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Mode : Koro DK, celle qui voulait travailler à tout prix

Publié le mercredi 8 mars 2023 à 23h30min

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Mode : Koro DK, celle qui voulait travailler à tout prix

Elle est l’une des figures féminines les plus en vogue dans le domaine de la mode burkinabè. Elle évolue dans la mode depuis plus d’une vingtaine d’années. Ses créations dans la haute couture et son abnégation au travail font d’elle une source d’inspiration. Zoom sur la styliste Korotimi Dao, alias Koro DK.

Elle est la présidente du Réseau des industries de la mode du Burkina (RIM-BF) qui est le plus grand regroupement de professionnels du domaine dans le pays. Korotimi Dao fait parler d’elle grâce à sa marque de vêtements, Koro DK Style. Et pourtant, les cartes semblaient ne pas lui prédire une aussi brillante carrière. Native de Pompoï, dans la province des Balé, région de la Boucle du Mouhoun, la petite Korotimi est issue d’une famille nombreuse de 17 frères et sœurs. Son paternel a épousé quatre femmes. Sa mère, elle, a mis au monde des filles.

Pour ses études supérieures, Korotimi décide d’opter pour la comptabilité. On est loin de sa vie actuelle, mais, petit retour en arrière. La mode, elle l’a dans le sang.

Dans le monde professionnel, « il n’y a pas d’échecs, mais des leçons », confie Koro DK

Son père a été couturier. Il était même très célèbre dans la province. Dans son enfance, elle prend des notes auprès de lui. Un jour, ce dernier offre à sa mère une machine à coudre. Ce cadeau fait à sa mère va révéler la fibre entrepreneuriale de la jeune Korotimi qui s’en accapare pour coudre des sous-vêtements pour les petites et les jeunes filles, et se rend régulièrement dans le marché du village pour les vendre. « Je poursuis l’œuvre de mon père. Je crois que jusqu’à présent, il veille sur moi », aime-t-elle à dire.

Dès lors, sa passion pour la mode ne la quittera plus jamais. Pour se perfectionner, Koro DK s’envole pour l’Europe afin de suivre des cours dans une école de mode. Une fois à Paris, tout ne se passe pas comme prévu. On lui demande d’apprendre le dessin, chose qu’elle ne sait pas faire. Mais sa détermination ne faiblit pas. Elle décide alors de s’inscrire à Joffrin Byrs pour s’essayer à l’art du dessin pendant un an. A la suite de cette expérience, elle part étudier dans la prestigieuse école de mode parisienne ESMOD, où elle obtient un diplôme en stylisme-modélisme.

Koro DK privilégie les robes de soirée dans ses collections.

Rester à la maison ? Un non catégorique

Dans les années 90, Korotimi Dao épouse l’élu de son cœur. Cette union l’a fait voyager jusqu’en Arabie Saoudite. Mais cette aventure la chiffonne sur un aspect. Là-bas, les femmes ne travaillent pas. Cette situation lui déplaît fortement. Elle qui faisait du commerce depuis son Burkina natal ne se voit pas être dépendante financièrement de son mari. « Un jour, j’ai dit à mon mari que c’est impossible pour moi de ne pas travailler. Comment dans un pays aussi riche, les femmes ne peuvent pas travailler ? Nous, on est dans un pays soi-disant pauvre, mais on travaille. Chez nous, il y a la liberté. Je ne peux pas rester à la maison les bras croisés et toi tu vas venir me nourrir », se souvient-elle.

Son époux lui demande alors ce qu’elle désire faire. Elle lui rappelle alors que toute petite, elle faisait de la couture. Son souhait est de continuer dans cette lancée. Son époux lui remet alors 5 000 rials, ce qui est l’équivalent 750 000 F CFA. Cette somme est utilisée pour l’achat de deux machines à coudre. Après cette étape, il fallait trouver des couturiers. Le chemin est encore parsemé d’embuches. En Arabie Saoudite, les femmes n’ont également pas le droit de conduire. C’est son chauffeur, un Malien, qui l’accompagne au souk d’Albarta pour trouver des couturiers. « Là-bas, on ne peut pas s’adresser directement à un homme. J’avais un chauffeur malien qui parlait mieux l’anglais que moi. C’est lui qui était mon intermédiaire. On était dans un quartier diplomatique, on a demandé s’ils sont prêts à venir dans le quartier. Ils ont accepté, l’aventure a commencé comme cela », s’est-elle remémorée.

Un style propre à Koro DK

Sa vie en Arabie Saoudite a influencé ses créations. Les férus de la mode burkinabè constateront que la signature de la marque Koro DK Style est son penchant pour les robes de soirée. Elle ne s’en cache pas. « L’Arabie Saoudite a influencé mes créations. Là-bas, la femme, ce n’est pas seulement le hijab et les longues robes noires qu’elles portent. Quand il y avait des soirées entre femmes, c’est là-bas qu’elles changent de tenues. Elles portaient des robes de soirée. J’ai même organisé des défilés dans ce pays. Je travaille surtout sur des robes de soirée. Elles rendent la femme plus belle, elles lui donnent de l’aura et de l’aisance », a-t-elle confié.

Korotimi Dao a été distinguée chevalier de l’ordre national du mérite des arts, des lettres et de la communication, et chevalier de l’ordre du mérite du commerce et de l’industrie.

La marque propose également des tenues pour hommes et enfants. Les tissus de prédilection de Koro DK sont le Faso danfani, le koko dunda, la soie, la dentelle, etc. La particularité de Koro DK est sa broderie. « Une femme bien habillée avec une ceinture brodée, on va immédiatement dire que c’est du Koro. Les coupes de mes robes de soirée sont différentes des autres. Le cou des robes est brodé et cela fait qu’on n’a plus besoin de porter des bijoux. Même dans le choix des tissus, j’apporte mon empreinte. Pour le Faso danfani par exemple, je crée les motifs avec les tisserands », a-t-elle souligné.

Son modèle dans le domaine de la mode est le défunt couturier malien, Chris Seydou. Il a œuvré à faire la promotion du bogolan. Elle, rêve que le Faso danfani inonde le marché international et qu’avant tout, chaque Burkinabè ait une tenue avec ce tissu ; car, dit-elle, « je trouve cela dommage qu’on ne s’habille pas avec les tenues de chez nous. Il faut que le gouvernement accompagne les métiers de l’art. Il faut industrialiser la mode ».

Korotimi Dao dit déplorer le manque de soutien dans le domaine de la mode au Burkina Faso. « On manque de sponsors quand on organise des évènements. Au Burkina, il faut connaître quelqu’un qui connaît quelqu’un pour t’aider. Ton travail ne t’ouvre pas des portes. Petite confidence : pour être sur certains podiums, il fallait que quelqu’un m’aide. C’est Pathé’ O qui a vu mon potentiel et m’a aidée. Il faut changer de mentalité », a-t-elle déploré. Cependant, elle ne dépeint pas tout en noir. Ses créations vont au-delà du Burkina Faso. Défilés en Arabie Saoudite, aux USA, à Paris, elle a également été sur les podiums de la plupart des pays de la sous-région, excepté le Nigéria. « Les bons souvenirs, c’est quand tu vois tes habits traverser les frontières de ton pays », a-t-elle dit dans le sourire.

Quelques créations de la styliste.

Une cheffe appréciée

Si au début, l’entreprise de mode employait trois personnes, aujourd’hui, elle compte une vingtaine de travailleurs en son sein. Pour plus de professionnaliste dans le rendu des employés, la « boss » a quatre stratégies : « la communication, la proximité, la charité et la formation perpétuelle », a témoigné Abdoulaye Compaoré, brodeur et chef d’atelier qui travaille avec elle depuis cinq ans. « C’est une personne exceptionnelle et humaniste », l’a-t-il décrite en une phrase. Pour son assistante, Sali Rabo, elle est perfectionniste et assidue.

Comme son collègue, elle confirme que sa « patronne aime communiquer avec tout le monde. Elle regarde tout le travail, surtout au niveau des finitions des tenues, afin de s’assurer que tout a été respecté. A la question de savoir comment elle se décrirait personnellement, Koro DK répondra : « Je n’aime pas l’hypocrisie, j’aime être franche. Je ne peux pas concevoir le manque de charité. Même si tu n’es pas riche, il faut aider les autres à ta manière ».

Ce sens du partage, elle l’a matérialisé à travers "Mod’Afrik", un évènement caritatif de mode qui a lieu tous les deux ans et dont le but est d’aider les personnes démunies. A ceux qui désirent travailler dans le domaine de la mode, Koro DK conseille d’être avant tout des passionnés. Elle préconise également la formation. Elle atteste que le métier de stylisme nourrit son homme ou du moins, « sa femme ». « Le métier nourrit son homme quand on s’y prend bien. Quand tu veux en faire ton métier, il faut te faire former. Aucun métier n’est supérieur à l’autre », a-t-elle conclu.

SB
Lefaso.net

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