Burkina/Référé des réquisitionnés : Le tribunal administratif rejette la demande d’annulation
Sur les douze personnes réquisitionnées, trois, dont Issaka Lingani, Bassirou Badio et Rasmané Zinaba, ont remis en cause la décision de leurs réquisitions. Ainsi, leurs conseils ont saisi le tribunal administratif de Ouagadougou. Ce lundi 20 novembre 2023, le tribunal administratif a écouté les deux parties au procès. Il s’agit des avocats de la défense et l’Agence judiciaire de l’État (AJE).
Il a été question d’annuler la réquisition du Commandement des opérations du théâtre national (COTN) que la défense a trouvé « arbitraire » et juste pour punir les gens qui critiquent le pouvoir.
Selon la défense, il s’agit de détournement de pouvoir. « Ces réquisitions ne concernent nullement l’ordre public comme ils le disent (...) Le COTN, dans ses dispositions, n’a aucun pouvoir de police administrative », ont opiné les conseils.
Toujours dans la même logique, pour les avocats de la défense, il y a un détournement de pouvoir de la part du COTN. « L’objectif, c’est pour les [leurs clients] punir » parce qu’ils ont une opinion divergente.
De la nécessité des réquisitions...
Les avocats se disent persuadés qu’il existe un code pénal caché, donc « on utilise la loi pour punir les adversaires politiques ». La défense a brandi la photo du Dr Arouna Louré. Pour lui, lorsqu’on réquisitionne les critiques du pouvoir, on publie leurs photos sur les réseaux, contrairement aux VDP et militaires qui combattent au front. Il est convaincu que c’est pour les humilier.
A la question du tribunal de savoir si le COTN a compétence pour réquisitionner ou pas, les avocats de la défense ont indiqué qu’il peut réquisitionner mais il n’a pas compétence de la police administrative.
Se basant sur l’article 5 du décret du COTN, les avocats de la défense ont indiqué que le COTN doit réquisitionner des forces prêtes à être déployées. Pas un recrutement des gens pour les former et les enrôler. « Si on doit les former, c’est que leur réquisition n’est pas nécessaire », a estimé la défense.
« C’est un problème d’interprétation »
Le tribunal a résumé le passage à la barre de la défense. Il s’agit de deux aspects : un habillage juridique pour punir et la non nécessité de ces réquisitions.
Par la suite, c’est au tour de l’Agence judiciaire de l’État (AJE) de passer à la barre. Les agents ont tenu à présenter le contexte sécuritaire dans lequel des différentes mesures ont été prises.
Pour l’AJE, « c’est un problème d’interprétation ». Il y a plus un souci avec le décret que les réquisitions, a expliqué un agent de l’AJE.
Un autre intervenant de l’AJE a indiqué qu’il ne revient pas à la défense d’évoquer la nécessité de la réquisition. Il existe une autorité qui juge de la nécessité et réquisitionne, a-t-il insisté.
Toujours dans son intervention, l’AJE a demandé des preuves qui montrent que c’est elle qui a publié les photos des personnes réquisitionnées sur les réseaux sociaux. « Qui sait si ce ne sont pas les concernés eux-mêmes qui ont publié ces photos », s’est interrogé l’agent. Cette déclaration a provoqué le mécontentement et des rires au sein de l’assistance.
L’AJE a persisté et signé que ces réquisitions visent à sécuriser le territoire national, contrairement à ce qui se dit sur les réseaux sociaux : « aller au front ». Les régions de la Boucle du Mouhoun et du Centre-nord sont en insécurité. La réquisition de ces personnes est nécessaire parce que l’opération de sécurisation du territoire national ne se fait pas uniquement par les armes, a conclu l’AJE.
Décision du tribunal administratif
Après plusieurs heures de débat, le tribunal a délibéré. La demande est recevable dans la forme. Puisqu’il s’agit d’un tribunal administratif, la demande d’annulation a été rejetée à leur charge. Une autre juridiction peut être saisie pour le fond (pour ce qui est de la nécessité des réquisitions).
Les avocats de la défense ont promis de faire appel de cette décision en utilisant d’autres recours. Cependant, ils disent ne pas empêcher leurs clients, s’ils le souhaitent, d’aller au front.
Cryspin Laoundiki
Lefaso.net