Jean marie Leblanc (Tour de France) : "Les Africains ne sont pas encore prêts pour la grande boucle"
Comme chaque année, le directeur général du Tour de France, M. Jean Marie Leblanc, est présent au Tour du Faso. Lors de la 8e étape (Yako-Ouahigouya), nous avons échangé avec lui. En bon connaisseur, il jette un regard sur ce partenariat sans nuages et affirme que les Africains ne sont pas encore prêts pour jouer les premiers rôles au Tour de France.
Depuis quatre ans, la société du Tour de France soutient le Tour du Faso à travers un partenariat qui semble satisfaire les deux parties. Quelle appréciation faites-vous de cette collaboration ?
• J’en suis très satisfait parce que j’observe que depuis quatre ans, les choses se sont améliorées. D’abord, ce qui nous intéresse le plus c’est l’élévation du niveau du cyclisme africain et en particulier le cyclisme au Burkina Faso. Ensuite, ce qui nous tient à cœur c’est l’amélioration de l’organisation. Depuis que nous sommes là, nous avons apprécié les besoins.
En outre, nous avons découvert le terrain et l’environnement est favorable pour aider le cyclisme burkinabè à progresser. Aujourd’hui, la course est bien organisée du point de vue logistique et intendance. Pour cette 18e édition, il y a eu moins d’abandon que les années précédentes.
L’autre motif de satisfaction, c’est que nous avons réservé aux coureurs les meilleures conditions de récupération et la restauration est de qualité. Globalement, l’épreuve est meilleure, avec un bon climat qui permet aux concurrents de compétir dans la sportivité. J’ai rencontré la plupart des directeurs sportifs qui ont parlé en bien de l’organisation.
La couverture médiatique est excellente, et c’est la preuve que l’Afrique progresse sur ce plan. Comme au Tour de France, le public est là de même que les sponsors et je crois que nous sommes dans une dynamique de croissance.
Avant votre venue au Burkina Faso pour cette 18e édition, aviez-vous eu des échos des premières étapes ?
• C’est vrai que j’étais submergé de travail avant de venir suivre cette compétition. Mais j’étais informé de ce qui se passait sur le terrain. En lisant les résultats tous les jours et en regardant la télé, on s’est aperçu que contrairement aux années précédentes, la course des rebondissements au niveau du maillot de leader. C’est très important et c’est ce qui intéresse le public et les médias.
Avant, lorsqu’un coureur endossait le maillot jaune après la première étape, c’était difficile qu’il change d’épaules. Cette année, avec les pistes, les choses ont beaucoup changé. Le niveau d’ensemble des pays africains s’est amélioré et c’est l’objectif que nous recherchions. Le Tour du Faso a sa particularité que nous respectons, et nous ne sommes pas venus pour bouleverser totalement les choses.
L’ambiance est toujours bon enfant avec le bivouac le soir, l’enthousiasme du public à chaque passage des coureurs dans telle ou telle localité et l’animation le soir sur le car podium. Les gens sont friands de spectacles et ça fait plaisir de voir que le Tour du Faso ne cesse de justifier sa réputation.
Quand on traverse un village où les gens sont sortis pour encourager les coureurs, ça donne une certaine motivation. Je vous avoue que c’est quelque chose qui plaît aux coureurs européens et ils n’oublieront pas cela quand ils rentreront chez eux.
D’aucuns pensent que les équipes européennes qui ont été invitées cette année sont très faibles. Est-ce aussi votre avis ?
• Nous avons, dès le départ, convenu qu’il ne fallait pas inviter à ce Tour du Faso 2004 les meilleures équipes européennes. La course n’aurait pas eu d’intérêt parce qu’elles auraient tout dominé, tout gagné, tout raflé et il n’y aurait pas eu ce rôle pédagogique qui consistait à faire monter le cyclisme africain.
Nous avons donc été rigoureux dans la sélection des équipes européennes. L’année dernière, Tjallingii, qui est un professionnel, a fait la différence et aucun coureur africain n’a pu lui ravir le maillot de leader qu’il détenait dès la première étape.
Nous avons trouvé des voies pour faire venir des coureurs européens qui ne sont pas des professionnels pour que sur les pistes burkinabè, les forçats de la route se battent à armes égales.
Le temps n’est-il pas venu de voir des coureurs africains sur le Tour de France ?
• La réponse ne m’appartient pas et j’ai eu à dire ici qu’il faudrait du temps, naturellement. Le cyclisme en France a 100 ans, ce qui veut dire que ce n’est pas aujourd’hui qu’on fait du vélo dans l’Hexagone. Votre cyclisme est plus jeune et il y a aussi les paramètres climatiques et économiques qu’il faut prendre en compte. Nous, en Europe, on peut faire du vélo pendant neuf mois sur douze. Chez vous, avec la chaleur, ce n’est pas possible de faire comme nous.
En France, nous avons la montagne et des terrains variés et il faut être solide dans la tête et avoir une bonne condition physique pour affronter les difficultés de tous les jours. Nous sommes en avance sur vous sur le plan technologique et économique et ce sont des facteurs qui entrent en ligne de compte.
Le Tour du Faso se court généralement sur un terrain plat et ce n’est pas la même chose chez nous. Franchement, les Africains ne sont pas encore prêts pour la grande boucle. Je crois qu’il faut avoir de la patience parce que le Tour de France, c’est un tout autre calibre.
Entretien réalisé par Justin Daboné
L’Observateur