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Eléphants de Côte d’Ivoire : Le symbole était trop lourd à porter

Publié le mardi 14 février 2006 à 06h58min

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Il était dit que quatorze ans après la bande de Gouaméné, Didier Drogba et ses camarades n’offriraient pas à la Côte d’Ivoire sa deuxième Coupe d’Afrique des nations (CAN) de football. Vendredi au Cairo Stadium, ils se sont en effet inclinés devant l’équipe hôte du tournoi par 4 tirs au but à 2 après 120 minutes de jeu à l’issue desquelles les deux parties se sont quittées sur un score vierge.

Ce n’est pourtant pas faute d’avoir essayé. Entre un arbitrage peu glorieux, pour ne pas dire franchement partisan par moments (à l’image de ce penalty imaginaire à la 95e minute, heureusement repoussé par le montant droit de Tizié) et le manque de réussite de Drogba, mis sous l’éteignoir par une solide défense égyptienne, quand il ne manquait pas l’immanquable comme à cette fatidique 79e mn, la combativité, la bonne organisation tactique et l’excellente occupation de l’espace par les Ivoiriens n’auront pas suffi pour décrocher la lune.

Cette image du capitaine mordant les filets adverses, à défaut de les transpercer quand il a envoyé dans les nuages cette balle en or qui, en temps normal, est un jeu d’enfant pour lui, a illustré à souhait l’impuissance des poulains d’Henri Michel qui sont passés si près du but.

L’équipe a certes eu du retard à l’allumage, gagnant parfois sans convaincre au premier tour, mais tel un moteur diesel, il a fini par atteindre sa vitesse de croisière au fil des matches. De fait, il y avait longtemps, convenons-en, qu’on n’avait pas vu une équipe ivoirienne aussi talentueuse que compétitive. Même les grosses lacunes défensives, qu’on voyait encore il y a quelques mois pendant les éliminatoires combinées de la CAN et du mondial, ont trouvé solution.

Kolo Touré, la tour de garde, est plus rassurant que jamais, et avec lui, Boka (qui tient un peu du Roberto Carlos), Kouassi Blaise et Fae. Hélas ! tout cela n’a pas empêché qu’ils trébuchent au moment de gravir la plus haute marche du podium. Est-ce parce que cette équipe dont la moyenne d’âge est de 25 ans, n’a pas l’expérience, c’est-à-dire "ces petites choses qui n’ont l’air de rien, mais qui en font la différence" , selon le bon mot de l’ancien Eléphant Gadji Celi ?

Peut-être aussi se sont-ils sentis tellement investis d’une mission qu’elle s’est révélée trop lourde pour les frêles épaules de ces jeunes gens. Et les pieds ont sans doute tremblé devant le poids de la responsabilité.

Pour beaucoup en effet, à commencer par les joueurs eux-mêmes, ils devaient conquérir ce trophée pour mettre du baume au cœur des Ivoiriens, englués depuis trois ans dans une crise sans fin. Et du même coup montrer à leurs compatriotes, notamment aux politiciens qui n’arrêtent pas de se chamailler, la voie à suivre, celle de la solidarité, de l’union et de la symbiose entre les filles et fils de ce pays.

A l’image du onze national où des Zokora, des Boka, des Drogba, des Kouassi côtoient des Touré, des Koné, et même des Dindané, tous concourant au même but. Il n’est pas sûr que l’effet CAN aurait déteint positivement sur le processus de paix, car coupe ou pas coupe, Blé Goudé va continuer à tacler le premier ministre Charles Konan Banny ou l’ONUCI, et Gbagbo va toujours marquer à la culotte son adorable rival Alassane Dramane Ouattara, même s’il s’est résolu à le laisser compétir.

Mais pour le symbole, cette constellation akan-dioula-yacouba-"mossi"... était suffisamment forte pour qu’on y résiste, même si personne ne se faisait d’illusion sur cette politique du football qui est souvent éphémère. Le délit de faciès ou de patronyme sur les trottoirs parisiens, dans l’embauche ou la location des HLM, a-t-il changé après 1998 et ce mélange black-blanc- beur qui a donné à la France sa première coupe du monde ?

Ce qui est sûr par contre, c’est la récupération politique à laquelle donnent droit inévitablement les succès sportifs sous tous les cieux. Et en cas de victoire des Eléphants, Laurent Gbagbo ne se serait pas privé de se donner le beau rôle en y voyant un effet de son aura personnelle voire une bénédiction divine qui aurait fait une fois de plus la nique aux "assaillants", déjà privés, comme on le sait, de CAN. Même battus, le "pasteur" Jean-Jacques Tizié et ses coéquipiers qui, il est vrai, n’ont pas à rougir de cette défaite, bien au contraire, ont été reçus dès leur retour samedi à Abidjan par le chef de l’Etat ivoirien.

Cela après avoir traversé, sous les acclamations de milliers de supporters, une partie de la ville à bord de véhicules militaires parés aux couleurs ivoiriennes. Tout un symbole pour ces combattants qui étaient allés au front et qui sont tombés les armes à la main. Alors, vous imaginez s’ils avaient vaincu ! Mais qu’importe tout cela, on aurait tant aimé que nos voisins Ivoiriens gagnent. Après tout, Gbagbo n’est pas le sélectionneur de l’équipe, et Blé Goudé n’en est pas le capitaine.

Observateur Paalga

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