Actualités :: Changements anticonstitutionnels de gouvernement : La thérapie des (...)

En 2000 à Lomé une nouvelle étoile s’est levée sur le continent, par la promulgation de l’acte constitutif de l’Union africaine qui a proscrit les changements anticonstitutionnels de gouvernement. Le rejet des changements anticonstitutionnels de gouvernement se base sur le fait que ces mutations très souvent brutales sont sources de conflits, d’instabilité, d’insécurité, et d’affrontements violents. En prenant cette décision, l’Union africaine a voulu agir sur les modalités d’accession au pouvoir. Comment parvenir au pouvoir et comment le gérer sont des questions qui ne font pas consensus au sein des élites africaines.

En essayant d’agir sur le volet de l’accès, la CEDEAO et l’Union africaine ont essayé de créer la voie pour plus de consensus sur la prise de pouvoir pour plus de stabilité et de sécurité sur le continent. Y sont-elles parvenues ? Quelles leçons peut-on tirer de deux décennies d’application de ce texte ? A la lumière des coups d’Etat des colonels intervenus à partir de 2020 au Mali, au Burkina et en Guinée, que constatons nous ? L’armée a-t-elle réussi son retour sur la scène politique africaine ?

Les partisans des coups d’Etat les présentent comme des alternatives aux pouvoirs démocratiques corrompus et aux élections truquées. Sauf que le remède est parfois pire que le mal qu’il veut soigner. Car un coup d’Etat réussi est un appel d’air à d’autres conspirateurs qui veulent se jeter avec avidité sur les caisses de l’Etat dans leur pays où dans les pays voisins comme les deux coups d’Etat du Mali en 2020 et 2021 qui ont fait des émules en Guinée en 2021 et au Burkina en 2022. Les coups d’Etat sont généralement des changements violents de régime, même si les militaires ne passent plus les dirigeants renversés par les armes, ils sont sources de retard dans le développement des pays qui sont en perpétuel recommencement et d’instabilité institutionnelle….

C’est pourquoi les dirigeants africains ont pensé qu’il fallait augmenter les coûts d’accès au pouvoir pour les conspirateurs militaires par l’instauration de sanctions économiques et financières. Avant cette décision historique de l’adoption par l’Organisation de l’Unité Africaine, en 1999 à Alger, d’une résolution condamnant l’usage de la force dans la prise de pouvoir et sanctionnant les régimes qui en seraient issus, la règle de l’OUA était la non-ingérence dans les affaires intérieures d’un pays membre, ce qui était une prime aux dictateurs et putschistes de tout bord, qui ne se privaient pas de renverser à tout va les régimes en place.

Genèse de la condamnation des coups d’Etat

Auparavant en 1997, l’OUA et la CEDEAO ont condamné le coup d’Etat intervenu en Sierra Léone contre Ahmad Téjan Kabah et les forces militaires de l’ECOMOG sont intervenues dans ce pays pour réinstaller le président élu au pouvoir en mars 1998. Cela a été possible parce que la puissance régionale de l’Afrique de l’Ouest, le Nigéria qui a connu 8 coups d’Etat entre 1966 et 1993 avait intériorisé du moins pour ses dirigeants de l’époque, la nécessité de mettre fin à cette instabilité chronique des pouvoirs africains. D’autres régions de l’Afrique ont par le passé imposé des embargos à des pouvoirs putschistes comme au Burundi par la Communauté économique des grands lacs et à Madagascar en 2009 par la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC).

Mais la CEDEAO a agi comme précurseur avec leadership dans les années 1990, considérant que l’intégration économique, son cœur de métier ne peut être atteinte si elle n’agit pas contre les évènements qui mettent en péril la paix et la sécurité, d’où l’ajout du volet, de la prévention et de la résolution des conflits armés ou crises politiques. La Communauté, sous l’impulsion du Nigeria, a usé de la force, pour restaurer la paix au Liberia puis en Sierra Leone dans la décennie 1990. Le Burkina Faso n’a pas joué un bon rôle dans cette affaire, mais cela est une autre histoire.

