marcelin Ouédraogo a, lundi 18 décembre 2023, soutenu sa thèse de doctorat unique à l’Université Norbert Zongo de Koudougou. De cette thèse dirigée par Mahamadou Diarra, professeur titulaire en économie à l’Université Norbert Zongo de Koudougou, on retient que l’ouverture commerciale du Burkina Faso appauvrit le contenu de la croissance économique en emploi décent.

Outre son président, Augustin Chabossou Foster, professeur titulaire à l’Université d’Abomey-Calavi, Bénin, le jury était composé du directeur de thèse, Mahamadou Diarra, professeur titulaire à l’Université Norbert Zongo, Burkina Faso ; Relwendé Sawadogo, maître de conférences agrégé, Université Joseph Ki-Zerbo, Burkina Faso (membre) ; Salamata Loaba, maître de conférences agrégé, Université Thomas Sankara, Burkina Faso (membre).

Selon l’impétrant, la thèse vise à évaluer les effets du commerce extérieur sur la croissance économique et la création d’emplois décents au Burkina Faso. Il s’est agi pour lui donc, et de façon plus précise, d’estimer l’effet du commerce international sur la croissance économique du Burkina Faso (Essai I), de comparer l’effet des échanges Sud-Nord par rapport à celui des échanges Sud-Sud sur la croissance économique du Burkina Faso en prenant en compte les interactions spatiales (Essai II) et, enfin, de jauger l’effet des échanges commerciaux du Burkina Faso sur l’intensité de la croissance économique en emploi décent (Essai III).

Les résultats d’étude des trois essais ont permis de vérifier les trois hypothèses de la présente thèse, et les données utilisées proviennent de plusieurs sources, dont le ministère en charge du commerce, le ministère en charge de l’économie, la BCEAO, l’UEMOA, la Banque mondiale…, et concernent la période de 1985 à 2018.

Les méthodes employées ont, elles, consisté à utiliser des modèles de croissance augmentés des variables d’ouverture commerciale, des modèles d’économétrie spatiale et la régression de l’intensité de la croissance économique en emploi décent.
Dans sa présentation, Téwindé Marcelin Ouédraogo a relevé qu’à l’instar des économies africaines, surtout de l’Afrique au Sud du Sahara, celle du Burkina Faso est spécialisée dans l’importation des produits de consommation finale et dans l’exportation des produits agricoles et les ressources naturelles et le meilleur des cas, des produits sommairement transformés.

Cette forme d’ouverture commerciale, en plus d’avoir une faible contribution à la croissance économique du pays, conduit, relève M. Ouédraogo, à des pertes d’emplois dans certains secteurs économiques. « En d’autres termes, une insertion au commerce international d’un pays caractérisée par des exportations fortement dominées par des produits de base et des importations fortement orientées vers des produits de consommation finale, en plus d’avoir une faible contribution à l’augmentation de la richesse nationale, est peu susceptible d’offrir des opportunités d’emplois décents à la hauteur de la dynamique démographique de ce pays », démontre le macro économiste et administrateur des services financiers, Tewindé Marcelin Ouédraogo.

Des résultats du modèle vectoriel à correction d’erreur du premier essai, dont le thème est « effet du commerce international sur la croissance économique au Burkina Faso », on peut retenir que l’impact du commerce international sur la croissance économique au Burkina est ambigu. En effet, explique l’impétrant, on note que les exportations globales ont un impact positif et significatif, tandis que les importations globales ont un impact négatif et significatif sur la croissance économique. Cette ambiguïté est confirmée par le degré d’ouverture qui n’a pas d’impact significatif sur la croissance économique du pays ni à court terme, ni à long terme au seuil de 5%. Mais lorsqu’on procède à une analyse approfondie des produits échangés par le Burkina en décomposant les exportations et les importations, poursuit M. Ouédraogo, on se rend compte qu’en dehors de l’or non monétaire, la plupart des exportations du pays ont soit un impact négatif à long terme sur la croissance économique (cas du coton), soit elles n’ont aucune influence sur la croissance économique, ni à court terme, ni à long terme (tout le reste des produits d’exportation).

