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Obligation pour les filles de « Tounouma garçon » de se couper les cheveux : Une décision qui fait polémique, l’administration s’explique

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Publié le mardi 18 octobre 2022 à 12h49min

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Obligation pour les filles de « Tounouma garçon » de se couper les cheveux : Une décision qui fait polémique, l’administration s’explique

Le 6 octobre 2022, un site d’information bobolais publiait une information selon laquelle des parents d’élèves du collège de « Tounouma garçon » de Bobo-Dioulasso étaient en colère suite à une note de l’administration qui obligeait les filles de l’établissement à se couper les cheveux. Une information relayée sur les réseaux sociaux et qui a suscité des commentaires dans tous les sens. Nous avons tenté d’avoir la version de l’administration qui était restée jusque-là silencieuse face à la situation, afin « d’éviter les polémiques ».

Contrairement à l’information qui circulait sur les réseaux sociaux faisant cas de manifestations de parents d’élèves face à cette « mesure disciplinaire », l’administration du collège de « Tounouma Garçon » rassure. Loin de vouloir polémiquer sur la décision, l’administration a salué le sens élevé des parents qui ont compris la démarche et qui y ont adhéré. Si au départ la décision n’était pas acceptée par des parents d’élèves et des élèves eux-mêmes, aujourd’hui, ces derniers semblent se résigner. C’est le constat que nous avons fait le mardi 11 octobre 2022, lorsque nous avons approché certains. Sur un effectif de 248 filles inscrites au sein de l’établissement, à la date d’aujourd’hui, seulement deux ne répondent toujours pas à l’appel dont la fille du couple K. pour qui la quinine ne passe pas.

A en croire l’administration, c’est ce couple qui serait à la manœuvre. En témoigne la note qu’il aurait adressée au premier responsable du collège. En effet, dans cette note signée de ce couple et « non des parents d’élèves » comme cela a été mentionné dans certains écrits, il évoque plusieurs raisons pour marquer son désaccord sur cette décision portant sur la coupe des cheveux des filles.

Dans la note que nous avons pu consulter, le couple marque son désaccord. Il estime que la mesure est discriminatoire et ne répond à aucun code de nos sociétés traditionnelles et de la culture au Burkina. La mesure ne répond non plus à aucun texte qui régisse la tenue et l’apparence des filles au niveau du ministère en charge de l’enseignement, rappelle le couple qui fait aussi remarquer qu’il n’a pas été prouvé que la chevelure des femmes soit un frein à leur épanouissement ou à leur travail intellectuel. Pour eux, c’est tout simplement une violence faite aux filles, au même titre que l’excision ou toute autre mutilation que subissent les femmes du simple fait de leur genre.

Cependant, face à certains points évoqués par le couple, l’administration a tenu à apporter des éclaircissements. A l’en croire (l’administration), cette décision n’a pas été prise de façon unilatérale. C’est lors des journées pédagogiques tenues les 16 et 17 septembre 2022 que des mesures ont été prises « visant à favoriser et à faciliter l’apprentissage des élèves ».

Ces mesures disciplinaires sont, entre autres, l’interdiction du port et de l’utilisation du téléphone portable dans l’enceinte de l’établissement et dans les salles de classes, l’obligation pour les filles de se couper les cheveux (coupe simple et courte) et l’obligation de respecter le modèle de jupe et de pantalons arrêté par l’administration. Les journées pédagogiques ont réuni environ une cinquantaine de participants dont les membres de l’administration, les enseignants, des représentants des élèves. L’association des parents d’élèves était conviée à cette rencontre et « pour des contraintes elle n’a pas pu se faire représenter ». Aux dires de l’administration, l’association des parents d’élèves a pris acte des décisions et elle a salué l’initiative.

Pour le premier responsable du collège, ces mesures visent à mettre de l’ordre et de l’harmonie au sein de l’établissement. « Les coiffures des filles partaient dans tous les sens et il fallait qu’on arrive à harmoniser les choses. Pour un établissement qui se respecte, il y a des choses à bannir en son sein », a-t-il expliqué. A l’en croire, cette décision a été mûrie depuis le deuxième trimestre de l’année scolaire écoulée, où l’établissement a eu à initier une semaine de coupe de cheveux pour tous les élèves. Cette mesure, selon lui, visait à préparer déjà les apprenants. A la rentrée scolaire de cette année, les élèves ont été informés de l’adoption de cette mesure et l’administration a donné un délai pour toutes les filles, afin que celles qui ne s’étaient pas coupé les cheveux puissent le faire. « Le délai épuisé, certaines filles gardaient toujours leurs cheveux. C’est ainsi que l’accès de l’établissement leur a été refusé », nous conte le directeur de l’établissement.

Une mesure incomprise…

Face à cette mesure obligeant les filles à se couper les cheveux, des parents d’élèves ont entrepris des démarches auprès de l’administration afin que celle-ci puisse annuler la décision. Même scénario du côté des élèves qui ont approché aussi l’administration. Et toutes ces tentatives sont restées vaines. Néanmoins, ces démarches dites pacifiques ont été saluées par le premier responsable de l’établissement qui, du même coup, a déploré l’attitude du couple K.

A en croire l’administration, c’est ce couple qui serait à la base des polémiques autour de la décision car il aurait menacé d’user de tous les moyens pour que cette mesure soit purement annulée. « Lorsque nous avons reçu M. K., il nous a fait savoir que cette mesure a traumatisé sa fille et que, s’il fallait user de son portefeuille pour avoir raison, il le ferait. Il dit avoir saisi le bâtonnier, la direction de l’éducation, le gouvernorat et même l’association des femmes juristes. Nous constatons que c’est devenu une affaire personnelle parce qu’actuellement toutes les filles se sont pliées à la décision à l’exception de deux filles, dont celle du couple, qui ne sont plus revenues. Aujourd’hui, nous nous demandons les motivations réelles de ce dernier », a déploré du côté de l’administration, qui dit avoir dressé également un procès-verbal aux autorités en charge de l’éducation de la région.

Par ailleurs, l’administration dit prendre acte des « menaces » de monsieur K. et l’invite à savoir raison garder. Pour elle, l’annulation de la mesure ne relève pas des compétences de l’administration seulement car cette décision ayant été prise lors des journées pédagogiques, avec plusieurs acteurs.

Carine Sanou, une mère d’élève, salue cette mesure à sa juste valeur. Selon elle, il est important que la coiffure des élèves, filles comme garçons, soit surveillée au même titre que leur tenue vestimentaire. Car, dit-elle, cela a pour but d’éviter les débordements. Pour elle, l’école c’est l’éducation, « et les élèves doivent le savoir parce que pour éduquer un enfant, il faut être stricte sur les règles. Et si les responsables du collège ont pris cette décision, nous ne pouvons que les accompagner », a-t-elle dit.

Quant à la mère de l’élève Audrey, elle nous a expliqué qu’elle n’était pas pour que sa fille se coiffe. « Quand elle m’a expliqué, j’ai voulu me rendre à l’école pour m’y opposer. Mais en discutant avec son papa, j’ai compris le bien-fondé de la mesure. Donc, il est nécessaire de sensibiliser les autres parents d’élèves afin qu’ils puissent comprendre également. C’est comme ça qu’ils finiront par se résigner car les cheveux, ça repousse », a-t-elle conseillé.

Même son de cloche chez Mr Konaté qui salue cette mesure disciplinaire. « Plusieurs arguments sont évoqués pour justifier cette mesure dont la raison de discipline. Nous ne pouvons qu’accompagner cette décision car elle permet à la jeune fille de gagner du temps pour étudier au lieu de passer des heures à se coiffer. C’est moins de dépense pour les parents également », ironise-t-il, un léger sourire aux lèvres.

Un autre parent d’élèves, sans verser dans le laxisme, aurait souhaité qu’on permette aux filles de se tresser avec leurs cheveux sans que cela n’empiète au règlement intérieur. « Si la décision de couper les cheveux des filles est motivée par des coiffures fantaisies, pourquoi ne pas interdire lesdites coiffures ? Pour moi les cheveux symbolisent la féminité et la majorité des filles souhaitent garder les cheveux longs. Il était peut-être préférable de laisser le choix aux jeunes filles », a suggéré ce dernier qui, du reste, affirme s’être plié à la décision disciplinaire.

Cependant, les arguments évoqués par les éducateurs pour justifier d’imposer les cheveux courts aux filles ne convainquent pas les concernées. C’est le cas de cette élève qui a préféré garder l’anonymat. Bien qu’ayant les cheveux coupés, elle ne manque pas de rappeler que cela a été fait contre son gré. Si ça ne tenait qu’à elle, elle serait allée voir ailleurs. Mais rien ne garantissait que l’herbe y soit plus verte et ses parents qui avaient le dernier mot ne comprenaient pas pourquoi elle en faisait tout un drame. Ce n’était que des cheveux et ils allaient repousser. C’est ainsi qu’elle a dû renoncer à ses cheveux. De son côté, l’élève Audrey, elle dit avoir mal vécu cette expérience car pour elle, c’est une partie de leur beauté et leur féminité qui leur est arrachée. Toutefois, elle dit craindre le regard moqueur de certaines personnes face à la forme des têtes. Pour celles qui disent ne pas comprendre l’importance de la mesure, c’est une injustice.

Face à cette catégorie de filles, il y a celles aussi qui apprécient la mesure. Parmi elles, Nadia, qui salue cette décision. « Tout le monde sait que dans les établissements catholiques ils ne plaisantent pas avec le règlement intérieur. Lorsque j’ai vu la note, je me suis fait couper les cheveux », a-t-elle relaté. Pendant que les unes s’insurgent, pour les autres ce n’est rien de bien grave. Tout comme cette jeune fille, toutes les autres filles de l’établissement se sont coupé les cheveux courts pour se conformer aux règles de leur école au risque de se voir expulser. Quant à l’administration, elle reste ferme sur la décision car pour elle, il est nécessaire d’inculquer des valeurs aux apprenants. Et cette mesure non seulement vise à imposer la rigueur au sein de l’établissement, mais aussi va permettre d’harmoniser la coiffure des jeunes filles.

Romuald Dofini
Lefaso.net

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