Les transitions à la place d’un retour au pouvoir du président renversé

Mais depuis les années 2000, la réponse aux coups d’Etat n’a plus été le retour au pouvoir du dirigeant déchu mais l’instauration d’une transition civile. C’est ce qui s’est fait au cas par cas au Mali en 2012, lors de la chute du président Ahmadou Toumani Touré (ATT) avec la succession du président de l’Assemblée nationale comme prévue par la constitution. Ce qui est un glissement qui a donné du poids au coup d’Etat comme un processus empêchant le dirigeant élu de continuer son mandat.

Au Burkina suite à la prise du pouvoir par l’armée suite à l’insurrection de 2014 c’est une transition civilo-militaire avec le duo Kafando- lieutenant-colonel Zida. Ce processus négocié entre les différentes forces politiques et sociales présentant des CV de candidats au poste de chef de l’Etat et qui a attribué à l’armée celui de Premier ministre, a aussi entériné le coup d’Etat et le colonel putschiste choisi par l’armée comme Premier ministre. De fait le colonel putschiste avait de l’ascendant sur le diplomate qui n’est pas entré en conflit avec lui du fait aussi de son métier.

En 2020, le Mali va introduire une transition civile où le président et le Premier ministre ne sont pas des militaires. Les putschistes ont eu la précaution de choisir un militaire en retraite pour diriger le pays avec un civil comme Premier ministre, eux-mêmes conservant les ministères de la Défense et de la Sécurité. Mais l’attelage ingénieux n’a pas fonctionné comme l’espérait les militaires qui ont repris en 2021 ce qu’ils avaient concédé au colonel à la retraite Ndaw.

On peut dire qu’on assiste à un recul de l’attitude face aux coups d’Etat, même si les sanctions sont maintenues, les militaires qui ont pris le pouvoir ne le cèdent plus, mais restent en place pour une transition à durée négociée, dépassant désormais les six mois. Les putschistes qui voulaient les rênes du pouvoir, conservent ce pourquoi ils se sont battus, c’est pour eux la chose comme dirait l’autre, et ils peuvent atteindre les objectifs cachés, inavoués de la prise du pouvoir.

Le rejet du putsch n’est pas encore une action de principes

Avec le mouvement de résistance au coup d’Etat du général Gilbert Diendéré en 2015, on pensait du moins au Burkina que le peuple ne se laisserait plus faire par aucun coup d’Etat, mais c’était sans compter sur le manque de principes des formations politiques qui refusent de se battre pour des valeurs. La prise du pouvoir du MPSR a été vécue par les politiciens comme une défaite personnelle du président Rock Marc Christian Kaboré et non un coup d’arrêt à la démocratie.

Ce n’est qu’avec le voyage controversé de Blaise Compaoré le mois dernier que l’ancienne coalition au pouvoir et certains ont senti le danger qui peut venir des militaires s’ils procèdent à la restauration du régime renversé par l’insurrection. C’est ainsi que les réclamations d’une transition civile apparaissent alors que c’est depuis le 24 janvier 2022 que les partis politiques en chœur auraient dû faire front pour cela.

Naturellement après des accords avec la CEDEAO sur la transition, celle-ci ne reviendra pas en arrière même si les militaires renforcent leurs positions par une militarisation à outrance des postes de direction administrative (ministères, gouvernorats, directeurs généraux…)

Les coups d’Etat ne font pas avancer les pays. Il suffit de voir un pays comme le Sénégal sans aucun coup d’Etat et son voisin du Mali ou le Burkina Faso dont l’armée en a fait son sport favori. Les militaires maliens et burkinabè alors que leurs pays sont en guerre contre les groupes armés terroristes ont pris le pouvoir pour mieux faire la guerre à l’insécurité et nous attendons toujours les résultats.

Sana Guy
Lefaso.net

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