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« Nous pouvons tirer bénéfice de l’or, si les autorités s’engagent à réorganiser le secteur », Alexandre Pagomziri Ouédraogo Président du Mouvement Burkinabè pour l’Emergence de la Justice Sociale (MBEJUS)

Publié le dimanche 11 décembre 2016 à 19h08min

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« Nous pouvons tirer bénéfice de l’or, si les autorités s’engagent à réorganiser le secteur », Alexandre Pagomziri Ouédraogo Président du Mouvement Burkinabè pour l’Emergence de   la Justice Sociale (MBEJUS)

Fin octobre 2016, le rapport de la commission d’enquête parlementaire sur le secteur minier burkinabè a été rendu public. Des investigations des envoyés des députés, il ressort ce chiffre que presque tous ont retenu : 551 milliards de FCFA. Un peu plus que ce moment aurait manqué de se retrouver dans les caisses de l’Etat. En seulement dix ans. Le rapport a, au passage, relevé des irrégularités dans la filière or au Burkina Faso. Le Mouvement Burkinabè pour l’Emergence de la Justice Sociale (MBEJUS)a bien voulu se prononcer sur le sujet. Nous avons rencontré son président Alexandre, Pagomziri Ouédraogo pour vous.

En octobre dernier, une commission d’enquête parlementaire a rendu public un rapport sur le secteur minier burkinabè. Vous avez certainement pris connaissance de ce rapport-là. Mais ce que le commun des Burkinabè a pu remarquer tout de suite c’est le curseur qui a été mis sur le manque à gagner sur le budget de l’Etat de plus de 550 milliards de francs CFA. Dans l’ensemble, comment avez-vous reçu ce rapport ?

Alexandre Pagomziri Ouédraogo : Nous pouvons dire que le rapport a ouvert une brèche mais qu’il n’est pas allé comme il se devait. Si nous voulons prendre la racine de ce problème, l’article 14 de notre constitution dit que les biens du sous-sol burkinabè appartiennent à tous les Burkinabè. Nous constatons que le rapport qui a été fait, fait ressortir un manque à gagner de plus de 500 milliards de francs CFA, ça fait ressortir un certain nombre de problèmes que le secteur a connus et qu’il connait effectivement. Le rapport ne cherche pas à mettre un terme à ces problèmes. Ni n’a fait des propositions pour sanctionner les fautifs. Quand nous prenons le rapport sur le foncier, dans ce rapport, il y a effectivement un début de solutionnement car il y a un certain nombre de Maires et de responsables administratifs qui ont été entendus, ce qui veut dire qu’il y a un problème et le juge s’en est saisi. Sur la question de l’or au Burkina Faso, un juge s’est-il déjà saisi de la question ? Alors dans notre analyse, nous constatons que c’est un problème. C’est un secteur qui est sérieusement gardé par un certain nombre de personnes connues. N’a pas un permis d’exploitation qui veut. A un permis d’exploitation celui qui est proche ou est de ce milieu. N’a pas un permis de recherche qui peut mais c’était donné à la pelle à ces personnes qui sont d’un certain milieu. Est-ce que ces personnalités ont été inquiétées d’une manière ou d’une autre ? Avant le rapport, ces personnes n’ont jamais été inquiétées et le rapport n’a pas proposé comment solutionner ces questions et nous sommes restés sur notre faim.

Quand vous parlez de gens qui n’ont pas été sanctionnés à qui pensez-vous ? Avez-vous des éléments de preuve ?

Alexandre Pagomziri Ouédraogo : Des éléments de preuve, je crois que tout Burkinabè soucieux de ce qui se passe dans notre pays peut en donner des preuves. Le ministère en charge des mines au Burkina Faso était un ministère tampon juste pour meubler la façade. Ce n’est pas un ministère qui prenait des décisions ou qui était capable d’élaborer des textes pour encadrer le secteur minier. Il y a un groupe de personnes, et ce sont ces personnes que le rapport a eu à indexer, certains sont toujours là, d’autres ne sont plus là. Mais nous savons qui a fait quoi dans le secteur minier au Burkina Faso. Nous n’avons pas besoin de citer des noms. Vous savez qu’en ce qui concerne les mines au Burkina il y a une certaine famille, si vous ne faites pas partie de ce cercle, vous ne pouvez pas parler de la question de l’or au Burkina. Et le rapport n’a pas dit le contraire. Nous on attendait au niveau du MBEJUS, que le pouvoir public c’est à dire que le procureur, le juge puisse s’en saisir, interpeller ces personnes pour qu’elles puissent nous dire où est rentré l’or du peuple burkinabè conformément à l’article 14 de notre constitution. Les Burkinabè sont sortis pour dire non à la modification d’un article de la constitution, et voilà qu’un autre article a été violé sérieusement et qu’on refuse d’en parler. Cela est très important pour nous au niveau de notre organisation.

