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Retrait de la MINUSMA du Mali : L’Afrique par dépit chasse les soldats de la paix qui, à ses yeux, maintiennent la guerre

Publié le samedi 1er juillet 2023 à 23h30min

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Retrait de la MINUSMA du Mali : L’Afrique par dépit chasse les soldats de la paix qui, à ses yeux, maintiennent la guerre

Le clap de fin de la Mission multidimensionnelle intégrée des nations unies pour la stabilisation du Mali (MINUSMA) a pris fin le vendredi 30 juin 2023 par une résolution du Conseil de sécurité adoptée à l’unanimité. Il n’y a pas eu de bras de fer sur la volonté malienne de mettre fin sans délai au mandat des Casques bleus. Ce sont les conditions du départ qui ont été négociées.

Le Mali, après avoir mis à la porte les soldats français de Barkhane, ceux européens de Takuba, renvoient les derniers étrangers présents sur son sol, à l’exception des Russes. Il ne reste plus que les instructeurs ou mercenaires russes auprès des Forces armées maliennes (FAMA). Pourquoi cette demande de retrait ?

Avant les Maliens, on a vu la population à Goma s’en prendre aux soldats de la mission de l’Organisation des nations unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO) lors de la résurgence des attaques du groupe armé rebelle M21 en juillet 2022.

Les missions de maintien de la paix des Nations unies dans le format actuel ne sont pas des vaccins contre la guerre, elles ne soignent pas les causes du mal et figent la situation dans le meilleur des cas dans une situation de ni guerre ni paix à cause de leur mandat. L’Organisation des nations unies doit résoudre ce problème du mandat de ces nombreux militaires en voyage touristique, selon un chef d’Etat africain.

MINUSMA, une mission coûteuse et meurtrière

Voilà dix ans que 53 pays ont décidé de porter secours au Mali à travers la MINUSMA qui est l’opération de maintien de la paix des Nations unies la plus coûteuse (1,2 milliard de dollars par an) parce qu’elle se déroule dans un pays vaste, le deuxième pays le plus étendu d’Afrique. Elle mobilisait 11 500 militaires, 1 500 policiers 1 800 civils déployés dans 11 bases au nord et au centre du Mali. Ils sont 174 Casques bleus qui ont été tués au Mali, depuis 2013 : c’est un record au niveau des pertes en vies humaines pour une mission de l’ONU.

La MINUSMA, c’est aussi 63 aéronefs, dont seize avions qui permettaient de relier Bamako aux zones à haut défi sécuritaire du nord et du centre du pays. L’administration malienne avait aussi recours à ces liaisons aériennes. Les discussions sur les modalités du retrait vont concerner aussi le transfert des bases et de la logistique. Certains ne seraient pas favorables à ce que le matériel de l’ONU soit utilisé par la milice privée russe Wagner. Le dead line du retrait est le 31 décembre 2023, soit six mois pour plier bagage. C’est différent du retrait de la MONUSCO qui va se faire graduellement à partir de 2024.

Quand le 16 juin 2023, le ministre des affaires étrangères malien, Abdoulaye Diop, exigeait le « retrait sans délai » de la MINUSMA devant le Conseil de sécurité, personne ne pensait que l’affaire allait passer comme une lettre à la poste. Le patron de la MINUSMA, El Ghassim Wane, a rappelé que : « Le maintien de la paix est basé sur le principe du consentement du pays hôte, et sans ce consentement, les opérations sont presque impossibles ».

Le massacre de Moura, point d’orgue de la crise

Les Nations unies font face à une insatisfaction des pays qui accueillent les missions de maintien de la paix parce que le mandat des forces onusiennes ne leur permet pas de faire la guerre et de battre militairement les groupes armés auxquels ces pays sont confrontés. Et les populations civiles qu’elles sont censées protéger ne sont pas non plus contentes comme elles l’ont exprimé au Congo il y a un an. Le second volet de ces missions concernant les conditions du retour de la paix est une problématique complexe qui veut agir sur les négociations entre belligérants, le retour de l’administration, les écoles et services de santé qui nécessite plusieurs programmes sur plusieurs années, alors que les populations sont impatientes.

Les missions de maintien de la paix doivent revoir leur format, le principe de forces d’interposition, semble geler la crise et celle-ci perdure et se prolonge tout comme la mission qui n’a pas d’horizon. Le pouvoir de transition malien, après avoir chassé la force Barkhane, avait la MINUSMA dans son viseur surtout pour ses activités de protection des droits de l’homme. Il a ouvert une enquête judiciaire pour « espionnage, atteinte à la sûreté extérieure de l’Etat et complot militaire » contre les enquêteurs onusiens et leurs « complices » ayant participé au rapport de l’ONU sur le massacre de Moura, un village dans lequel des centaines de personnes ont été tuées par l’armée malienne et Wagner en mars 2022 selon l’ONU. Le rapport sur le massacre de Moura est le point d’orgue de la crise entre le pouvoir malien et la MINUSMA qui est neutre sur cette question puisqu’elle avait épinglé aussi les militaires français qui ont tiré (frappes aériennes) sur des populations civiles lors d’un mariage dans la localité de Bounti en 2021.

La MINUSMA n’aura plus le droit de faire des observations sur les droits de l’homme, ni de protéger les civils à partir du 1er octobre 2023. Elle prend fin, mais le Mali reste membre de l’Organisation des nations unies et les rapports entre les deux entités vont continuer. Le Mali essaie de prendre son destin en mains par cette décision.

L’Afrique est le continent où il y a le plus de missions onusiennes de maintien de la paix parce qu’il est celui où il y a le plus de crises et de conflits. Le sentiment général est que les missions onusiennes ne sont pas des remèdes à ces crises. Les populations ont l’impression que les missions, MINUSMA et MONUSCO essaient de lutter pour leur survie, donc pour la guerre, ce qui est la conséquence de leurs mandats.

Toutes les missions onusiennes en Afrique néanmoins ne sont pas des échecs. La MINUCI a atteint des objectifs louables en ramenant la paix, en démobilisant les combattants des Forces nouvelles et en organisant des élections en Côte d’Ivoire.

Sana Guy
Lefaso.net

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