LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Avec de la persévérance et de l’endurance, nous pouvons obtenir tout ce que nous voulons.” Mike Tyson

Burkina/Santé sexuelle : Les complications d’avortement ont représenté la 4e cause de mortalité, selon Joseph Ido, sociologue et consultant en santé sexuelle et reproductive

Publié le dimanche 5 novembre 2023 à 12h00min

PARTAGER :                          
Burkina/Santé sexuelle : Les complications d’avortement ont représenté la 4e cause de mortalité, selon Joseph Ido, sociologue et consultant en santé sexuelle et reproductive

Médecins du monde-France au Burkina et l’Association des jeunes pour la promotion des orphelins ont, en différé, commémoré, ce vendredi 3 novembre 2023 à Ouagadougou, la journée internationale du droit à l’avortement sécurisé, à travers une conférence sur l’« accès des soins à l’avortement sécurisé ».

« Accès à des soins d’avortement sécurisés au Burkina Faso : état des lieux, défis et perspectives ». C’est ce thème qui a été déroulé à la conférence publique, qui a réuni de nombreux participants, en majorité des filles et femmes.

Dans la situation qu’il a présentée, le communicant a relevé que les complications d’avortement ont représenté la 4e cause de mortalité, selon l’annuaire statistique 2020 du ministère de la Santé.

Toujours selon le consultant en santé sexuelle et reproductive, citant les résultats dans le cadre du Performance Monitoring for Action (PMA), l’incidence annuelle de l’IVG au Burkina en 2021 est estimée à 23 IVG (interruptions volontaires de grossesse) pour 1 000 femmes âgées de 15 à 49 ans ; ce qui correspond à environ 113 000 IVG l’année.

« Les avortements sont pratiqués dans 41% des cas par un tradipraticien ; 21% des cas par la femme elle-même (autoavortement) ; 65% de jeunes femmes (15-24 ans) ont eu recours à l’avortement en 2011 ; seulement 3% par un médecin », dresse le communicant, rappelant au passage que l’avortement n’est autorisé au Burkina qu’en cas de viol, d’inceste, de malformation fœtale ou lorsque la vie ou la santé physique de la femme est en danger.

Pour parler des causes de l’IVG, M. Ido prend prétexte du cas ci-après : « Une femme de 48 ans est engrossée par le beau-père de sa fille. Quelles solutions pour éviter les problèmes sociaux liées à la grossesse ? ». Par-là, il fait observer que le cas pose certes un problème social, mais la loi ne l’autorise pas à l’IVG, parce qu’étant une grossesse volontaire.

L’exposé du consultant en santé sexuelle et reproductive, Joseph Ido, a suscité des questions d’éclaircissement au sein des participants.

« Socialement, dans certaines communautés, une telle grossesse ne peut être gardée. Quand on demande aux communautés ce pour quoi on avorte, ça dépasse ce que la loi a prévu », soulève M. Ido, qui suggère ainsi d’élargir les conditions d’accès à l’interruption sécurisée de grossesse.

« Quand vous prenez l’exemple de la grossesse de la belle-mère que j’ai évoquée ci-haut, il n’y a pas de viol, pas d’inceste, mais ça pose problème. Aujourd’hui, on a des cas de femmes violées par des terroristes, qui ne savent pas qu’elles ont droit à l’IVG, qui accouchent d’enfants de terroristes, des pères introuvables, et à chaque fois que ces femmes voient le visage de ces enfants, ça leur rappelle des douleurs. Aussi, dans notre société au quotidien, de nombreuses femmes sont violées, mais elles n’osent pas dire à leur mari. Même si elles connaissaient les voies de recours, elles ne vont pas accepter de dire à leur mari. Conséquence, des époux s’occupent d’enfants qui ne leur appartiennent pas », analyse le sociologue.

Il retient que l’avortement est donc plus ou moins une réponse à une grossesse « non-prévue » ou « non-désirée » ; rares sont les cas où les femmes qui désirent une grossesse avortent, sauf si elles y sont contraintes ; l’avortement provoqué au Burkina est un problème mal connu aux conséquences désastreuses. Aussi, il relève que l’avortement est une pratique ancienne de régulation de la fécondité qui existait et était utilisé bien avant l’apparition des méthodes de contraception modernes ; une méthode très ancienne de régulation sociale et pratiquée dans les sociétés pour résoudre des problèmes qui s’apparentent aujourd’hui aux conditions pour y accéder légalement (grossesses issues d’incestes, grossesses issues d’adultères, grossesses chez les filles de la famille royale, grossesses issues de viols ou pour favoriser les mariages arrangés).

« L’avortement, un secret connu de tous. (…). L’avortement n’est pas un phénomène qui est apparu avec le modernisme », dit-il, convaincu qu’au Burkina, toutes les familles sont de près ou de loin concernées par le phénomène, mais on n’en parle pas. « Donc, c’est un secret, mais en même temps, tout le monde est au courant », conclut-il.

Ici, le coordonnateur général de l’Association des jeunes pour la Promotion des orphelins (au milieu), Larba Ouédraogo, insiste en propos introductifs sur l’enjeu du sujet.

Selon le conférencier, les limites à l’IVG sont, au Burkina, liées aux conceptions religieuse, à la culture pro-nataliste, à l’objection de conscience de certains prestataires, au faible engagement des politiques, à l’absence de textes d’application clairs des lois.

Ce qui, de son avis, pose les défis de l’harmonisation des textes juridiques, l’élargissement des conditions d’accès à l’ISG (interruption sécurisée de grossesse), l’acceptation des coutumiers et des religieux, l’adhésion de l’opinion publique, l’engagement politique et le changement de paradigme face à l’ISG.

O.H.L.
Lefaso.net

PARTAGER :                              

Un message, un commentaire ?

modération a priori

Attention, votre message n’apparaîtra qu’après avoir été relu et approuvé.

Qui êtes-vous ?
Ajoutez votre commentaire ici

Ce champ accepte les raccourcis SPIP {{gras}} {italique} -*liste [texte->url] <quote> <code> et le code HTML <q> <del> <ins>. Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique