Actualités :: Guiro est coupable de s’être fait prendre

Pour n’avoir pas su cacher ses biens, Ousmane Guiro est depuis le 5 janvier 2012 à la MACO. Il a été pris presqu’en flagrant délit en possession de sommes importantes d’argent, qu’en agent de l’Etat, il aura du mal à justifier devant la justice. S’il accepte de parler et il faut l’espérer, il sera possible de remonter l’origine de ces fonds et peut-être alors, serions-nous en mesure d’en tirer toutes les leçons utiles pour le pays. En attendant un éventuel procès, le travail qui a permis d’aboutir à l’arrestation de M. Guiro est assez remarquable. Des gendarmes aux hommes d’Etat, la chaîne de travail a cette fois apparemment bien fonctionné.

On peut maintenant le dire, M. Guiro s’est complètement fourvoyé en croyant trouver chez Tidiani Sana, l’époux de sa sœur, la planque idéale pour ses cantines. Tel un rat voleur, le fils de ce dernier qui a flairé l’odeur de gombo n’a eu aucun mal à se fixer. Pour ne pas éveiller des soupçons chez ses parents, il n’a pas brisé les cadenas des cantines suspectes. Il a trouvé le manège qui lui a permis d’y glisser les doigts pour en extirper des liasses. Depuis combien de temps ce manège a-t-il fonctionné ? Lui seul pourra le dire. Selon certaines informations, le temps suffisant pour se faire remarquer à la fois par les voisins de quartier et aussi par les pandores. Devant tant de plaisirs faciles que lui procurait cette manne inespérée, le petit Sana a visiblement perdu la tête, au point de ne pas soupçonner la souricière construite autour de lui par les gendarmes.

On l’a dit, le train de vie du gamin a vite éveillé les soupçons, d’abord de ses petits copains dont certains le faisaient chanter, puis par la suite des pandores. Pourquoi ceux-ci ont-ils décidé d’agir le 31 décembre dernier jour de l’an, à un moment où tous les esprits étaient plutôt ailleurs ? Les gendarmes qui ont appréhendé le jeune Sana ont eu manifestement des arguments pour le convaincre rapidement. Celui-ci les a vite conduits vers les cantines. La suite est connue. Interpellations du chef de famille, saisie des cantines et transfèrement de celles-ci vers la brigade de gendarmerie de Boulmiougou. L’identification du contenu des cantines aurait été faite en présence du procureur du Faso près du TGI de Ouagadougou. Devant la quantité impressionnante des billets, on a dû faire appel à quelques agents du Trésor pour effectuer le comptage.

Des enveloppes au nom du DG

Certaines indiscrétions font état de l’existence dans les malles, d’enveloppes portant le nom du DG. On aurait même trouvé une enveloppe d’argent qui date du temps où monsieur Guiro était en poste à Bobo-Dioulasso. Comme devises, on mentionne une enveloppe contenant 77 000 euros. L’opération de comptage ayant duré toute la nuit, c’est finalement le 1er janvier que monsieur Guiro a été arrêté. Il est entendu dans un premier temps par les pandores dans les locaux de la gendarmerie, puis une seconde fois par le procureur du Faso au Palais de justice. M. Guiro aurait reconnu au cours de ces auditions être le destinataire de ces sommes. Quand à leur source, il aurait fait état de dons et de ristournes. C’est à la suite de l’audition avec le procureur du Faso qu’il est inculpé pour ’’détournement de deniers publics, corruption, concussion et enrichissement illicite’’.

Il faut souligner que le domicile et le bureau de M. Guiro ont fait l’objet de perquisitions. Les fouilles du domicile ont permis de mettre la main sur un peu plus de un million de francs et au bureau 500 000Francs.

" Pas d’ingérence politique " aurait dit LAT

Quand il est apparu aux jeunes pandores que les cantines appartenaient au DG de la douane, ils se sont immédiatement référés au chef d’Etat-major de la gendarmerie via la hiérarchie pour avoir la conduite à tenir. Le colonel Coulibaly T. Marcel, le grand patron de la gendarmerie, leur donne quitus pour la poursuite de la procédure et appelle à son tour Jérôme Bougouma, ministre de l’Administration Territoriale et de la Sécurité qui en informe aussitôt le premier ministre. " Il faut poursuivre. Je ne veux pas d’ingérence politique ", aurait déclaré Luc Adolphe Tiao d’un ton ferme. L’information est relayée par ses soins à Kosyam qui ne fait pas d’objection sur la procédure en cours. Le sort d’Ousmane Guiro a alors été ainsi scellé. Il n’aura pas cette fois bénéficié de l’immunité que lui confère sa qualité d’officier de police judiciaire. Blaise Compaoré, il faut l’en féliciter, a pris la décision qu’il fallait en démettant M. Guiro de ses fonctions. La procédure judiciaire se trouvait dès lors débarrassée d’un obstacle.

N’étant plus DG de la douane, on ne pouvait plus invoquer une quelconque qualité pour ralentir, voire entraver la marche de la justice. On relèvera aussi le rôle capital de Luc Adolphe Tiao qui a fait montre d’une volonté politique certaine en affirmant clairement qu’il ne souhaitait pas que l’action en cours soit entravée par des considérations politiques. Il aurait pu se ramollir s’il cherchait à faire plaisir au milieu politico-mafieux que l’on dit très puissant. Mais il ne faut pas non plus oublier le dynamisme des jeunes pandores et la détermination dans toute la chaine de commandement de la gendarmerie sans lesquels l’affaire aurait fait flop. Comme dans maintes affaires, elle aurait pu étouffer celle-ci à son niveau en se contentant de prévenir M. Guiro.

Cette chaîne vertueuse a bien fonctionné dans ses différents segments pour aboutir au résultat que l’on sait. On peut comprendre que l’opinion publique demeure sceptique quant à la volonté de l’exécutif de laisser libre cours à la justice. Il n’a pas fait montre par le passé d’une réelle volonté de combattre les mauvaises pratiques dans la gestion de la chose publique. L’affaire Guiro peut être l’occasion de donner une autre image. Maintenant que le chef de l’Etat qui alléguait le manque de preuve pour ne pas agir contre la corruption se trouve pour le moins devant un cas avéré de mauvaise pratique professionnelle d’une extrême gravité, il lui appartient d’agir ici et maintenant pour renforcer les mécanismes institutionnels de gestion. On n’aura pas résolu le problème si on se contente de frapper M. Guiro. Il n’est pas plus mauvais qu’un autre.

Ceux qui l’ont précédé et qui n’ont pas été pris ne sont pas forcément plus vertueux que lui. N’importe qui devant tant de facilités et face à la tentation n’aurait pas résisté. Il ne faut pas demander à nos fonctionnaires d’être des héros. Il faut sans doute plus de verrous et un arsenal juridique approprié pour encadrer les métiers très exposés à la tentation comme la douane. Avec l’affaire Guiro, fleurissent des justiciers cagoulés, sans doute dans le milieu de la douane, criant haro sur la corruption et n’hésitant pas à jeter des gens en pâture. Ils sont rares les douaniers qui peuvent sans honte jeter la pierre à M. Guiro. La profession est malade et il faut en connaitre les causes réelles et y apporter des remèdes.

Il y a certes un problème de conscience professionnelle mais pas seulement. Quand la structure dans laquelle vous évoluez comporte des failles, ceux qui n’en profitent pas apparaissent comme des cons, surtout quand tout autour, beaucoup en profitent. Luc Adolphe Tiao qui ne veut pas d’interférence politique dans l’affaire Guiro devra aussi veiller à ce qu’il n’y ait pas d’interférence politique dans le choix de son successeur. L’oiseau rare existe. Il suffit de le vouloir pour le trouver.

Par Germain B. Nama


Et si l’affaire Guiro servait de déclic : La maison où était entreposés les cantines de Guiro

On peut penser que la diligence avec laquelle les autorités ont réagi à l’affaire Guiro constituera un tournant. Eviter que pareille situation ne se reproduise. Pour cela, il faudra plus qu’une condamnation de Guiro.

Il y a un précédent français sur le financement des partis politiques qui pourrait bien inspirer les Burkinabè pour prévenir l’enrichissement illicite des élites placées aux hautes fonctions de l’administration, notamment celles qui sont au carrefour de l’argent. Il faut nécessairement légiférer. Il faut encadrer le rapport avec l’argent en légiférant sur les cadeaux dans l’administration. Pour l’ensemble des responsables, une loi devrait préciser la notion du cadeau, sa valeur et sa gestion. Un responsable public ne devrait pas recevoir des cadeaux d’un certain montant et d’une certaine valeur. Dans les démocraties, ce sont des choses qui sont codifiées et qui mettent tout le monde à l’abri. Le cadeau ne devrait pas pouvoir s’exprimer en numéraire. Il devrait être d’une valeur telle qu’il n’oblige pas celui qui le reçoit. Le code de déontologie des journalistes du Canada définit le cadeau, comme un présent dont le renvoi par la poste au donateur coûterait plus cher que la valeur du cadeau lui-même. Et puis un cadeau est toujours fait en présence de tiers. Dans nos villages, quand on offre le poulet à l’étranger, c’est toujours devant témoin. En outre, il faut le consigner dans un registre prévu à cet effet.

Il faudra aussi prendre une loi sur le délit d’apparence. Pour certains, le code pénal actuel, en ces dispositions sur l’enrichissement illicite, est suffisant. Mais il demande de faire d’abord la preuve de l’infraction avant que l’action de la justice ne s’enclenche. Une loi sur le délit d’apparence permettrait plus facilement de mettre la justice en mouvement. Si un fonctionnaire construit une maison de 100 millions après seulement quelques années de travail, la justice peut légalement lui demander de le justifier. Le délit d’apparence inverse la preuve de la charge contrairement aux dispositions actuelles sur l’enrichissement illicite. Ce sera au prévenu de faire la preuve du caractère licite de ses biens.

En ces aspects, l’affaire Guiro peut être utile. En plus, comme c’est en matière pénale, la loi n’est pas retro active. Ceux qui se sont déjà constitués leur trésor de guerre ne devraient pas être inquiétés. Par contre, pour l’avenir, les postes juteux de l’administration ne devraient plus avoir le même attrait. Actuellement, c’est un abus sans nom.

NAB

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