LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Avec de la persévérance et de l’endurance, nous pouvons obtenir tout ce que nous voulons.” Mike Tyson

EXPLOITATION DES VERGERS DANS L’OUEST DU BURKINA : Des revenus qui sauvent !

Publié le vendredi 22 juin 2012 à 01h06min

PARTAGER :                          

La situation alimentaire au Burkina Faso en cette année 2012 est incontestablement catastrophique, à cause des contreperformances agricoles. Pourtant, la crise n’affecte visiblement pas certaines provinces comme le Kénédougou et la Léraba, qui regorgent beaucoup de vergers, et semblent tirer leur épingle du jeu. Les revenus engrangés par la vente des fruits permettent aux familles de se ravitailler en vivres, et du même coup, de se mettre à l’abri de la disette et de la vie chère. Constat !

Originaire d’Orodara, André Traoré est propriétaire de 20 hectares de vergers à quelques encablures de la ville. Affichant une certaine sérénité, il n’a pas hésité à faire des approvisionnements de céréales, après avoir vendu d’importantes quantités de mangues. Tout comme lui, les planteurs du Kénédougou et de la Léraba ne sont pas inquiétés par une éventuelle disette. Avec l’aménagement massif des vergers en brousse, ils travaillent d’arrache-pied pour subvenir à leurs besoins, et s’organisent de plus en plus pour valoriser la filière fruit au Burkina.

A écouter M. Traoré, il n’empoche pas moins de 400.000 FCFA, après la vente d’un chargement de mangues. A l’image de celui-ci, Souleymane Koné, planteur de Sindou et propriétaire de 13 hectares de plantations, avoue s’en tirer à bon compte grâce aux vergers qu’il exploite. Il dit avoir acheté trente sacs de maïs à 15 000 FCFA l’unité. « L’argent que nous gagnons va entièrement dans la nourriture », se plaint-il tout de même. S’ajoutent à cela, d’autres dépenses faramineuses comme les frais de scolarité de ses cinq enfants que seul l’entretien des vergers lui permet de gérer. Il paie environ 280 000 FCFA par an pour la scolarité de ses enfants.

A l’évidence, la crise alimentaire que connaît le Burkina Faso affecte les ménages mais tous ne sont pas logés à la même enseigne. Dans les provinces du Kénédougou (région des Hauts-Bassins) et de la Léraba (région des Cascades), l’exploitation des vergers, principale activité philanthropique, permet aux populations d’avoir de l’argent et de couvrir leurs besoins alimentaires. Avec cette aubaine, beaucoup d’entre elles arrivent à acheter les vivres nécessaires à la consommation familiale. « Nous pensons qu’il ne faut plus considérer les fruits comme de simples produits de cueillette, mais une alternative pour combattre les crises alimentaires au Burkina Faso », souligne le président des producteurs de mangues au Burkina, Paul Ouédraogo, par ailleurs administrateur à la Coopérative agricole du Kénédougou.

Mais il y a tout de même une inquiétude, à l’entendre. Il s’agit de l’instabilité des prix de vente des fruits qui angoisse les planteurs, ces derniers temps. Pour lui, l’activité était jadis pratiquée principalement pour améliorer la situation économique des populations, mais elle se révèle aujourd’hui être un moyen de survie.

Pour lui, au regard des difficultés rencontrées dans la conservation des fruits jusque-là et face à la faiblesse du pouvoir d’achat, le planteur est souvent obligé de « bazarder » ses produits pendant les périodes pas propices. Les populations des deux provinces affirment avoir eu la chance de n’être pas touchées par la crise alimentaire. C’est pourquoi, disent-elles, la notion de « période de soudure » n’est pas bien perçue dans la zone. « Il y a des fruits toute l’année. C’est la raison pour laquelle la période de soudure n’est pas connue ici », précise fièrement Paul Ouédraogo. « (…) dans la région, la situation alimentaire est soutenable », ajoute-t-il. « Créer un verger, c’est assurer sa retraite », renchérissent les planteurs de la région des Cascades.

