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Politique agricole de l’UEMOA : 20 ans après son adoption, des défis demeurent

Publié le mercredi 11 octobre 2023 à 12h21min

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Politique agricole de l’UEMOA : 20 ans après son adoption, des défis demeurent

Projeté pour être réalisé du 10 au 12 octobre 2023, à Ouagadougou, le colloque régional sur le bilan et les perspectives de la Politique agricole de l’UEMOA, 20 ans après son adoption, a effectivement débuté ce mardi, sous la présidence du ministre de l’agriculture représenté par son conseiller technique, Boukary Savadogo. Cette initiative émane de la Commission de l’UEMOA à travers son département de l’Agriculture, des ressources en eau et de l’environnement. Elle fait suite à une série de concertations nationale et régionale initiée depuis quelques semaines. Les conclusions permettront de parvenir à une nouvelle politique agricole au sein de l’union.

Le secteur agricole est l’un des moteurs de l’économie des pays de l’espace Uemoa. Au cours de la décennie passée, il a contribué en moyenne pour 30% au PIB régional et a engendré autour de 20% des échanges commerciaux. Il procure près de 60% des recettes d’exportation et approvisionnement en matières premières les autres secteurs de l’économie notamment l’industrie et l’artisanat. Selon les pays, il occupe entre 60 à 85% de la population active. Paradoxalement, ce secteur reste confronté à d’énormes difficultés ; parmi lesquelles l’absence d’un cadre attractif pour l’investissement agricole privé, la faible structuration des filières agricoles et la faible productivité des filières prioritaires sur toute la chaîne de valeurs et peine à assurer une production satisfaisante.

La conduite de cette politique a impliqué la mobilisation des organisations agricoles, du secteur privé, ainsi que la commission des institutions spécialisées de l’union (BOAD, BCEAO)

En réponse aux enjeux du développement du secteur agricole, la conférence des chefs d’Etats et de gouvernements de l’UEMOA a adopté en décembre 2001 par acte additionnel, la Politique agricole de l’union (PAU). Objectif : contribuer à relever trois défis principaux à savoir : nourrir la population de l’union en pleine croissance et de plus en plus urbaine ; accroître la production agricole de façon durable par l’intensification, réduire la pauvreté en milieu rural en améliorant le revenu et le statut des agriculteurs. La coordination de la mise en œuvre est assurée par le Département de l’agriculture, des ressources en eau et de l’environnement (DAREN).

Photo de famille

Après deux décennies de conduite de cette politique, le temps est venu d’en faire le bilan des avancées, d’analyser les grandes contraintes rencontrées, de tirer les enseignements et de se projeter sur les années à venir. Tel est l’objectif du présent colloque régional de 72 heures. Au regard de l’importance de cette activité, le représentant du président de la Commission de l’UEMOA, Commissaire Mamadu Serifo Jaquité, a encouragé les participants à ne ménager aucun effort, pour définir les actions stratégiques et opérationnelles à mettre en place pour s’assurer que les politiques agricoles de l’union garantissent une véritable souveraineté alimentaire et nutritionnelle.

De son côté, le chargé du DAREN, le commissaire Nubukpo Kako, a rappelé le contexte des deux décennies de mise en œuvre de la PAU. Selon lui, elles ont été marquées par une forte croissance démographique, des chocs exogènes et endogènes multiples et la redéfinition des organisations supranationales. Ce contexte, à en croire M. Kako, impacte la vie économique et principalement la sécurité alimentaire et nutritionnelle des populations, avec des épisodes de crises dans certains des Etats membres. En outre, les effets combinés du changement climatique, des conflits et des imperfections du marché ont fragilisé le tissu productif du secteur agro-sylvo-pastoral et halieutique et la capacité de résilience des populations. Mais ce n’est pas tout. L’UEMOA enregistre au fil des années un nombre croissant des personnes qui ont besoin d’une assistance alimentaire à certaines périodes de l’année en dépit des instruments de politique déployés pour opérationnaliser la PAU.

Le chargé du DAREN, le commissaire Nubukpo Kako

Au regard de ce qui précède, « le secteur agricole et rural en général mérite que cet exercice d’actualisation puisse être fait dans le sens de changement de paradigme. Nous voulons aller vers la souveraineté agricole et alimentaire. Cette succession de paradigmes, l’autosuffisance puis la sécurité et maintenant la souveraineté alimentaire et agricole, nécessitent la pleine participation des Etats, des organisations, des producteurs, du secteur privé mais aussi des partenaires techniques et financiers à côté des instances sous-régionale et régionale », soutient-il. Au cours de ces trois jours, trois grands défis structureront les travaux de ce colloque régional. « D’abord, le défi du référentiel technique. Comment l’enrichir ? Comment accroître la production pas seulement par l’extension des surfaces mais par l’accroissement de l’intensification. Cela suppose tout le travail de recherche sur les variétés, de suivi des itinéraires techniques, la question de la maîtrise de l’eau. A côté de ce travail d’enrichissement technique se posera un deuxième défi qui est le défi de l’institutionnel. Comment promouvoir les arrangements institutionnels, l’accès aux crédits, à l’assurance, les magasins post-récoltes, les écoles, les dispensaires, les pistes rurales. Et enfin, le troisième défi, la cohérence des politiques publiques. Ces trois défis permettront de façon rigoureuse et objective de tracer les lignes pour une relecture de la PAU. Nous devons, si tout se passe bien, aboutir à une nouvelle PAU », a, pour terminer, indiqué le chargé du DAREN.

