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Coton : pour une solution régionale

Publié le vendredi 20 mai 2005 à 07h58min

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Le Premier ministre, Paramanga Ernest Yonli était les 17 et 18 mai 2005 à Cotonou. Dans la capitale béninoise, le chef du gouvernement, qu’accompagnaient son épouse et une forte délégation, a pris part à une conférence régionale sur le coton.

Il s’est également entretenu avec le président de la République du Bénin et rencontré une délégation de ressortissants burkinabè vivant au pays de Mathieu Kérékou.

Organisée à l’initiative du Fonds monétaire international (FMI), la conférence de Cotonou a connu la participation de délégations venues du Bénin, du Burkina Faso, du Tchad et du Mali ; de producteurs et des égreneurs de coton de la région ainsi que de représentants de l’Union européenne, de la France, du Japon, des Etats-Unis, de la Banque mondiale et de l’Organisation mondiale du commerce.

Une rencontre qui a permis de faire le point sur les réformes de la filière coton dans la région, d’évaluer les conséquences des subventions accordées par les pays développés à leurs cotonculteurs sur le secteur du coton en Afrique et esquisser une stratégie susceptible de contribuer à la stabilité macro-économique et élargir les perspectives de développement de la zone.

C’est ainsi que le rôle économique important du coton a été fortement réaffirmé malgré la chute prononcée des cours mondiaux de l’or blanc durant l’année écoulée. Au Bénin par exemple, le coton qui est la principale culture de rente générera une plus-value de 80 milliards de francs CFA que se partageront les acteurs de la filière au nombre desquels 325 000 exploitants agricoles. La production atteindra même, au cours de la campagne 2004-2005 qui s’achève, un record de 425 000 tonnes.

Le coton participe également pour 80% à la constitution des recettes d’exportations formelles du Bénin et contribue en terme de valeur ajoutée pour 14% à la formation du PIB de ce pays.

Au Burkina, la même tendance à l’accroissement de la production est observée avec le chiffre record de 625 000 tonnes de coton graine pour la campagne 2004-2005. 310 000 exploitations agricoles y sont recensées tandis que le coton occupe le premier rang au niveau des recettes d’exportation du pays.

Des avancées que d’aucuns attribuent aux réformes entreprises depuis quelques années.

Des efforts mais...

"Il est connu de tous que les pays de l’Afrique de l’Ouest et du Centre, producteurs de coton, ont fait d’énormes efforts pour rendre leurs filières compétitives et ils disposent d’un avantage comparatif pour produire et exporter leur coton. Pour mon pays, le Tchad, le coton joue un rôle fondamental pour son développement économique et participe ainsi à la lutte contre la pauvreté. Quelque 3 millions de Tchadiens tirent l’essentiel de leurs revenus de cette culture qui est pratiquée sur une superficie de 350 000 hectares", indique Routouang Youma Golom, ministre tchadien du Commerce, de l’Industrie et de l’Artisanat.

Un secteur encore au premier plan mais pour combien de temps ? "Depuis 1999, la filière coton qui contribue pour près de 8% au PIB du Mali et représente 33 à 45% des recettes d’exportation et fait vivre près de 3 millions de personnes, traverse une crise profonde, principalement due à la chute des cours mondiaux. Cette crise a été amplifiée par les conséquences du boycott de la culture du coton par les producteurs en 2000-2001. Des événements combinés qui ont entraîné un manque à gagner de 372 milliards de FCFA sur les revenus des différents intervenants de la filière. Ce qui a obligé l’Etat à subventionner le secteur en y injectant depuis 2000 environ 100 milliards de FCFA. Pour cette campagne, la filière va enregistrer une perte de 56 milliards de FCFA", révèle Abou Bakar Traoré, ministre de l’Economie et des Finances du Mali.

En fait, les problèmes de la filière remontent à une dizaine d’années. Des problèmes qui seraient dus à la combinaison de plusieurs facteurs défavorables dont un renchérissement des coûts de production. Des prix de production qui sont aujourd’hui à leur plus haut niveau depuis huit ans par rapport aux cours mondiaux. Pendant ce temps, la production mondiale de coton augmente.

Benoît Ouattara, ministre du Commerce du Burkina a appelé à une annulation de la dette des quatre pays.

La Chine et les Etats-Unis étant à l’origine de l’augmentation de cette production de près de la moitié. Il y a aussi les subventions que le Burkina qualifie d’illégales. Des subventions que la Commission internationale consultative sur le coton (ICAC) estime pour la campagne 2004-2005 à 4,7 milliards de dollars US. Un chiffre qui est en augmentation tandis que les cours mondiaux du coton, en chute libre, pourraient rester faibles dans les années à venir. Conséquence, le Bénin, le Burkina, le Tchad et le Mali vont connaître une réduction de leurs recettes d’exportation de 300 millions de dollars US (environ 2 à 3% de leur PIB) en 2005.

Les pratiques commerciales, au plan international, ne favorisent certes pas les cotonculteurs africains mais l’état de la filière, fait à Cotonou, montre que des facteurs internes compromettent également les efforts des producteurs de la région. En dehors du Burkina et du Bénin, la réforme du secteur présente du retard au Tchad et au Mali. Et même dans les premiers cités, des efforts restent encore à faire tant dans la production que la valorisation du coton avant exportation.

Aussi, les participants à la conférence ont-ils convenu de poursuivre les réformes, en particulier dans les pays où les progrès tardent. Ils préconisent également une stratégie régionale à plusieurs volets pour ensemble faire face aux problèmes.

