Ecoles Franco-Arabes au Burkina : Etat des lieux et difficultés d’insertion des diplômés
Le National Democratic Insitute (NDI) avec l’appui de l’USAID met en œuvre au Burkina Faso, un programme dénommé « Opportunités pour un engagement politique pacifique des jeunes ». Dans ce cadre, des jeunes de différentes sensibilités mènent des actions de plaidoyer à l’endroit des autorités locales et nationales sur diverses thématiques. Le 28 mai 2013 au siège du NDI s’est tenu un panel sur l’insertion socioprofessionnelle des diplômés arabophones.
Ce panel avait pour objet de faire l’état des lieux de l’Ecole franco-arabe (EFA) et de mettre en exergue les difficultés d’insertion socioprofessionnelle des jeunes diplômés de ces écoles. Les communicateurs de ce panel étaient Hatimi Démé et Arouna Seni.
Composé de jeunes issus de douze partis politiques (parti au pouvoir et opposition) et de vingt organisations de la société civile, ce focus groupe a identifié deux axes d’intervention. « Nos axes d’intervention sont d’une part l’uniformisation de l’enseignement dans les écoles franco-arabes et, d’autre part la valorisation des diplômes délivrés par ces écoles », précise Mathias Ouédraogo, coordonnateur de ce groupe. Ainsi, plusieurs rencontres de concertation ont eu lieu avec les différents acteurs intervenant sur la question. L’objectif de ces rencontres d’après Mathias Ouédraogo est de recueillir les informations de tous bords pour constituer un plaidoyer auprès du gouvernement.
Elucidation des concepts et état des lieux des EFA au Burkina Faso.
Le terme « madrassa » ou « medersa » signifie « école » en arabe. Pour Hatimi Démé (inspecteur de l’enseignement du 1er degré à la direction de l’enseignement de base privé/ MENA), communicateur au panel, la « medersa » est une institution scolaire confessionnelle où les langues d’enseignement sont l’arabe et le français. L’élève y apprend toutes les disciplines enseignées à l’école primaire à travers ces langues et apprend aussi l’instruction islamique en arabe uniquement.
L’assise nationale sur l’encadrement des EFA qui s’est tenue en 1999 à Ouagadougou a recommandé d’utiliser les noms « medersa » et « franco-arabe » comme synonymes car toutes les medersa enseignent aussi le français, ajoute-t-il.
Les EFA représentent plus de 71% des écoles primaires privées au Burkina Faso. Aujourd’hui, leur nombre dépasse 1 700. A cela, Hatimi Démé ajoute une quarantaine d’établissements secondaires et trois universités (centre universitaire polyvalent du Burkina Faso, université Al Houda et la Faculté Four’quane). Ce grand nombre des EFA montre l’importance qu’il y a d’uniformiser les programmes éducatifs, les diplômes et surtout de réguler ce domaine éducatif car elles participent à l’alphabétisation.
Les difficultés d’insertion socioprofessionnelle des jeunes diplômés
Le Burkina compte, actuellement, beaucoup de jeunes diplômés des EFA. Nous comptons plus de 5 000 jeunes titulaires d’une licence ou d’une maîtrise, une centaine de jeunes titulaires de master et une trentaine de doctorats. Pour le baccalauréat, nous avons un millier d’élèves par an. Ces jeunes diplômés rencontrent beaucoup de difficultés liés à leur insertion socioprofessionnelle. D’après M Démé, comme handicaps, nous pouvons citer :
– L’inadéquation entre le contenu des enseignements et les offres d’emploi : le contenu d’enseignement dans les EFA est basé sur la connaissance de la langue arabe et la théologie musulmane. La majorité des diplômés arabophones ont une formation en lettres arabes ou théologiques ;
– La barrière linguistique : la non maîtrise de la langue française constitue un handicap sérieux pour beaucoup de diplômés arabophones ;
– L’équivalence des diplômes : une commission nationale d’équivalence des diplômes existe au Burkina. Les étudiants n’étant pas informés à l’avance des conditions exigées (programmes, volumes horaires de formation…) reviennent sans les pièces maitresses du dossier ;
– La reconnaissance et la valorisation des diplômes : même avec les équivalences de diplômes, les diplômés n’arrivent pas à avoir un emploi conforme à leur formation car ils ne maîtrisent pas la langue officielle du Burkina Faso ;
– Le handicap psychologique : certains diplômés compétents dans leur domaine éprouvent des complexes d’infériorité devant leurs frères francophones.
La problématique d’insertion des jeunes diplômés en franco-arabe interpelle en premier lieu l’Etat, puis les associations islamiques et les promoteurs des EFA. Chacun est appelé à jouer pleinement son rôle pour favoriser une valorisation des compétences d’une frange importante de la population.
Patindé Amandine Konditamdé
Lefaso.net
Au sortir du panel, des participants apprécient.
Mathias Ouédraogo : coordonnateur du focus groupe
Notre groupe de plaidoyer intervient pour l’uniformisation de l’enseignement des EFA et la valorisation de ses diplômes. Notre travail consiste à collecter les données et mener des actions de plaidoyer auprès du gouvernement pour une réforme effective des EFA. Le panel de ce mardi 28 mai 2013 nous outille davantage dans la mesure où nous avons acquis des connaissances sur l’état des lieux des EFA et les difficultés principales auxquelles nos frères font face. Nous sommes jeunes et savons combien le parcours d’étudiant est très difficile. Nous espérons pouvoir apporter notre contribution pour faire évoluer cette situation.
Abdalah Djabir Traoré, chargé de programme au NDI
Nous travaillons actuellement à recenser les différentes propositions consensuelles concrètes pour aboutir à une réforme de l’enseignement dans les EFA. Le groupe focus a déjà rencontré les différents acteurs concernés par le sujet. Le panel d’aujourd’hui a permis au groupe focus de connaître les difficultés rencontrées par les diplômés arabophones à la fin de leurs études. Ce panel leur permettra donc de faire des propositions qui tiennent compte de toutes ces réalités.
Issaka Sawadogo, président de l’Association des élèves et étudiants musulmans du Burkina (AEEMB)
L’insertion socioprofessionnelle des élèves issus des medersas est une préoccupation qui concerne tout le monde. Il s’agit d’éducation, d’emploi donc de la résolution de problèmes sociaux. Nous devons aller au-delà de nos divergences pour le développement de notre pays. L’Etat doit instaurer un climat de confiance entre lui et les promoteurs des EFA. L’Etat doit mener une sensibilisation accrue auprès des personnes concernées afin de faire évoluer les mentalités pour une transformation positive qui facilitera l’insertion socioprofessionnelle des diplômés arabophones.
Propos recueillis par Patindé Amandine Konditamdé