La filière mangue génère des milliards FCFA

Tant bien que mal, les populations des deux provinces combattent la faim, avec l’alternative qu’offre la production fruitière. Encore faut-il que l’Etat prenne conscience de l’apport combien « inestimable » de la production des fruits dans l’économie nationale. Le président de l’Union nationale des producteurs de mangues avoue clairement que le secteur apporte d’importantes devises à l’économie burkinabè. Et ce ne sont pas les chiffres qui manquent pour étayer de tels propos. Selon lui, la production de 150 000 tonnes de fruits au début des années 2000 a fini par convaincre les autorités du pays de l’urgence d’ouvrir l’œil sur cette filière. En plus, affirme-t-il, la mangue séchée a rapporté à elle seule environ 7 milliards FCFA au budget de l’Etat. Malheureusement, déplore-t-il, la production est tombée à 33 701 tonnes seulement en 2011. De l’avis de M. Ouédraogo, la dernière décennie aura été celle qui a révolutionné le secteur.

C’est au cours de cette période, avance-t-il, que l’Etat s’est intéressé à la production fruitière, un secteur longtemps marginalisé. C’est également, dit-il, à partir de cette époque que les groupements de producteurs ont commencé à s’installer. A en croire Paul Ouédraogo, à travers ces regroupements, les producteurs fruitiers se sont battus comme de beaux diables pour faire entendre leurs voix dans les instances de décisions. Ainsi, confie-t-il, ils sont parvenus à inscrire la mouche des fruits dans les maladies déclarées « fléaux nationaux ». Là, il convient de signaler que les vergers étaient ravagés par les mouches des fruits et des parasites qui dévorent les racines des plantes. Conscient de cela, l’Etat a débloqué 240 millions de FCFA pour lutter contre les mouches.

Une somme exclusivement destinée, à entendre Paul Ouédraogo, à l’achat des produits de traitement au cours de la campagne 2012-2013 en vue de combattre ce fléau. « Nous sommes en train de faire de l’animation pour sensibiliser la population à l’utilisation de ces produits conformément aux normes prescrites », précise-t-il. Pour M. Ouédraogo, grâce à la subvention de l’Etat, le produit de traitement, qui devait coûter 12 000 FCFA aux planteurs leur est vendu à 1 200 FCFA seulement.

L’Etat invité à plus d’effort

Les planteurs du Kénédougou et de la Léraba décrient le prix d’achat des fruits. Pourtant, reconnaissent-ils, celui-ci a connu une amélioration au cours de la dernière décennie, mais compte tenu de la vie chère, ils réclament un réajustement (voir encadré). Par conséquent, le président de la Chambre régionale d’agriculture des Cascades, Moustapha Ouattara, a foi quant à une éventuelle amélioration des conditions de vie des producteurs.

Autrefois destinés uniquement à la commercialisation, les fruits font l’objet d’une forte demande au niveau local pour la transformation. « Les fruits occupent une place importante dans la région des Cascades et de la province du Kénédougou », martèle M. Ouattara avant de poursuivre : « Je me rappelle mon enfance où, à la descente de l’école à midi, beaucoup d’élèves ne rentraient pas à la maison pour chercher à manger ; ils consommaient seulement des mangues pour étudier. Certains élèves logés par des tuteurs éprouvaient beaucoup de difficultés pour se nourrir, mais grâce à l’abondance des fruits, ils endurent jusqu’aux vacances ».

Cependant, Moustapha Ouattara reconnaît que la mauvaise pluviométrie enregistrée au cours de la campagne agricole écoulée a eu un sérieux coup sur le rendement des vergers. « Les résultats ne sont pas bons comme les autres années, mais grâce à la création supplémentaire de vergers, on ne sent pas trop la différence », lâche-t-il. Evoquant la problématique de la maîtrise de l’eau, Moustapha Ouattara dit exhorter les populations à creuser des puits personnels pour pouvoir arroser les arbres. « Nous sommes d’accord que l’Etat réalise des barrages dans les zones faiblement arrosées, mais il doit également penser à faire la même chose dans les régions les mieux arrosées pour empêcher l’eau de drainer entièrement vers les pays voisins », suggère-t-il.