"Nos pays ont fait le choix de l’intégration régionale depuis plus d’une dizaine d’années. Nous pensons que les nouveaux défis que nous rencontrons pour la commercialisation du coton nous imposent de nous organiser sur des marchés plus larges. Le dossier coton est une opportunité pour nous de poursuivre l’intégration économique au profit de nos populations", insiste Paramanga Ernest Yonli, le Premier ministre burkinabè. Il propose ainsi la création d’unités régionales de transformation et de valorisation du coton et de ses sous-produits. Cela procurerait, selon lui, plus de valeur ajoutée à notre coton et diminuerait la dépendance de nos producteurs avec le marché international.

"Il faut, dit-il, développer des actions de coopération intégrée notamment sur la dimension verticale au niveau sous-régionale. Nous devons utiliser les avantages comparatifs que possède chaque pays de l’UEMOA notamment sur les segments de la filière coton. Il est ainsi possible de développer une usine de transformation de graines de coton en huile alimentaire au Sénégal. Ce pays a une grande expérience dans ce domaine. De la même façon, le Burkina Faso a une riche expérience en matière de filature. Pourquoi ne pas développer une grande usine de filature dans ce pays pour traiter toute la fibre de la région. De telles actions ont l’avantage de renforcer l’intégration et de valoriser sur place nos propres produits. Ce que nous recherchons depuis plusieurs années et que nous n’arrivons pas à faire.

Le dossier coton nous en offre l’opportunité, saisissons-là".

Et demain, l’espoir !

Paramanga Ernest Yonli est en outre convaincu que la question des subventions n’est qu’une partie de la solution à la crise du secteur coton. "Nous avons confiance que nous et nos partenaires occidentaux finirons par nous entendre à l’OMC... Mais cela ne résoudra pas pour autant tous les problèmes de la filière coton. D’autres dysfonctionnements apparaîtront. Il nous faut donc trouver des alternatives nationales et régionales ; des alternatives pensées avec nos partenaires au développement. C’est ainsi que nous pourrons résoudre à terme la crise du secteur coton. C’est la première fois que sur un produit, nos pays peuvent avoir des avantages comparatifs avec les nations avancées sur le marché international", affirme M. Yonli.

Une position qui a vraisemblablement séduit à Cotonou puisque des mécanismes de financements de telles activités ont été examinés. C’est ainsi que l’idée de créer un fonds alimenté par l’aide internationale aux pays africains producteurs de coton et par des ressources prélevés sur les recettes générées par le secteur coton a germé à Cotonou. La France, le Japon et dans une certaine mesure les Etats-Unis d’Amérique sont prêts à accompagner une telle initiative. L’Union européenne s’y oppose préférant l’approche d’appui budgétaire par pays et en fonction des besoins réels sur le terrain. "Un fonds ne pourrait que résoudre le problème sur le plan conjoncturel, pas structurel", estime son représentant à la conférence de Cotonou.

N’empêche que tous sont tombés d’accord pour entreprendre rapidement des actions pour maintenir la stabilité macro-économique des pays concernés, rendre la filière coton plus performante, et mettre fin aux politiques qui faussent les échanges dans le contexte des négociations multilatérales en cours.

Victorien A. SAWADOGO (visaw@yahoo.fr.),
Envoyé spécial à Cotonou
Ph. : M. GANSONRE (Presse Premier ministère)


Un carnet de rendez-vous chargé

A la fin de la conférence sur le coton, le Premier ministre, Paramanga Ernest Yonli est allé s’entretenir près d’une heure avec le chef de l’Etat béninois, Mathieu Kérékou. A sa sortie d’audience, il a indiqué avoir remercié le Bénin et son président pour avoir organisé avec succès cette rencontre sur une filière importante pour nos économies.

Avec le président Kérékou, Paramanga Ernest Yonli a aussi parlé des conclusions de la conférence qui ouvre selon lui de nouvelles perspectives. Il a aussi rencontré des représentants de l’Association des ressortissants burkinabè au Bénin et des membres du bureau de l’Association des étudiants bukinabè dans ce pays. Une occasion pour le chef du gouvernement d’encourager les compatriotes installés au Bénin pour leur sens de l’intégration et leur comportement honorable pour le Burkina. Il a enfin eu des entretiens avec d’autres personnalités avant de regagner Ouagadougou tard dans la nuit de mercredi.

V.A.S.


Dans les coulisses

* Mme Yonli était elle aussi à Cotonou mais pour toute autre chose que le coton. Elle était allée parler avec ses sœurs béninoises de la tenue prochaine de la rencontre de "Planet’ERE3" à Ouagadougou du 18 au 26 juillet 2005. Elle a ainsi animé un point de presse dans la capitale béninoise avant de poursuivre sa route jeudi matin à Niamey.

* Des coupures de courant... Il y en a actuellement à Cotonou. Même Paramanga Ernest Yonli n’y a pas échappé. En effet, au moment de quitter l’aéroport de Cotonou mardi nuit pour son pied-à-terre, le courant s’est coupé, obligeant les Béninois à aider leurs hôtes à embarquer dans leurs véhicules à l’aide de lampes-torches. Fort heureusement, les hôtels sont dotés de groupes électrogènes sans oublier que ces coupures intempestives ne durent pas.

* Le huis clos a duré plus de trois heures et a donné lieu à un communiqué de presse. La déclaration qui devait être approuvée le sera plus tard, a-t-on indiqué.

* La contribution du Burkina à la conférence a été fortement saluée. Ce qui a conduit la presse a solliciter beaucoup le Premier ministre qui s’est prêté volontiers aux questions.

* Pas d’hommes de tenue dans la salle de Conférence. Ainsi, en ont décidé les organisateurs de la rencontre de Cotonou obligeant les aides-de- camp des personnalités à patienter dans les couloirs.

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