Quant aux importations, dominées par les produits de consommation finale, elles n’ont pas d’impact significatif sur le PIB à court et à long termes, au seuil de 5%. « Notre première hypothèse qui stipule que l’ouverture commerciale impacte positivement la croissance économique du Burkina Faso, n’est ni confirmée, ni infirmée », dénoue-t-il.

Toutefois, il ressort clairement de son analyse de la décomposition de la variance de l’erreur de prévision, qu’un choc sur les exportations globales du pays a moins d’effet sur le Produit intérieur brut (PIB) réel que l’effet d’un choc sur le PIB réel n’en a sur les exportations globales. En outre, l’analyse des effets de seuil de l’ouverture sur la croissance montre qu’il n’existe pas un seuil optimal où le degré d’ouverture a un effet significatif sur la croissance économique du Burkina et les autres variables du système, indique le candidat.

Selon Tewindé Marcelin Ouédraogo, cela revient à dire que c’est la croissance économique qui devrait conduire à une amélioration des talents, des compétences et des techniques de production, éléments qui contribuent à l’expansion des exportations et à la réduction des importations et non l’inverse. Les résultats de l’étude sont conformes à ceux d’autres auteurs comme Subasat, (2002) ; Krugman, (1984) et Stavrinos, (1987) qui trouvent que le commerce international a un impact significatif sur la croissance économique, si un pays atteint un certain seuil de développement.

Par l’essai II, avec pour thème « effets comparés des échanges Sud-Sud et Sud-Nord sur la croissance économique du Burkina Faso », il s’agissait, d’une part, de modéliser la croissance économique du Burkina en distinguant l’effet des exportations du pays en direction des pays ou regroupement des pays du Nord et l’effet des exportations du pays en direction des pays ou regroupement des pays du Sud, et d’autre part, prendre en compte les interactions spatiales entre le Burkina et ses partenaires commerciaux par le biais de l’économétrie spatiale.

« Ainsi, les résultats empiriques des modèles SAR, SAC et SEM à effets fixes révèlent que les exportations totales ont un impact négatif sur la croissance économique du Burkina Faso, au seuil de 5%. Ces résultats sont conformes à l’analyse de Herzer (2013) qui a constaté que l’ouverture commerciale avait des effets positifs pour les pays développés et négatifs pour les pays en développement. Cependant, la décomposition des exportations totales par destination permet de comprendre que le type de partenaire commercial joue un rôle majeur dans l’explication de l’effet des exportations sur la croissance économique. En effet, il ressort des résultats des modèles SAR, SAC et SEM à effets fixes, que les exportations du Burkina Faso en direction de l’UEMOA, du Nigéria, de la Chine et du Canada ont un impact positif et significatif sur la croissance économique, au seuil de 5%, Ceteris Paribus. Ces résultats montrent, d’une part, que les échanges Sud-Sud ont plus d’effet sur la croissance économique, lorsque les partenaires commerciaux (UEMOA, Nigéria et Chine dans notre cas), en plus d’être des poids économiques, représentent des marchés importants (poids démographique) ; et d’autre part que l’effet des échanges Sud-Nord sur la croissance économique (cas du Canada) est fonction de la nature des produits échangés », s’attarde Téwindé Marcelin Ouédraogo.

Par ailleurs, soutient-il, lorsqu’on considère les effets d’interactions spatiales, les résultats du modèle SDM à effets fixes révèlent que les exportations du Burkina en direction de l’UEMOA ont un effet positif sur la croissance économique, tandis que celles en direction de l’Union européenne ont un effet négatif sur la croissance économique au seuil de 5%.

L’impétrant, Dr Téwindé Marcelin Ouédraogo, posant avec le directeur de thèse, Pr Mahamadou Diarra (à droite) et Relwendé Sawadogo, membre du jury (à gauche).

