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Application de l’IUTS au Burkina Faso : Quand les éléphants se battent…

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Publié le samedi 29 février 2020 à 00h25min

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Application de l’IUTS au Burkina Faso : Quand les éléphants se battent…

Le gouvernement burkinabè a attaqué de façon frontale les fonctionnaires avec l’application de l’Impôt Unique sur les Traitements et Salaires (IUTS). Ces derniers n’ont pas tardé à réagir. Ils ont à leur tour lancé une contre-offensive à travers des grèves et des meetings pour les semaines à venir. Le « général » Bassolma Bazié a instruit ses lieutenants d’ouvrir des foyers de combat partout. Il leur a ordonné de mener sans pitié, des frappes chirurgicales. Jusqu’à la reddition du gouvernement.

Que la paix sociale aille mourir à la guerre ; pourvu qu’un camp gagne. C’est ce qu’on peut résumer du conflit qui oppose le gouvernement burkinabè à ses partenaires sociaux. Le premier souhaite appliquer l’IUTS sur les indemnités et primes. L’autre camp ne l’entend pas de cette oreille. Pour ce faire, tous les moyens sont bons pour faire plier l’autre partie. Seulement, d’aucuns se demandent si le Burkina Faso mérite cette tension sociale, surtout dans ce contexte d’insécurité.

L’impôt on le sait, tout le monde doit le payer, peu importe ce qu’on gagne. Quand on est dans un Etat, un Etat de droit, qui plus est, tout ce que l’on gagne doit être soumis à l’imposition tant que cela est prescrit par la loi. C’est parce que l’Etat existe avec ses institutions, qu’on est en mesure de mener des activités républicaines et des actions de développement.

Aujourd’hui, il est plus qu’impératif et urgent pour le pays de trouver des ressources. Ceci, pour faire face aux problèmes du moment. L’on n’a pas besoin faire Sciences Eco pour le comprendre. Les Burkinabè veulent manger, se soigner et éduquer convenablement leurs enfants. Par-dessus tout en ce moment, ils rêvent de la sécurité. Par conséquent, demander la contribution de tous n’est pas extraordinaire.

Seulement, même si le gouvernement fait des efforts pour la bonne gestion des ressources, la réalité sur le terrain fait mal au cœur. Les scandales financiers continuent d’éclabousser certains membres du gouvernement, selon certaines indiscrétions. On parlait de forts soupçons de délit d’apparence dont serait coupable l’ancien ministre de la défense, Jean Claude Bouda. Il est aussi question des folles dépenses du maire de la capitale. Des entreprises minières ne respecteraient pas la loi sur le code minier. Des sociétés paieraient moins le fisc quand elles n’arrivent pas à se soustraire à cette obligation. L’un dans l’autre, l’argument qui consiste pour les gouvernants à en appeler au sacrifice de tous est peu défendable.

Ces manquements démontrent à souhait qu’on pouvait bien trouver de l’argent ailleurs. Cette situation de mauvaise gestion de la chose publique fait pitié. Cependant, s’il y a des choses qui ne sont pas correctes dans ce pays, l’on pourrait dire que les syndicats sont aussi responsables. Ce ne sont ni les ministres, ni les présidents d’institutions qui exécutent les décisions de dépenses. Ce sont également des fonctionnaires. Les magistrats détiennent le pouvoir judiciaire. Qu’ont-ils fait de leur indépendance réelle acquise sous le sang et la sueur des Burkinabè ! Rien absolument rien. Ils se sont juste contentés de leur fric. L’on n’a pas vu la bonne administration de la justice que l’on attendait. Sinon, les scandales financiers dénoncés méritaient des procès. Jusqu’à preuve du contraire, l’on n’a pas vu la justice mettre en accusation un gros poisson pour servir d’exemple à tous.

La corruption souvent dénoncée au Faso n’est pas seulement le fait de ministres indélicats. Elle l’est aussi pour les fonctionnaires. Pour preuve, la police municipale, la Direction Générale des Transports Terrestres et Maritimes (DGTTM) et les douanes sont les services les plus corrompus, selon le récent rapport du Réseau national de lutte anti-corruption (RENLAC). Pourtant, ce ne sont pas des ministres qui y travaillent. Certains postulent que si la loi devait être appliquée sur le délit d’apparence, des promotions entières seraient renvoyées de certains corps. Cette guerre ouverte entre gouvernants et syndicats n’est ni plus ni moins qu’une prise en otage des citoyens burkinabè par un groupuscule d’individus. C’est malsain, mesquin, voire un pêché, qu’un gouvernement et des fonctionnaires tuent à petits feux des citoyens d’un pays.

Ce sont les pauvres burkinabè qui vont payer le prix fort dans cette situation désastreuse. Devant des personnes sans morale, des burkinabè mourront, des pauvres n’auront pas à manger, des entreprises risquent de fermer. Pire, les terroristes gagneront du terrain. Si le gouvernement recule, il ne mourra pas. Si les fonctionnaires paient aussi l’IUTS, ils n’iront pas non plus en enfer. Par contre, si les deux parties (à peine 1% des 18 millions de burkinabè) continuent sur leur lancée, c’est tout le Burkina Faso qui risque de sombrer.

A quoi sert un gouvernement sans gouvernés, sans territoire ? Les fonctionnaires peuvent avoir aussi de gros salaires, mais où vont-ils le dépenser, sans Etat stable ? L’argent brut ne se mange pas. Soit on achète un bien, soit l’on paie un service. Il n’est pas non plus éternel, il faut toujours travailler pour l’avoir. Il est grand temps que chacun mette de l’eau dans son vin. Bomber la poitrine, et faire croire qu’on est fort ne conduit nulle part. Personne n’a été contraint d’être chef ou membre d’un gouvernement. Quand on n’a pas de solutions, on s’en va. De même, personne n’a intégré la fonction publique avec une baïonnette. Quand on n’est pas d’accord avec ses conditions salariales, on démissionne courageusement, et on part là où on est mieux traité. En entendant, que ce temps de carême chrétien adoucisse le cœur de pierre de chacun, pour le bonheur de tous.

Dimitri OUEDRAOGO
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