LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Avec de la persévérance et de l’endurance, nous pouvons obtenir tout ce que nous voulons.” Mike Tyson

Dédougou : Le difficile combat d’élèves déplacés internes pour éviter le "décrochage scolaire"

Publié le lundi 6 novembre 2023 à 22h41min

PARTAGER :                          
Dédougou : Le difficile combat d’élèves déplacés internes pour éviter le

La ville de Dédougou grouille d’Elèves déplacés internes (EDI). Ils y sont arrivés, en masse, soit après le déguerpissement de leurs villages respectifs soit suite à la fermeture des écoles dans leurs localités d’origine. Objectif : poursuivre le cursus scolaire interrompu par l’action des groupes armés terroristes. Mais ils buttent sur des difficultés. Trouver de quoi se nourrir, se déplacer, honorer les frais de scolarité, s’acheter la tenue scolaire et parfois le dépaysement sont entre autres problèmes vécus par ces EDI dans la cité du Bankuy en ce début d’année scolaire. Quelques-uns ont livré leurs témoignages à Lefaso.net.

Le terrorisme a eu raison de l’école, de la vie et des activités quotidiennes des populations dans beaucoup de localités, à l’échelle du territoire du Burkina Faso. Pour preuve, il y a déjà plus d’un mois que la rentrée scolaire 2023-2024 bat son plein seulement dans les localités du pays où la violence terroriste n’a pas étendu sa chape de plomb sur l’institution scolaire. Les élèves déplacés internes (EDI) ont rallié les zones urbaines pour réaliser leur rêve d’étudier.

Au nombre des élèves déplacés enregistrés à Dédougou, capitale de la région de la Boucle du Mouhoun, il y a DK. Agé de quinze ans, il est élève au lycée de Bouna en classe de 6e. Son père a loué une maisonnette perdue dans l’un des quartiers de la zone non lotie du secteur n°3 pour le besoin de son logement. Le natif du village de la commune rurale de Yé, province du Nayala, connaît à peine Dédougou. « C’est ma première fois de venir ici. Je ne connais personne dans la ville », dit-il.

DK est logé dans une cour n’accueillant que des déplacés

A une quinzaine de minutes de route de chez lui, vivent deux sœurs. LK et NK sont âgées respectivement de dix-neuf et de neuf ans. La grande sœur fait la classe de 3e au lycée de Douroula (un des établissements d’enseignement érigés dans la ville de Dédougou pour accueillir des élèves déplacés : ndlr). Quant à la petite sœur, elle est au cours élémentaire première année (CE1). Les deux sœurs habitent une petite maison louée par leur géniteur dans la ville. « Nous sommes arrivées à Dédougou en début d’octobre 2023. Chez nous, les écoles ont fermé. C’est pourquoi notre père nous a fait venir ici pour continuer l’école », confie la grande sœur.

Pas très loin de chez elles, quatre élèves déplacés, originaires d’un village de la commune rurale de Bondoukuy, ont élu domicile dans une maison sans clôture. C’est la famille Bicaba composée de quatre enfants. Ils sont en location aussi. JB est en classe de 4e tandis que ses trois petits frères sont au primaire. Les scolaires sont en compagnie d’une de leur mère. Elle joue à la fois le rôle du père et de la maman sur place. Son mari et les autres membres de la famille sont restés à Soana, un autre village de la commune où ils s’étaient rendus après l’attaque terroriste qui a visé leur village et entraîné le départ des populations de la localité. Ils sont arrivés récemment à Dédougou.

Les sœurs LK et NK sont coupées de tout contact avec leur famille depuis un mois

SP est une EDI comme les autres à Dédougou. Elle est en classe de Terminale D dans un lycée privé. La jeune fille a été accueillie par la femme de son oncle maternel, lui-même en terre ivoirienne, loin du foyer conjugal depuis plus de cinq ans, à en croire son épouse. Cette dernière dit avoir adopté l’élève au regard de sa volonté affichée de ne pas abandonner l’école. « J’ai sept enfants. Je peine déjà à m’occuper d’eux. Mais elle a insisté pour venir rester chez moi afin de poursuivre son école », explique la tutrice.