A votre avis, quel type de sanction aurait convenu à ceux qui ont occasionné ce détournement de fonds ?

Alexandre Pagomziri Ouédraogo : Il faut dans un premier temps les écouter, et voir où est parti l’or ? Quels sont les vrais auteurs de cette gabegie ? Et ensuite le juge prononcera les sanctions qu’il faut.

Monsieur Ouédraogo, le secteur minier burkinabè on le sait a ce mal depuis très longtemps. Vous qui semblez connaitre un peu le milieu, la faute à tout ce que nous constatons n’est-elle pas au mauvais attelage institutionnel ?

Alexandre Pagomziri Ouédraogo : Vous parlez du code minier du Burkina ?

Oui, le code minier et même l’organisation institutionnelle.

Alexandre Pagomziri Ouédraogo : L’organisation institutionnelle dans un premier temps ne répond plus aux normes. Parce que c’a été fait à dessein pour que toute personne qui veut passer par les mailles puisse le faire sans problèmes parce que ce sont les mêmes personnes qui sont à l’alpha et à l’oméga. Ce sont eux qui donnent les permis de recherche , les permis d’exploitation, qui occasionnent la sortie massive de l’or et ce sont eux, chargés du contrôle et qui d’une manière ou d’une autre travaillent à ce que le contrôle n’ait pas lieu. Donc cela ne nous étonne pas si on dit que la structure n’a pas été bien quadrillée.

Parlant du code minier. Le code minier qui a été révisé par le CNT (Conseil national de la transition, ndlr) a eu des avancées significatives. Mais nous constatons qu’il y a toujours beaucoup de failles. Parce que le gouvernement n’a pas eu le temps qu’il faut pour relire ce qui est entre les lignes, ce qu’il y a comme problème. Par exemple la question de la RSE, la responsabilité sociale de l’entreprise, la question n’a pas été abordée sérieusement. C’est pourquoi vous constaterez que pour employer, ils font des pieds et des mains pour dépenser le minimum possible. Et rien n’est fait dans le code par exemple pour essayer de résoudre cette question. Pour ce qui est de l’employabilité des Burkinabè dans les mines, pour employer un Burkinabè dans les mines, le loisir est donné au minier de prendre d’abord qui il veut, et de ne pas prendre lui-même pour assumer toutes les responsabilités, de passer par x ou y pour pouvoir employer à moindre frais le Burkinabè qui veut travailler dans les mines et qui le fera convenablement à moindre coût. Ca c’est juste l’aspect des emplois. Est-ce que cette question de la RSE a été réglée au niveau du code minier ? Je dis non.

Quand nous voyons aussi un peu la question des cahiers des charges qu’il faut forcément déposer, mais ce sont des formalités au niveau du code. Aucune obligation n’est faite pour le respect du cahier des charges. Et nous disons qu’il y a un nombre de failles dans ces deux éléments.

Vous société civile, le regard que vous portez est assez critique mais, quelles propositions concrètes faites-vous pour redresser la situation ?

Alexandre Pagomziri Ouédraogo : Redresser la situation à l’heure actuelle relève du parcours du combattant. Il faut dans un premier temps suspendre les 700 et quelques permis d’exploiter qui ont été délivrés. Puisque ça n’a pas été délivré pour les professionnels. Vous savez qu’au niveau du Burkina c’est seulement le BUMIGEB (Bureau des mines et de la géologie du Burkina, ndlr) qui est professionnalisé en matière de recherche des mines. Mais il y a des professionnels qui ont des permis de recherche. Et ces personnes font la recherche et continuent avec ces mêmes permis à faire l’exploitation sur le terrain. Vous constaterez qu’il y a un flou sérieux dans la délivrance des documents. Sur les 700 et quelques permis qui ont été délivrés par le ministère, c’est entre les mains d’un certain nombre de personnes qui ne sont pas des professionnels par exemple en matière de recherche. C’est parce qu’ils ont un peu d’argent. C’est 100 000 dollars (environ 50 millions, ndlr) qu’il faut dépenser pour avoir le permis et pour une personne qui veut entreprendre cette activité c’est facile de débourser 100 000 dollars. Donc il faudrait pour nous, suspendre. Nous avons demandé depuis mars 2015 la suspension des permis à l’équipe de la transition. Ça n’a pas été fait. Nous réitérons que le secteur minier est à refaire. Toute la super structure est à refaire pour donner qui est capable, qui a droit, qui peut extraire les mines au Burkina Faso. Cela est très important.

Quand vous parlez de permis d’exploiter, de permis de recherche cela concerne beaucoup plus les gros opérateurs. Mais à côté il y a les mines traditionnelles…

Alexandre Pagomziri Ouédraogo : Ces mines traditionnelles obéissent à cette tutelle dont j’ai fait cas notamment cette famille, ce regroupement de personnes qui encadre sinon qui gère les mines au Burkina Faso ici. Ils sont descendus jusqu’à l’orpaillage traditionnel. Et n’importe qui ne peut avoir un permis lui permettant d’avoir son rayon. Et là aussi tenez-vous bien, je vous donne un exemple : un paysan va au champ et découvre une pierre précieuse. Il se met à l’examiner et trouve effectivement que c’est une pierre précieuse. Il le met dans sa poche et il commence à creuser. Il se trouve qu’effectivement il y a quelque chose d’important sur le terrain. Ces messieurs vont entendre qu’à tel endroit, on a découvert de l’or. Il n’a pas besoin de connaitre la zone, par un coup de téléphone on lui délivre automatiquement un permis qui dit qu’il est le grand responsable de cette zone et qu’il a le droit de vie et de mort sur tous les habitants de la zone, et personne ne peut broncher. Voici par exemple la question de l’orpaillage traditionnel. Ce monsieur n’a rien fait pour mériter sauf qu’il est dans le sillage de ceux qui peuvent lui donner un document officiel pour aller terroriser les pauvres paysans. Voyez-vous un peu que c’est compliqué.

Mais dans le même temps est-ce qu’il faut délivrer le permis au pauvre paysan qui n’a pas de moyens pour exploiter ?

Alexandre Pagomziri Ouédraogo : Nous disons qu’il faut réglementer la question. Par exemple on dira comment ça s’est passé ? Qui a été le premier par exemple à découvrir, à commencer à creuser l’or sur le site ? C’est une question de justice. Vous ne pouvez pas voir l’or à Falangoutou, et quelqu’un qui ne connait pas Falangoutou va tendre la main et par un coup de fil récupérer un permis et venir vous dire de partir, que la place est à lui. Nous avons des exemples. A Fandiora vers Banfora, c’est ce qui a été fait. Ils peuvent même demander à la police ou à la gendarmerie de venir disperser les gens et leur donner carte blanche pour qu’ils soient les seuls à exploiter. Ce qui n’est pas toujours conforme à l’article 14 de notre constitution.

Oui mais dans le même temps les textes disposent que cet orpailleur qui a un permis reverse quelque chose à l’Etat qui par ricochet rétribue la population locale ?

Alexandre Pagomziri Ouédraogo : Justement quand ils arrivent à avoir ce document précieux, ce sont eux qui disent nous allons payer l’or à tant de francs. N’exploite pas ici qui veut et je suis le seul maitre, ainsi de suite. C’est-à-dire en fait ils ne dépensent rien. Ils remettent à ces maitres ce qu’il faut remettre c’est tout. Et toutes ces personnes doivent être entendues pour nous dire combien ils ont reversé à l’Etat burkinabè ? Je crois que le rapport n’a même pas pu faire cas de la question de l’orpaillage traditionnel comme il se doit. Et c’est ce qui se passe. Jusqu’à présent ça se passe comme ça.

Est-ce que dans la structuration actuelle, l’or que nous exploitons depuis une dizaine d’années pourra faire la prospérité de notre pays ?

Alexandre Pagomziri Ouédraogo : Oui, si les autorités de ce pays s’engagent sérieusement à réorganiser le secteur, nous pouvons tirer un bénéfice de l’or pour les besoins de notre population.

Avez-vous quelque chose d’autre à ajouter ?

Alexandre Pagomziri Ouédraogo : Nous sommes en train de discuter des mines et moi je vais prendre un exemple concret sur un dossier que le MBEJUS a suivi depuis la mise en place de la mine jusqu’à son extinction. Je veux parler de la mine de Gambo dans la région du nord. Les exploitants ont fait un bon dossier dont j’ai été destinataire de toutes les copies. Mais sur le terrain rien ne s’est fait. Ce qui les intéressait, c’est exploiter les mines d’or. Le cahier de charges n’a pas été respecté même à 1%. Jusqu’à l’heure où je vous parle, ils ont fini l’exploitation, les trous sont restés béants, jusqu’à présent. Ils se sont engagés à construire 66 logements pour la zone, ils n’ont pas construit un seul logement. Ils se sont également engagés à construire des écoles. Ils n’ont rien construit. Ils sont repartis sans que les paysans n’aient même leur indemnisation. Les paysans n’ont pas été indemnisés jusqu’à nos jours. J’attendais après exploitation de ce rapport, que le procureur fasse venir cette personne qui a exploité l’or et qui est repartie sans exécuter le cahier de charges et qu’il lui demande des comptes. Ça c’est un exemple concret que notre organisation a suivi du début jusqu’à la fin. Ils ont demandé 22 mois pour faire le travail, ils l’ont fait en 15 mois et ils sont partis en laissant les trous comme ça. Ils n’ont pas indemnisé les paysans. J’ai le cahier de charges, je suis toujours sur le terrain, je crois que les autorités ont vu ça. Mais qu’elles disent quand même quelque chose. Et cette population est restée pratiquement comme au XIVème siècle parce qu’elle a peur. Elle a été terrorisée dans un premier temps par le gouvernement passé avec la descente des CRS (Compagnie républicaine de sécurité, ndlr), des militaires qui ont maté les populations et elles ont été terrorisées jusqu’à présent. Elles se sont confinées dans leurs problèmes et elles sont restées tranquille. C’est ça le problème. Nous parlons des Etats-Unis à l’heure actuelle, les Etats-Unis sont un pays démocrate et de justice. Voyez-vous quand les indiens ont été expulsés justement pour des problèmes d’or, jusqu’à présent les Etats-Unis versent la rente, mais les indiens ont refusé de toucher cette rente. Mais les Etats-Unis par acquis de conscience continuent de verser cette rente. C’est ça on dit un pays civilisé.

Entretien réalisé par Samuel Somda
Transcription : Youmali Ferdinand Koanari (Stagiaire)

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Vos commentaires

  • Le 12 décembre 2016 à 15:06, par Bintoa En réponse à : « Nous pouvons tirer bénéfice de l’or, si les autorités s’engagent à réorganiser le secteur », Alexandre Pagomziri Ouédraogo Président du Mouvement Burkinabè pour l’Emergence de la Justice Sociale (MBEJUS)

    Nous, pauvres burkinabé entendons parler de l or qui jaillit de partout au pays, mais quel burkinabé moyen peut s offrir 1 gramme d or ? Toujours pour les gros bonnets et les expatriés. Quand il y a richesse au Burkina, le lamda regarde, écouté seulement ! Ainsi naissent les révolutions !

  • Le 14 décembre 2016 à 06:58, par Moussa En réponse à : « Nous pouvons tirer bénéfice de l’or, si les autorités s’engagent à réorganiser le secteur », Alexandre Pagomziri Ouédraogo Président du Mouvement Burkinabè pour l’Emergence de la Justice Sociale (MBEJUS)

    Est-ce que dans la structuration actuelle, l’or que nous exploitons depuis une dizaine d’années pourra faire la prospérité de notre pays ?
    Alexandre Pagomziri Ouédraogo : Oui, si les autorités de ce pays s’engagent sérieusement à réorganiser le secteur, nous pouvons tirer un bénéfice de l’or pour les besoins de notre population.

    C’est triste de voir que ce pays aux ressources si limitees refuse de prendre au serieux la question des mines et que l’or du pays estime a 40 tonnes de production par an est literallement offert a des compagnies etrangeres contre des miettes qui tombent dans les caisses de l’Etat et des individus. Imaginez seulement que le Burkina puisse avoir l’equivalent de la valeur de seulement 10 tonnes d’or par an dans son budget national !!! La pulpart de nos plus gros problemes d’infrastructures routieres et d’assainissement seraient resolus.
    Ces crimes economiques doivent etre punis et mieux le secteur des mines DOIT etre reorganise. En plus des sorties massives et frauduleuses de l’or national, les societes minieres nous poursuivent en justice pour nous depouiller meme du minimum de resources propres du pays. Ce pays a interet a se reveiller !!!
    Je conclue avec Alexandre Pagomziri Ouedraogo que l’or est une chance pour le Burkina (peut-etre la seule vraie chance !). Malheureusement ceux qui sont charges de sa gestion oublient que ce n’est pas une ressource inepuisable ! L’apres-or sera un calvaire pour le pays.

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