Dans l’attente d’une solution miracle, les principaux acteurs s’inspirent de l’exemple d’autres pays africains moins arrosés que le Burkina pour développer des initiatives. « J’ai fait le Maroc et l’Egypte, deux pays moins arrosés que le Burkina. Malgré cela, ils sont parvenus à maîtriser l’eau ; chaque producteur moyen dispose de son propre système de canalisation qui le permet de travailler continuellement », relate M. Ouattara. Il avance même qu’un plan d’aménagement de cent hectares de vergers, soumis au Projet d’appui aux filières sylvo-agro-pastorales (PAFASP), est en cours de concrétisation.

Le problème foncier et le renforcement des capacités des producteurs constituent, de l’avis du directeur de la Chambre régionale d’agriculture des Cascades, des éléments sur lesquels sa structure essaie de résoudre avec l’appui de l’Etat.

Ouamtinga Michel ILBOUDO (Omichel20@gmail.com)

Sidwaya


La filière mangue dans des tourments

Dans le temps, les mangues pourrissaient maladroitement dans les champs par manque de preneurs. Actuellement, ce problème semble résolu, mais la bataille pour la valorisation des prix n’est pas totalement gagnée, même si les planteurs affichent un certain optimisme. La quantité de fruits livrée aux commerçants au champ a littéralement diminué, mais le prix n’a pas changé. Par exemple, un tas de 6 à 7 grosses mangues était vendu à 25 FCFA par le planteur. De nos jours, la réalité est toute autre : avec un tas comprenant un nombre inférieur de grosses mangues (4 à 5), on débourse le même prix, 25 F CFA.

Une fois les tas acquis, les commerçants revendent une grosse mangue à 100FCFA l’unité à Ouagadougou, et à y voir de près, c’est le planteur qui sort perdant dans ce cycle commercial infernal. A ce manque à gagner, s’ajoutent les effets des changements climatiques, qui compromettent dangereusement l’épanouissement des vergers. Les vents violents font chuter d’énormes quantités de fruits et d’innombrables branches d’arbres. Toute chose qui influe négativement sur les récoltes. Ces aléas imposent l’adoption de nouveaux comportements chez les planteurs et une bonne maîtrise des techniques modernes de plantation.

O.M.I
Omichel20@gmail.com


La régénération des vergers d’agrumes !

Après le cataclysme des années 90 où les parasites ont décimé de vastes étendues de vergers d’agrumes, les planteurs, manifestement affligés par ce drame, ont aussitôt jeté l’éponge. Pendant une dizaine d’années donc, ils feront table rase de ce type de vergers. Cependant, grâce aux nouvelles techniques de production acquises ces dernières années, et tirant éventuellement expérience des échecs passés, beaucoup de planteurs mettent progressivement en place, des vergers d’agrumes. Economiquement rentables par rapport aux mangues, les agrumes sont beaucoup sollicités, du point de vue de la consommation que de la transformation.

La régénération des vergers d’agrumes augure alors des lendemains meilleurs, même si pour l’heure, la sécheresse constitue un autre fléau auquel il convient de s’attaquer. L’ambition des populations de créer de nouveaux vergers d’agrumes est certes, louable, voire noble. Mais sans une réelle implication de l’Etat dans la résolution des problèmes et l’encadrement des acteurs concernés, la relance de cette filière sera sans doute difficile. Car, de toute évidence, les planteurs peinent à sortir la tête de l’eau eu égard aux goulots d’étranglement qui subsistent.

O.M.I
Omichel20@gmail.com

PARTAGER :                              
 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique