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« Le poste de Zéphirin Diabré est la synthèse parfaite des cinq absurdités du gouvernement », Diakalya Traoré, secrétaire général du syndicat des magistrats burkinabè

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Publié le mercredi 13 janvier 2021 à 23h20min

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« Le poste de Zéphirin Diabré est la synthèse parfaite des cinq absurdités du gouvernement », Diakalya Traoré, secrétaire général du syndicat des magistrats burkinabè

Les réactions continuent au sujet de la formation du gouvernement Dabiré II. Dans les lignes qui suivent, Diakalya Traoré, juge au Tribunal de grande instance de Bobo-Dioulasso, par ailleurs, secrétaire général du Syndicat des magistrats burkinabè (SMB), a répondu, le 12 janvier 2021, à quelques questions que Lefaso.net lui a posées sur le nouvel exécutif. Au sujet de la ministre de la Justice, il révèle que sa nomination a été applaudie par la majorité écrasante des magistrats. Par contre, concernant le ministre d’Etat, Zéphirin Diabré, chargé de la réconciliation nationale, M. Traoré fustige. Il voit en son poste des « absurdités qui caractérisent la configuration et la logique du gouvernement ».

Lefaso.net : Quel commentaire par rapport aux nouveaux ministres de ce gouvernement ?

Diakalya Traoré : Je n’ai pas de commentaire particulier relativement aux nouveaux ministres ; je constate simplement que S.E.M le Président du Faso a procédé plutôt à un simple remaniement ministériel, comme l’avait prédit le Pr Ousséni ILLY, qu’à la formation d’un nouveau gouvernement ; en tout état de cause, la question fondamentale est de savoir si les lettres de missions assignées aux différents ministres répondent véritablement aux aspirations du peuple burkinabè.

Ils ont dit que le Président du Faso les a invités à la « culture du résultat ». Pensez-vous qu’ils seront à la hauteur ?

Je ne m’aventurerai pas dans des spéculations divinatoires mais je pense que tout dépendra du résultat qu’ils cherchent à atteindre ; dans cette logique, s’il s’agit de parachever le processus de la remise à plat des rémunérations sous le couvert du format litigieux de l’IUTS, de faire adopter l’avant-projet de loi organique portant sur les principes fondamentaux de la fonction publique, ce sont les rapports de force en présence qui détermineront les résultats à atteindre.

Quelle est votre réaction par rapport au poste de Zéphirin Diabré et la mission qui l’attend ? Pourra-t-il relever le défi ?

Le poste de la réconciliation nationale occupé par M. Zéphirin Diabré est la synthèse parfaite des cinq (05) absurdités qui caractérisent la configuration et la logique du gouvernement :

  Une absurdité congénitale : l’éclosion d’un département ministériel en charge de la réconciliation nationale rattachée à la Présidence du Faso contraste avec le propos inaugural de son S.E.M le Premier Ministre Christophe Dabiré, propos dans lequel il fait l’apologie de la crise sociale en invoquant la réforme des rémunérations, donc la baisse du pouvoir d’achat des travailleurs, parmi les priorités du gouvernement ;

  Une absurdité téléologique : à écouter les discours de certains hommes politiques, la réconciliation souhaitée est synonyme d’impunité car ils résument la réconciliation du peuple burkinabè avec lui-même au retour des personnalités qui sont poursuivies par la justice pour des crimes de sang et crimes économiques qui ont marqué l’histoire socio-politique de notre pays ; alors qu’au-delà des familles des victimes, le peuple burkinabè tient à ce que ces dossiers soient jugés et que leurs auteurs s’assument pleinement devant l’histoire ;

  Une absurdité dans la sociologie du groupe des ministres qui composent le gouvernement : la crise sociale a atteint son paroxysme dans le dernier virage du premier mandat du Président Kaboré avec l’arrivée de certains à la tête des départements ministériels ; des attaques ciblées ont été engagées contre les travailleurs en général et en particulier contre des responsables syndicaux ; certains se sont même plu à "réclamer des incidents’’ dans leur ministère ; je constate que la majorité des ministres de cet acabit a été reconduite ;

  Une absurdité idéologique : ce gouvernement est un terreau fertile des idéologies politiques qui se neutralisent réciproquement : il regroupe les libéraux et socialistes, les soi-disant communistes et libéraux, les sankaristes d’inspiration marxiste-léninistes et sankaristes libéraux, les apologues de l’impérialisme et les anti-impérialistes, etc.

  Enfin, une absurdité conceptuelle et méthodologique : la prolifération des institutions en charge de la réconciliation nationale et de la cohésion sociale tranche avec les actes et propos du gouvernement ; en d’autres termes, la démultiplication des institutions chargées de la réconciliation, qui sont du reste budgetivores, concurrencent paradoxalement avec la démultiplication des actes conflictuels et conflictogènes du gouvernement. Vous avez dans un même pays un Haut Conseil pour le dialogue social, puis un Haut Conseil pour la réconciliation et l’unité nationale (HCRUN), ensuite un ministère en charge de la cohésion sociale et surabondamment un ministère d’État en charge de la réconciliation nationale et de la cohésion sociale auprès de la présidence du Faso.

L’’on aurait pensé a priori que cela reflète une certaine volonté politique d’unir verticalement les gouvernants et gouvernés et, horizontalement, les gouvernés entre eux, même s’il n’existe pas au fond un problème substantiel entre ces derniers ; pourtant, du jour au lendemain on assiste à des décisions gouvernementales qui s’inscrivent en marge de la légalité administrative et même du droit de façon générale telles que les révocations des agents, les retenues illégales des traitements et salaires, l’inexécution des décisions de justice, la gestion personnalisée des départements ministériels, les actes individuels de vengeance de certains ministres contre des agents de leurs départements avec le silence complice du chef de l’État et du Premier ministre et enfin la fermeture hermétique du gouvernement au dialogue social au mépris des engagements nationaux et internationaux du Burkina Faso !
De ce fait, il est plus qu’évident que si la dynamique du système est maintenue, l’échec de M. Diabré est d’avance consommé.

Quelles sont vos attentes vis-à-vis de votre ministre Kibora ?

La nomination de madame Ouédraogo/Kibora Victoria a été applaudie par la majorité écrasante des magistrats, certainement au regard de sa personnalité et de sa vision de la magistrature qui n’est pas fondamentalement contraire à celle des syndicats ; nous espérons que contrairement à son prédécesseur qui a renié ses convictions syndicales une fois à la tête du ministère, elle ne participera pas à égrener le chapelet des pages tristes de l’histoire de la magistrature burkinabè ; dans cette dynamique, nous avons plusieurs attentes à court et moyen termes :
  A court terme, nous attendons sa contribution active à :

 La restitution des retenues illégales opérées sur les traitements ;
 L’arrêt immédiat des projets et actions tendant à remettre en cause les acquis de la magistrature tels que la baisse du pouvoir d’achat des magistrats, les atteintes à l’indépendance de la magistrature, à l’autorité des décisions judiciaires (notamment les offenses et l’inexécution des décisions de justice), etc. ;
 La lutte contre l’impunité dans la magistrature à travers surtout la tenue effective des conseils de discipline des différents corps professionnels qui composent son département ;

 La normalisation des juridictions et leur dotation conséquente en logistique ;
  A moyen terme, nous attendons :
 Le parachèvement de la mise en œuvre effective du Pacte national pour le renouveau de la justice ;

 L’autonomie effective du Conseil supérieur de la Magistrature (CSM) sur les plans budgétaire, matériel, personnel et organique ;
 La création d’une école de formation des magistrats dotée d’une feuille de route basée sur des curricula de formation élaborés en cohérence avec les besoins des juridictions ;

 La création d’un Statut spécifique pour les juridictions spécialisées (pôles écofi et anti-terrorisme) ;
Cependant, au regard de la posture du gouvernement, madame la ministre de la justice sera confrontée certainement à une difficulté majeure, voire un obstacle dirimant, en l’occurrence la feuille de route du gouvernement qui peut être un carcan qui paralysera toute initiative ou toute créativité de sa part, s’il n’y a pas de convergence des intérêts à défendre, ce qui est très probable !

Propos recueillis par Cryspin M. Laoundiki
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