Un parcours semé d’embuches

Des difficultés se dressent, néanmoins, devant mademoiselle SP en dépit de son désir de ne pas se plier au diktat des terroristes dont l’action a emmené la fermeture de l’école de son village natal, celle des autres établissements d’enseignement de sa commune d’origine, Gassan, et l’arrêt momentané de ses études secondaires. Elle a des craintes à propos de son année scolaire. « Je n’ai pas payé la première tranche de la scolarité. Et demain jeudi (nous étions au mercredi 1er novembre 2023 : ndlr), l’administration va faire sortir, pour la troisième fois, les élèves qui n’ont pas encore payé », se désole-t-elle.

Les élèves de la famille Bicaba sont venus poursuivre leur scolarisation à Dédougou comme beaucoup d’autres de la région

La lycéenne dispose d’au moins un vélo pour se rendre à l’école. Il en est de même pour JB et LK. A la différence du trio, DK est dans une situation atypique. Il n’a pas de moyen de déplacement. De son habitation au secteur n°2 à son établissement situé au secteur n°3 de la ville de Dédougou, il est tenu de marcher une heure environ chaque matin pour se rendre à l’école. C’est une situation dommageable pour lui. « Je quitte la maison à six heures pour arriver au lycée autour de sept heures et quart. La nuit, je suis fatigué et je n’arrive pas à apprendre mes leçons », confesse cet élève qui a subi une année blanche, à cause de la fermeture des écoles dans sa zone d’origine, avant de rejoindre Dédougou à l’occasion de cette rentrée. Le père aurait voulu acheter un vélo pour soulager son fils, mais l’élève regrette que son vieux n’ait pas les moyens de le faire. En tout état de cause, « je me débrouille malgré les difficultés, comme je tiens à ne pas abandonner l’école », admet l’écolier.

A SP, il manque la tenue scolaire et de la documentation pour ses études afin de préparer son examen de fin d’année. Elle se plaint aussi des tâches ménagères qui lui laissent peu de temps pour son école. « Les soirs après dix-sept heures, il y a des séances d’encadrement à l’école. Moi, je rentre faire la cuisine avant de revenir suivre. Je reviens trouver que c’est presque ou déjà fini », rumine-t-elle.

Malgré les difficultés, SP refuse de se plier à la volonté de ceux qui veulent « tuer » l’école au Burkina

Comme cette jeune fille, DK, LK et JB sont en sursis. Ils n’ont pas encore payé la scolarité. Donc susceptibles d’être vidés de leurs salles de classe respectives à tout moment. « Pour le moment, on ne m’a pas chassé parce que je n’ai pas payé les frais de scolarité, mais on nous demande de le faire sinon ils vont commencer à expulser ceux qui ne sont pas à jour », témoigne JB. Ils n’ont pas non plus de tenues scolaires et se sont référés à leurs parents restés au village, pour ceux qui le peuvent toujours par téléphone, mais la situation reste inchangée jusqu’au jour où nous les avons rencontrés.

La question alimentaire commence à coincer pour ces nouveaux venus à Dédougou. Le stock de denrées alimentaires des sœurs LK et NK est presque vide. C’est le constat fait le mardi 31 octobre 2023. « Nous ne pouvons pas téléphoner au village pour informer que notre nourriture est presque finie pour qu’on nous envoie un peu d’argent pour acheter des vivres parce qu’il n’y a plus de réseau (les groupes armés terroristes ont saboté des installations des téléphonies mobiles dans plusieurs localités de la région de la Boucle du Mouhoun : ndlr). Il est impossible aussi de faire venir, à Dédougou, des vivres à partir du village ».

Ce site sert d’école primaire accueillant des élèves déplacés dont NK

Si la grande sœur tient le coup de la séparation d’avec les parents restés au village pour le moment, ce n’est pas le cas chez la petite sœur. Elle est rongée déjà par l’envie de revoir ses parents. « Je veux voir maman », a-t-elle laissé entendre.
Aucun de nos interlocuteurs n’a fait cas de difficultés liées au logement ou encore à la paye du loyer. Aussi n’ont-ils pas évoqué des difficultés rencontrées pendant la recherche des places dans les établissements à Dédougou. Cela se justifie par le fait que ces questions ont été gérées par leurs parents ou par des connaissances et non directement par eux-mêmes, selon leurs dires.

Yacouba Sama
Lefaso.net

PARTAGER :                              

Un message, un commentaire ?

modération a priori

Attention, votre message n’apparaîtra qu’après avoir été relu et approuvé.

Qui êtes-vous ?
Ajoutez votre commentaire ici

Ce champ accepte les raccourcis SPIP {{gras}} {italique} -*liste [texte->url] <quote> <code> et le code HTML <q> <del> <ins>. Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique