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Burkina/Police de l’eau : « Elle veille à la qualité des eaux que nous consommons, protège, conserve et améliore le cadre de vie… », Somouaoga Florentin Garba

Publié le jeudi 14 septembre 2023 à 22h10min

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Burkina/Police de l’eau : « Elle veille à la qualité des eaux que nous consommons, protège, conserve et améliore le cadre de vie… », Somouaoga Florentin Garba

Si tout le monde connaît le rôle régalien de la police qui est d’assurer le maintien de l’ordre public et la répression des infractions, que savons-nous de cette autre police nommément appelée police de l’eau qui contrôle l’eau préemballée que nous consommons, qui protège nos cours et retenues d’eau de la pollution et de l’envasement ? Le chef de la police de l’eau des Hauts-Bassins, Somouaoga Florentin Garba, nous en dit un peu plus sur cette unité de contrôle en matière d’eau.

Lefaso.net : Qu’est-ce que la police de l’eau ?

Somouaoga Florentin Garba : La police de I’eau est un moyen de coordination des actions entreprises par les services existants chargés des missions de prévention, de contrôle et de répression, dans la mise en œuvre de la législation en matière de ressources en eau. La coordination de la mise en œuvre est assurée par le Service police de l’eau (SPE) logé au niveau des directions régionales en charge de l’eau.

Qui fait partie de la police de l’eau ?

La police de l’eau est caractérisée par sa transversalité. Elle met à contribution différents corps, selon le decret N°2008-423/PRES/PM/MAHRHI/MEF/MECV/MS/SECU portant définition, organisation, attributions et fonctionnement de la police de I’eau qui sont : les officiers de police judiciaire (Parquet, officiers de la police nationale et de gendarmerie) ; les agents de police judiciaire (agent de la police nationale et de gendarmerie) ; les agents de la police municipale. Il y a également les agents assermentés des services de l’Etat chargés de l’eau ; les agents assermentés des services de l’Etat chargés de la santé et les agents assermentés des services de l’Etat chargés de l’environnement et des eaux et forêts.

Somouaoga Florentin Garba, chef de la Police de l’eau des Hauts-Bassins

Quelles sont les missions de la police de l’eau ?

La police de l’eau est chargée d’assurer l’application de l’ensemble des réglementations visant à limiter les atteintes quantitatives et qualitatives à l’équilibre de la gestion des ressources en eau superficielles et souterraines ainsi qu’aux milieux aquatiques, du domaine public et privé.

Dans le cadre de leurs missions de police administrative, les agents assurant la police de l’eau ont pour attributions de mener des actions de prévention et de sensibilisation en vue de la protection de la ressource en eau, mettre en œuvre les procédures instituées par la loi d’orientation relative à la gestion de l’eau et ses textes d’application et suivre la mise en œuvre de la législation en matière d’eau. Sur le plan judiciaire, les agents assurant la police de l’eau ont pour attributions de constater les infractions, mener des investigations pour rassembler les preuves, monter le dossier (rédaction de PV, rapport d’expertise, scellés), transmettre au procureur du Faso en vue de poursuite judiciaire et donner leur avis sur les procès-verbaux sur sollicitation du Parquet et participer aux audiences correctionnelles.

Contrôle de structure présentant des risques de pollution de la ressource en eau

Vous effectuez souvent des sorties pour contrôler les producteurs d’eaux préemballées, comment cela se passe concrètement, depuis la détection du lieu de production au contrôle ?

Effectivement, le contrôle des unités de production d’eaux préemballées destinées à être utilisées comme eau de boisson fait partie de nos activités. Sans entrer dans les détails, nous mettons à contribution toutes les structures intervenant en matière de police de l’eau et nous agissons souvent suite à des dénonciations.

Par rapport aux éléments contrôlés par la police de l’eau dans les unités de production d’eaux préemballées, destinées à être utilisées comme eau de boisson, le contrôle se fait d’une part sur les autorisations relatives à des activités qui montrent le niveau d’exigence atteint par le promoteur et aussi l’hygiène dans l’unité de production d’eau.

Ainsi, il est exigé comme documents : l’autorisation d’implantation du forage fournie par le ministère de l’Environnement, de l’énergie, de l’eau et de l’assainissement ; l’arrêté portant avis de conformité environnemental fourni par l’Agence nationale des évaluations environnementales ; l’autorisation d’implantation de l’unité de production d’eau préemballée fournie par le MDICAPME (ministère du Développement industriel, du commerce, de l’artisanat et des petites et moyennes entreprises).

Contrôle de bande de servitude des cours et retenues d’eau

Comme autres documents exigés, il y a l’autorisation de production de l’eau préemballée fournie par le MDICAPME ; l’autorisation de mise à consommation de l’eau préemballée fournie par l’Agence burkinabè de normalisation, de la métrologie et de la qualité ; le protocole avec un laboratoire agréé pour le contrôle de la qualité de l’eau fourni par l’Agence nationale pour la sécurité sanitaire de l’environnement, de l’alimentation, du travail et des produits de santé, ex Laboratoire national de santé publique.

Il est enfin exigé, l’hygiène de l’unité, un nettoyage régulier ; le port de matériel de protection individuelle et la tenue des carnets de santé individuelle.

Quelles sont les difficultés que vous rencontrez ?

Au titre de nos difficultés, nous pouvons relever le manque de centre d’enfouissement technique opérationnel (il en existe pour les déchets ménagers mais non fonctionnels et rien pour les déchets industriels) pour le traitement collectif des déchets ; le refus des boues de vidange issues de certaines industries notamment des huileries au centre de traitement des boues de vidange car le système de traitement ne permet pas de les prendre en compte. Nous rencontrons comme difficultés aussi la non délimitation de la bande de servitude de certaines retenues et cours d’eau et l’insuffisance de moyens financiers et matériels pour les différents contrôles.

Contrôle de Poste d’eau autonome

Quel bilan faites-vous de ces différentes sorties ?

A nos jours, la police de l’eau des Hauts-Bassins a à son actif entre autre environ 5 000 ha de bande de servitude libérées et contrôlées régulièrement sur 8 barrages et 4 cours d’eau depuis 2015. Cela permet de minimiser l’envasement des barrages et cours d’eau et aussi éviter le phénomène d’eutrophisation causé par l’enrichissement de l’eau en matière organique et d’éléments nutritifs qui a pour conséquence la prolifération des plantes aquatiques entraînant le risque accru de mortalité chez certains organismes aquatiques.

Deux cent deux unités de production d’eau de boisson préemballée destinée à être utilisée comme eau de boisson contrôlées depuis 2018 dont 31 en règle, 108 fermés avec payement d’amende (23 050 000 FCFA), traduction en justice (quatre) ou confiscation de matériels de production et 63 en arrêt de production ou en cours de formalisation.

Contrôle d’unité de production d’eau préemballée

Cent trente-huit structures présentant des risques de pollution de la ressource en eau contrôlées (structures privées et publiques) depuis 2016 dont 21 amendées ; 232 postes d’eau autonomes contrôlés depuis 2020 ; mise en place du Comité des usagers de l’eau du barrage de Dieri en 2022.

Quelles sont les sanctions réservées à ceux qui ne respectent pas la règlementation ?

Il est prévu comme sanctions, la suspension temporelle ou permanente de l’activité ; le retrait de l’autorisation, la confiscation du matériel de production, la contravention (amende inférieure à 50 000 FCFA), la sanction pénale…

Pourquoi est-il si important d’avoir une police de l’eau dans un pays comme le Burkina ?

L’eau constitue un facteur incontournable pour le développement socio-économique du Burkina Faso ; pays agricole et sahélien. Elle est non seulement cruciale, mais elle met aussi en jeu de nombreux acteurs dont les besoins et les intérêts sont divers, multiformes et concurrentiels, voire antagonistes au regard de ses multiples usages (domestiques, agricoles, industriels, miniers, pêche, etc.…) d’où la nécessité d’une gestion parcimonieuse. Pour assurer cette fonction, il faut disposer d’un mécanisme ou système qui permet le contrôle et la protection de cette ressource, de même que pour les activités la concernant. Même s’il est vrai qu’une législation spécifique en matière d’eau existe, il est aussi juste de signaler la nécessité d’une structure traitant uniquement de sa protection.

Contrôle de bande de servitude des cours et retenues d’eau

En plus, malgré l’existence de nombreux textes, on note un manque de dispositifs réglementaires et procéduriers à même d’assurer concrètement sur le terrain la régulation et la protection des ressources en eau, des usagers et des écosystèmes aquatiques. Ce qui a pour conséquences, les prélèvements anarchiques d’eau, les rejets anarchiques de polluants, la modification du régime de l’eau et la réalisation d’ouvrages sans respect des normes y relatives.

Il faut dire aussi que les troubles que l’on constate dans le secteur de l’eau sont dus à la non application des textes et au manque de coordination pour l’application des dispositions législatives et réglementaires sur l’eau.

Qu’est-ce la police de l’eau change dans le quotidien des Burkinabè ?

La police de l’eau veille à la qualité des eaux que nous consommons. Elle protège, conserve et améliore le cadre de vie en contrôlant les rejets polluants surtout industriels ; elle protège nos cours et retenues d’eau de la pollution et de l’envasement…

Pouvez-vous citer une ou quelques missions de la police de l’eau qui ont un fort impact dans la vie des Burkinabè alors que ceux-ci ne s’en rendent pas compte ?

Nous pouvons citer le contrôle de la qualité des eaux de consommation. Cependant, l’ensemble des missions visent à protéger tout ce qui est atteinte à l’intégrité de la ressource en eau donc par conséquent, ce sont des activités qui protègent la santé des Burkinabés, qui assainissent leurs cadres de vie et surtout préservent la ressource en eau pour les générations futures.

Quels conseils avez-vous pour les consommateurs ?

Le conseil, c’est de s’assurer de la qualité de l’eau qu’ils payent en consultant par exemple la liste des unités suivies par le ANSSEAT (ex-Laboratoire national de santé publique) publié régulièrement ou se renseigner auprès des directions régionales en charge de l’eau, mais aussi de dénoncer toute unité suspecte pour des fins de contrôles.

Entretien réalisé par Haoua Touré
Lefaso.net

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