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Rentrée académique à Koudougou : « Le MPSR II a poursuivi les reformes cyniques du MPP visant à chasser les enfants de notre peuple de l’accès au savoir » regrette l’ANEB

Publié le jeudi 19 octobre 2023 à 15h26min

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Rentrée académique à Koudougou :  « Le MPSR II a poursuivi les reformes cyniques du MPP visant à chasser les enfants de notre peuple de l’accès au savoir » regrette l’ANEB

L’année 2023-2024 a repris son cours dans toutes les universités du Burkina Faso et ce, dans un contexte où le pays est en proie à l’hydre terroriste. A l’université Norbert Zongo de Koudougou, les étudiants déplorent une année qui redémarre avec son lot de difficultés qui, visiblement, grossissent de plus en plus. Dans cette déclaration de rentrée faite par le comité exécutif de l’Union générale des étudiants burkinabè (UGEB) et de l’Association nationale des étudiants burkinabè (ANEB) dont nous avons obtenu copie, les étudiants ont, sans langue de bois, passé au peigne fin leurs conditions académique et sociale, tout en apportant un regard critique sur la gestion des autorités actuelles.

Le 18 septembre 2023 a marqué la date officielle de la rentrée de l’année académique 2023-2024 dans toutes les universités du pays. A l’Université Norbert ZONGO, il s’agit plutôt d’une reprise des activités académiques et non d’une rentrée dans la mesure où dans la réalité des faits la plupart des promotions attendent de boucler les semestres soit de l’année académique 2021-2022 soit de l’année 2022-2023. L’ANEB Koudougou à cette occasion, souhaite une bonne reprise à tous les acteurs de la communauté universitaire, félicite les étudiants qui ont réussi à valider leur année en dépit des énormes difficultés auxquelles ils sont soumis au quotidien et réitère ses encouragements à ceux qui sont dans l’impasse pour un quelconque achèvement. Aux nouveaux bacheliers, elle leur souhaite la bienvenue à l’UNZ.

Camarades étudiantes et étudiants,

Cette rentrée/reprise intervient dans un contexte où l’évolution de la situation nationale est des plus complexes. Elle reste marquée par une instabilité politique au sommet de l’Etat sur fonds de coup d’Etat militaire d’une part et d’autre part par l’aggravation de la guerre civile réactionnaire imposée à notre pays avec la grave crise humanitaire qui l’accompagne. La gouvernance actuelle se caractérise par une volonté de plus en plus affichée de l’Exécutif à remettre en cause l’indépendance des pouvoirs à travers son l’intrusion dans les affaires judiciaires et sa substitution en régulateur des médias et d’embrigadement de la presse.

Tout comme les régimes qui l’ont précédé, la transition militaire en cours demeure incapable à trouver des solutions convenables aux préoccupations réelles des masses (chômage, vie chère) et se révèle de plus en plus en véritable pouvoir fasciste érigeant ainsi la dictature au moyen de la manipulation, du mensonge, des intimidations, de la propagande et du diktat de la pensée unique comme mode de gouvernance. La guerre est devenue un prétexte facile pour justifier les excès et abus du pouvoir. Pendant ce temps, les résultats sur le front de la lutte contre les forces du mal laissent toujours à désirer.

Camarades étudiantes et étudiants,

A l’Université Norbert ZONGO, la rentrée s’effectue dans un contexte plus que préoccupant où l’on ne sait ni quand débute ni quand prend fin une année académique. L’introduction de la réforme LMD en 2009 comme modèle d’enseignement au supérieur sans mesure d’accompagnement a précipité les universités publiques dans un gouffre total.

Au plan académique et pédagogique, l’UNZ sombre d’année en année dans un retard indescriptible avec quatre (04) années académiques qui se chevauchent 2019-2020, 2020-2021 2021-2022, 2022-2023. Dans la plupart des UFR, deux promotions de la première année cohabitent. C’est dans cette situation de chao que les autorités universitaires affichent la volonté d’effectuer la rentrée de tous les nouveaux bacheliers BAC 2023 orientés à l’UNZ pour ce mois octobre sans que leur ainé aient bouclé la première année. L’ANEB/Koudougou dénonce cette option des autorités comme solution efficace au retard académique que connaissent nos universités. En effet, cette option a déjà montré largement ces limites dans les universités qui l’ont expérimentée et celles-ci en paient toujours les frais.