« Ces résultats laissent voir que l’intégration économique entre pays du Sud (cas de l’UEMOA) est plus bénéfique que l’intégration Sud-Nord (UE) au regard certainement des complémentarités des économies du Sud (Baumann et al. (2012)). De façon globale, la deuxième hypothèse de la présente thèse qui stipule que les échanges sud-nord ont plus d’effet sur la croissance économique que les échanges sud-sud au regard du choix des partenaires commerciaux du Burkina Faso n’est pas vérifiée », retient-on de la présentation de celui-là qui a occupé les postes de chargé de programmes de Coopération au Service de la Coopération Sud-Sud et Coopération décentralisée et de chargé de programmes de Coopération au Service de Coopération Zone Asie, Amérique, Caraïbes et Pacifique.

Les résultats de la recherche montrent également que le taux de croissance économique du Burkina dépend du taux de croissance et des caractéristiques observables chez ses voisins, tels que l’investissement et la main-d’œuvre, et remettent en cause l’hypothèse de Venables (2003) selon laquelle, l’intégration économique régionale est profitable aux pays en développement s’il concerne les accords Sud-Nord, car les accords Sud-Sud conduisent à une croissance faible, voire une divergence des économies signataires.

De l’essai III de la recherche, dont le thème est « effet des échanges commerciaux du Burkina Faso sur l’intensité de la croissance économique en emploi décent », il ressort des résultats de la régression de l’intensité de la croissance économique en emploi décent que l’ouverture commerciale du Burkina contribue à appauvrir le contenu de la croissance économique en emploi décent. Selon les résultats du modèle, la contribution absolue du commerce international à la teneur de la croissance économique en emploi décent au Burkina est de -0,18, soit une contribution relative de -4,82%. Ainsi, l’ouverture commerciale du Burkina sur le reste du monde appauvrit sa croissance économique en emploi décent de 4,82%. « L’hypothèse III de la recherche qui stipule que le commerce international a un effet négatif sur l’intensité de la croissance économique en emploi décent est donc vérifiée », conclut-il sur ce volet.

Réduire significativement l’importation de certains produits de consommation finale

Selon ses analyses, en dehors des exportations du coton qui ont une influence positive sur le contenu de la croissance économique en emploi décent, les autres produits d’exportation et les importations n’ont aucune influence significative et ne constituent donc pas un moteur de l’emploi décent au Burkina. A la différence des exportations du coton, dit-il, la consommation finale du Burkina a une influence négative dans la création d’emplois décents ; l’effet-intensité de la consommation finale en emploi décent étant de -4,44 et son rythme d’accroissement étant plus important que l’augmentation du PIB. « Cette réalité déjà visible à travers les méventes et les licenciements des employés qu’ont connus certaines entreprises locales du Burkina Faso (SN-SOSUCO, SN-CITEC, SAP olympique) liées aux importations importantes des produits de consommation finale, s’est confirmée de façon scientifique à travers la régression de l’intensité de la croissance économique en emploi décent », illustre Tewindé Marcelin Ouédraogo, pour qui, au stade actuel donc, une plus grande ouverture commerciale du Burkina, telle que prônée par la zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf, ZLECA ou ZLEC), comporte d’énormes risques en termes de lutte contre le chômage des jeunes au regard de l’impact négatif du commerce extérieur sur le contenu de la croissance économique en emploi décent.

« Les résultats de recherche des trois essais de la présente thèse ont permis de tirer des enseignements. D’une part, l’ouverture commerciale d’un pays peut favoriser sa croissance économique, mais sans incidence sur la création d’emplois décents dont le niveau peut même se dégrader avec l’importation des produits de consommation finale qui font la compétition avec les produits locaux. D’autre part, il convient de noter qu’une variable macroéconomique peut avoir une forte influence sur la croissance économique, mais sans incidence en termes de création d’emplois, tout comme une variable macroéconomique intensive en emploi décent peut avoir un impact non significatif, voire négatif sur la croissance économique. Les résultats du premier essai ont montré que l’or est le seul produit d’exportation du Burkina Faso qui a un impact positif et significatif sur la croissance économique. Cependant, on remarque que l’effet-intensité en emploi décent des exportations d’or n’est pas significatif même si son rythme d’accroissement est plus important que la croissance économique du pays. En conséquence, une croissance économique forte du Burkina Faso tirée par l’or et la consommation finale, comme c’est le cas actuellement, est en déphasage avec les stratégies de lutte contre le chômage des jeunes », s’est résumé Dr Téwindé Marcelin Ouédraogo.