L’envoyé spécial de l’Union africaine pour les systèmes alimentaires, Dr Ibrahim Mayaki

Au plan national, l’évaluation des techniciens et acteurs du secteur agricole a relevé des résultats encourageants aussi bien au niveau des productions agricoles, des échanges extérieurs agricoles, de la réduction de la pauvreté rurale, que des réformes publiques agricoles. Malgré tout, la situation alimentaire et nutritionnelle des populations reste préoccupante. Les dernières informations font état de plus de 3 millions de personnes en situation d’insécurité alimentaire pendant la période de soudure.

Selon le représentant du ministre de l’agriculture, Boukary Savadogo, les principales causes de cette situation sont liées aux facteurs conjoncturels sécuritaires et sanitaires que connaît la région, mais aussi structurels. Pour pallier à cette situation, les acteurs nationaux ont retenu de façon consensuelle les défis suivants : augmenter durablement la productivité et les productions des systèmes agro-sylvo-pastoraux et halieutiques, réduire structurellement la dépendance extérieure du pays sur des produits alimentaires de grande consommation et assurer la sécurité alimentaire et nutritionnelle des populations burkinabè dans un contexte de croissance démographique et d’urbanisation galopantes. Le gouvernement a déjà pris le train en marche avec l’initiative présidentielle « un enfant, un repas », le plan de réponse à l’insécurité alimentaire au profit des personnes vulnérables et l’adoption en août dernier d’un plan opérationnel pour la souveraineté alimentaire et la création d’emplois décents dans le secteur agro-sylvo-pastoral, baptisé « offensive agro-pastorale et halieutique 2023-2025 ».

Le représentant du ministre de l’agriculture, Boukary Savadogo, a assuré de la disponibilité du Burkina Faso à jouer pleinement son rôle dans la prise en charge des orientations et recommandations qui sortiront de ce colloque

Cette offensive porte des ambitions affichées de réaliser l’autosuffisance en riz et maïs à cet horizon, avec la relance véritable des filières avicole, piscicole, lait et bétail-viande dans la perspective de création d’emplois décents au profit des acteurs. Pour y arriver, les autorités burkinabè sont engagées sur des réformes volontaristes dont les principales sont la mise en place d’un fonds unique, Fonds de développement agropastoral destiné au financement du secteur agro-sylvo-pastoral et halieutique ; l’élargissement du champ de l’assurance agropastorale aux produits stratégiques retenus dans le cadre de l’offensive ; la facilitation de l’accès des coopératives agricoles aux achats institutionnels de vivres par un mécanisme d’agriculture contractuelle.

« Je me réjouis déjà de l’engagement politique fort exprimé par les autorités et qui va se matérialiser notamment par des mobilisations financières domestiques et publiques conséquentes, signe de notre leadership souverain sur ces questions essentielles de la nation », dira le conseiller technique. En marge de la cérémonie d’ouverture, l’envoyé spécial de l’Union africaine pour les systèmes alimentaires, Dr Ibrahim Mayaki, a intervenu sur la thématique « les enjeux et défis du développement agricole en Afrique ».

Pour permettre à l’Afrique de réaliser pleinement son potentiel, il a insisté sur les ressources budgétaires affectées au secteur agricole qui, du reste, a une dimension multisectorielle. « Il n’est pas normal qu’une économie agricole qui contribue à 40% ou 50% du PIB n’ait en termes d’allocation de ressources que 3 ou 4% du budget. Si cela continue ainsi, nous allons créer des tensions qui seront très difficiles à résoudre », prévient-il. En amont à ce colloque, il a été organisé des concertations nationales et régionales afin d’offrir suffisamment d’espace de discussion à l’ensemble des acteurs autour du thème central du colloque.

Aïssata Laure G. Sidibé
Lefaso.net

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Vos commentaires

  • Le 12 octobre 2023 à 10:39, par kwiliga En réponse à : Politique agricole de l’UEMOA : 20 ans après son adoption, des défis demeurent

    Les "nous autres", on s’en fout, on veut être souverain !
    Et sinon, ces 72h de réunion ont été offertes par qui ? J’ose espérer que c’est par la "communauté internationale", même si pour certains, elle n’existe pas.
    Si nous avons contribué au budget, sans doute aurions-nous mieux fait d’acheter quelque tracteur.
    Heu, sinon, pour rappel et pour éviter toute incompréhension, l’initiative présidentielle « un enfant, un repas », ne signifie en rien que lorsque nous serons totalement affamés, nous en serons réduits à manger nos enfants, ça n’a rien à voir avec ça,... un peu de quand même !

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