Le parquet général a rencontré la presse le mardi 10 janvier 2012 au ministère de la justice et de la promotion des droits humains pour lever quelques zones d’ombre sur l’affaire Ousmane Guiro. La salle a refusé du monde, tant les scribouillards ont fait le déplacement en grand nombre. Pour confirmer ou infirmer les rumeurs les plus folles qui circulent sur cette affaire, et qui alimentent les conversations.
Pas grand-chose finalement n’a filtré de cette conférence de presse. Sauf ce qu’on savait déjà. Les rumeurs restent en l’état. Ni confirmation, ni infirmation de ce que l’homme de la rue raconte depuis le déclenchement de l’affaire. C’est le 31 décembre 2011, autour de 14h, que le parquet a été informé de l’appréhension de jeunes effectuant de fortes dépenses. L’interrogatoire a conduit à l’audition et à l’arrestation de l’ex-Directeur général des douanes, Ousmane Guiro.
C’est Honorine Méda, procureur général du Faso, assistée de Placide Nikièma, procureur du Faso près la cour d’appel de Ouagadougou, qui a animé cette conférence de presse. Tous deux très tendus, ils ont quelquefois répondu aux questions des journalistes de manière furtive. En tous les cas, on sentait de la crispation et parfois de la nervosité de part et d’autres. L’atmosphère n’était pas du tout conviviale. Les uns estimant que leurs questions ne trouvaient pas réponse, les autres estimant avoir dit ce qu’ils sont en mesure de dire à l’opinion publique à l’étape actuelle. L’enquête n’est qu’à ses débuts, ont soutenu les deux procureurs.
Près de 2 milliards de francs CFA, des vêtements, des armes à feux, des bijoux
Ce qui est sûr, l’affaire défraie la chronique depuis le 1er janvier 2012. C’est suite à l’interpellation de Sana Abdoul Wahabo (neveu de Ousmane Guiro), effectuant de fortes dépenses, avec d’autres jeunes, dans des maquis que la brigade ville de la gendarmerie de Boulmiougou parvient à mettre la main sur quatre cantines et un coffre-fort entreposées dans la maison de son frère ainé, Sana Tidiani. Deux des cantines contenaient 1 906 190 604f CFA. L’argent retrouvé dans les cantines était essentiellement constitué de billets en francs CFA, mais aussi de 77 000 euros et 34 000 dollars US. Dans le coffre-fort, il y avait des devises d’origine saoudienne, indonésienne… dont la propriété du contenu est dans un premier temps revendiquée par Sana Tidiani, celui chez qui les cantines étaient entreposées.
Il y avait des vêtements et des objets précieux dans les autres cantines : « un petit sachet contenant des bijoux de femmes ». De l’or, du diamant ou du plaqué ? On ne le sait pas encore. L’expertise n’est pas encore terminée. Le procureur se contente d’affirmer qu’il s’agit de métal jaune. Il y avait également deux armes de service et des armes personnelles (une arme de pointe de 5mm, une autre de 7,65 mm et une vielle arme qui date de la guerre de Noël de 1985).
Présomptions de délit et de crime économique
Les frères Sana finissent par avouer que les cantines appartiennent à leur oncle, Ousmane Guiro. Interpellé, celui-ci, sans détour, reconnait être le propriétaire. Il a été déféré devant le procureur du Faso le 4 janvier 2012 qui a saisi le juge d’instruction de présomptions graves : corruption, blanchiment de capitaux, enrichissement illicite, détention illégale d’armes à feu et de munitions contre Ousmane Guiro ; recel et blanchiment de capitaux contre Sana Tidiani ; vol contre Sana Abdoul Wahabo et Sana Boubacar (en fuite) et recel contre Zongo Eric, un ami de Wahabo qui bénéficiait des largesses de la famille. Ils ont tous été inculpés par le juge d’instruction et mis sous mandat de dépôt pour ceux qui ont été arrêtés.
S’il est reconnu coupable, Ousmane Guiro encourt une peine de 10 à 20 d’emprisonnement ferme.
Demandant à voir les cantines, les journalistes apprendront que les fonds sont déjà au Trésor public, donc impossible de pouvoir filmer ou photographier ces fameuses cantines qui n’ont pas fini de faire parler d’elles. Quel est l’état d’esprit du sieur Guiro ? Il est calme et lucide, répond Placide Nikiéma. Et les rumeurs qui faisaient état de tentative de suicide de ce dernier ? « Il a été serein tout au long de la procédure. Contrairement à ce que prétendent les rumeurs, il n’a jamais tenté de se suicider », lancent-ils. Quelle est la provenance de l’argent contenu dans les cantines ? Aucune idée. Le domicile du sieur Guiro a-t-il été perquisitionné, comme le prétendent certaines indiscrétions ? Bouche cousue.
« Une enquête n’est pas une opération chirurgicale »
L’occasion était sans doute trop belle pour ne pas manquer de revenir sur l’affaire d’exonération de fausses factures de 2007 qui visait le même Ousmane Guiro, les plumitifs ont voulu savoir ce qu’il en était. « L’affaire de 2007 est toujours en cours à la justice », soutient Honorine Méda.
Les hommes de médias n’ont pas été avares en questions. Tout le contraire des deux procureurs qui, apparemment, ne voulaient pas révéler grand-chose de l’enquête qui se poursuit. Honorine Méda finira par dire que « une enquête n’est pas une opération chirurgicale. Ce qu’on peut vous dire, on l’a dit ». On ne nous dira pas plus, a-t-on compris.
Moussa Diallo
Lefaso.net