De ces études, on retient que pour faire du commerce international, le levier d’une croissance économique pro-emploi au Burkina, le pays devrait réduire significativement l’importation de certains produits de consommation finale et continuer la promotion de ses exportations en orientant les investissements vers les industries exportatrices, c’est-à-dire dans la production des produits susceptibles d’être exportés ou dans la recherche de nouveaux marchés extérieurs.

En outre, le Burkina doit travailler au renforcement de la coopération sous régionale (UEMOA, CEDEAO) et à l’amélioration des relations commerciales Sud-Sud qui ont plus d’effet sur la croissance économique que les échanges Sud-Nord.

« Le principal apport de la présente thèse est d’une part, l’appréciation de la qualité des exportations et la décomposition des exportations totales par destination en tenant compte des interactions spatiales, qui ont permis de comprendre que la nature du produit exporté et le type de partenaire commercial jouent un rôle majeur dans l’explication de l’effet de l’ouverture commerciale sur la croissance économique du Burkina Faso. D’autre part, l’évaluation de l’effet des échanges commerciaux sur l’intensité de la croissance en emploi décent, a permis de comprendre pourquoi l’ouverture commerciale, au stade actuel, comporte des risques en termes de création d’emplois décents pour la population burkinabè. Nous avons utilisé, dans le cadre de notre thèse, de nouveaux outils d’analyse à savoir l’économétrie spatiale et la régression de l’intensité de la croissance économique en emploi décent. En outre, nous avons utilisé des données plus récentes qui permet de prendre en compte la contribution du boom minier et la percée de nouveaux produits d’exportation (produits de karité, noix de cajou, zinc, anacarde, etc.) dans les échanges commerciaux du Burkina Faso. Toutefois, comme toute œuvre humaine, les résultats de la thèse comportent certainement des limites, dont les plus essentielles sont : la non prise en compte de certains partenaires commerciaux, par manque de données antérieures, qui sont pourtant devenus ces dernières années des principaux destinateurs ou clients des produits burkinabè (modèle du deuxième essai) et l’omission des emplois non protégés du secteur informel, dont les données ne sont pas disponibles (modèle du troisième essai) », a livré l’expert en gestion de la politique économique, Dr Téwindé Marcelin Ouédraogo, en fonction depuis mai 2023 au Centre d’analyse des Politiques Economiques et Sociales (CAPES) de la Présidence du Faso.

Brève biographie du Dr Téwindé Marcelin Ouédraogo

En plus du doctorat en économie obtenu à l’Université Norbert Zongo de Koudougou, le docteur Ouédraogo est titulaire d’un Master II en Analyse économique et développement international obtenu en 2018 à l’école d’économie de l’Université Clermont Auvergne, CERDI/FERDI, France, option gestion de la politique économique et d’un Master II en Macroéconomie appliquée et Finance internationale obtenu en 2017 à l’Université Thomas Sankara, Ouagadougou, Burkina Faso. En outre, il est détenteur d’une maîtrise et d’une licence en Macroéconomie et Gestion du développement obtenues respectivement en 2008 et 2007 à l’Université Joseph Ki-Zerbo, Ouagadougou, Burkina Faso.

Macro économiste-administrateur des services financiers, il a été chargé de programme de coopération à la Direction générale de la coopération (DGCOOP) du ministère en charge de l’Economie et des finances de 2012 à 2020, avant d’être nommé au poste de chargé de mission au ministère de la Réconciliation nationale et de la cohésion sociale, présidence du Faso en 2021, puis au poste du secrétaire permanent de la Réconciliation nationale et du vivre-ensemble (SP-REViE) en 2022. Il est actuellement expert au Centre d’analyse des politiques économiques et sociales (CAPES) à la présidence du Faso.

Il est également enseignant en économétrie et en planification stratégique et opérationnelle à l’Ecole nationale des régies financières (ENAREF), Cycle A, option finances.

O.H.L
Lefaso.net

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