A l’application mécanique du LMD vient se greffer sa nouvelle variante à savoir le décret portant nouveau régime général des études qui consacre la suppression du droit à la double inscription, la fixation de 07/20 comme note éliminatoire au master, l’impossibilité de conservation de la meilleure note à l’issue de la session de rattrapage, etc. L’application de ces réformes a pour conséquences les mauvais résultats académiques comme c’est le cas en MPCI promotion 2021 qui a enregistré 196 admis sur 1467 sur le procès-verbal de délibération en date du 24 juillet 2023, soit un taux d’échec de 86,64% à la session rattrapage du Semestre 1. En Histoire et archéologie promotion 2021, sur le procès-verbal de délibération en date du 21 juillet 2023, on note 322 admis sur 2676 étudiants soit un taux d’échec de 87,96% en session normale du semestre 2.

Outre cela, on note la volonté manifeste du pouvoir et de ses serviteurs zélés de parachever le processus de privatisation de l’enseignement supérieur public conformément aux orientations des Programmes d’Ajustements Structurels (PAS) à travers la politique de “diversification des sources de financements” et de “maitrise du coût unitaire” (Confer Rapport de la Banque mondiale 1987 “L’Education en Afrique Subsaharienne : pour une stratégie d’ajustement, de revitalisation et d’expansion”). C’est dans ce sens qu’il faut comprendre l’inauguration en grande pompe de l’université virtuelle qui devra accueillir dix mille (10.000) nouveaux bacheliers à en croire le Ministre THOMBIANO au cours de son passage à Koudougou le 20 juillet 2023. Toute chose qui s’est matérialisée par de massives orientations arbitraires, unilatérales et au forceps de plusieurs nouveaux bacheliers par la plateforme Campusfaso dans les filières de l’Université virtuelle au cours des récents résultats de ces deux sessions de demandes d’orientations. Il est important de rappeler que l’orientation des étudiants dans les universités virtuelles par le ministère n’est rien d’autre qu’une autre forme de retour du BAC OCECOS avec les étudiants « intra et extras muros » combattu et rejeté par notre Union dans les années 1999-2000.

Au plan infrastructurel, on note une insuffisance totale des places assises. Le peu de places qui existent sont vétustes, inadaptés et mal équipés contraignant ainsi l’administration à interdire leur usage en période hivernale comme c’est le cas des Pavillons. Pendant ce temps, aucune action n’est opérée allant dans le sens de leur réfection afin d’épargner les étudiants d’un « 31 août 2021 » bis, où 03 étudiants se sont faits broyer par l’écroulement d’une dalle dans l’enceinte de l’Université.

Au plan social, c’est la consternation. L’on assiste à un durcissement des conditions de vie et d’études des étudiants. Le logement n’est accessible qu’à une minorité d’étudiants. Nos résidences universitaires disposent d’une capacité d’accueil de seulement 1.001 lits soit pour moins de 2% des étudiants. Ceux qui y sont logés vivent dans des conditions les plus exécrables (absence d’hygiène et d’assainissement, problèmes récurrents d’eaux et de plomberie, état défectueux des brasseurs, etc.) Parlant des restaurants universitaires, le nombre de plats servis est quasiment insuffisant au regard du nombres d’étudiants dont regorge l’université. En effet, selon l’annuaire statistique MERSI 2022, c’est une enveloppe annuelle (octobre à juillet) de 2.646.499 plats servis au compte de l’UNZ. Ce qui représente en moyenne un ratio journalier de 8.822 plats servis déjeuner et dîner y compris pour environ 70.000 étudiants. Cette insuffisance du nombre de plats amène bon nombre d’étudiants à se retrouver dans les locaux du restaurant universitaire à 04 heures du matin en vue d’espérer se procurer du minimum vital.

Pour ce qui concerne les allocations sociales, elles sont en voie de disparition. Le MPSR II a poursuivi les reformes cyniques du MPP visant à chasser les enfants de notre peuple de l’accès au savoir. La bourse est devenue une denrée rare du fait de son contingentement. A cela, il faut ajouter les mesures consacrant l’impossibilité désormais pour les admis de la session de rattrapage de postuler pour la bourse intermédiaire et l’annulation du droit du boursier en année de licence de conserver sa bourse jusqu’au master. Quant à l’aide, le taux de 175 000 F/l’an est aujourd’hui largement dépassé au regard du coût actuel de la vie. La virtualisation des dépôts de demandes de l’aide est devenue un prétexte facile de rejet des demandes pour des motifs fallacieux. C’est dans ce sens qu’il faut inscrire le rejet massif des milliers de dossiers des demandes de l’aide et du prêt des étudiants de l’UNZ au cours de la deuxième session du FONER.

La situation de crise sécuritaire que vit notre pays n’est pas sans impacts sur le quotidien des étudiants victimes de la guerre. Des étudiants se retrouvent ainsi, non seulement dans l’impossibilité de regagner leur localité d’origine, mais aussi sont plongés dans la psychose, sans nouvelles de leur famille et ou bénéficier de leur soutien. Nombre d’entre eux rencontrent toutes les difficultés pour faire face au coût spéculant du loyer, de la restauration et de l’achat de certains matériels académiques contraignant malheureusement certains à abandonner les bancs. Tout ceci s’opère sous le regard insouciant des autorités politico-universitaires.

Camarades étudiantes et étudiants,

Telle est la partie visible de l’iceberg du point de vue des difficultés qui nous tenaillent. La venue du Ministre de l’enseignement supérieur le Pr Adjirma THOMBIANO à l’UNZ annoncée comme la panacée à la résolution de nos différentes préoccupations et sa rencontre tenue avec les étudiants le 20 juillet 2023 ont permis de comprendre que non seulement, nous ne pouvons pas compter sur les autorités pour la résolution de nos multiples difficultés mais aussi qu’elles manquent de volonté réelle. En effet, pour de simples questions de réfection des toilettes usées par exemple, monsieur le Ministre propose aux étudiants d’instaurer des cotisations et d’instituer des taxes pour l’entretien de ces toilettes.

Pouvait-il en être autrement quand on sait que l’éducation particulièrement l’enseignement supérieur n’a guère constitué la priorité des différents régimes politiques qui se sont succédé à la tête de l’Etat néocolonial y compris le régime actuel ? Pour preuve, le budget global du MESRI est passé de 123 milliards de FCFA en 2021 à 112 milliards en 2023 (soit 3 % environ du budget national) avec des effectifs d’étudiants respectivement de 91 645 et 190 000 environ.

Camarades étudiantes et étudiants

Face à ce long chapelet de difficultés égrenées, nous devons nous convaincre que nous n’avons rien à attendre des autorités actuelles. C’est notre mobilisation sur le terrain à imposer le rapport de force à notre faveur qui permettra de contraindre lesdites autorités à se pencher sérieusement et diligemment sur les problèmes qui nous assaillent. C’est pourquoi, en cette nouvelle rentrée/reprise académique, l’ANEB/Koudougou appelle ses militant-e-s et sympathisant-e-s ainsi que l’ensemble des étudiant-e-s de l’UNZ à :

 témoigner un vibrant élan de solidarité envers les étudiants victimes de la guerre civile réactionnaire dans notre pays ;

 renforcer davantage ses rangs et se mobiliser davantage autour d’elle pour poursuivre les luttes dans le sens de la défense des intérêts matériels et moraux des étudiants ;

 prendre activement part aux activités de sa rentrée syndicale prévues les 20, 21 et 22 octobre 2023.

Elle appelle par ailleurs, l’opinion nationale à faire sienne les problèmes de nos universités en général et ceux de l’UNZ en particulier et à défendre l’accessibilité des universités publiques à tous les enfants de notre peuple afin d’exempter notre nation de l’ignorance et de l’obscurantisme.

Pour une université populaire et accessible aux enfants du peuple, en avant !
Vive l’ANEB/Koudougou !

Vive l’UGEB !

Pain et Liberté pour le Peuple !

Le Comité Exécutif

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